Malgré cela comme partout ailleurs, le VIH existe chez nous et continue à se propager lentement, selon les responsables chargés de son suivi.
Apparue au tout début des années 80 (à la suite des travaux du chercheur français, le professeur Luc Montagnier, qui a réussi à isoler le virus), la pandémie du sida a continué pendant quelques années à tuer pratiquement tous ceux qu’elle atteint. Considérée alors comme une fatalité, ‘’châtiment venu du ciel pour punir les infidèles’’, la maladie, classée incurable donc conduisant inévitablement vers la mort, a mobilisé la communauté internationale qui a très tôt commencé à réfléchir sur les stratégies à adopter pour limiter les dégâts. Tout d’un coup, la question du VIH-sida devient plus que jamais d’actualité. Elle s’impose alors dans toutes les grandes rencontres mondiales où elle se place souvent au centre des discussions. Pour elle, des fonds très importants sont mobilisés et des institutions spécifiques sont créées. En son nom, de vastes campagnes de sensibilisation et de vulgarisation sont entreprises puisque jusque-là aucun vaccin ou traitement éradicateur de l’infection n’existent encore. C’est d’ailleurs pourquoi, la vigilance et la prudence restent de mise. Mais aujourd’hui, 25 ans après sa découverte, la maladie n’est plus ce qu’elle était. Les personnes déjà malades ou séropositives communément appelées personnes vivant avec le VIH (PV-VIH) ne sont plus, grâce aux campagnes d’explication et de démystification, des monstres qu’il faut isoler et fuir, mais des malades ordinaires comme tous les autres qu’il faut assister, tolérer et réconforter…
Entre nos murs
Pendant longtemps, le sida était considéré en Mauritanie comme une pure création de l’esprit pour décourager les amoureux. Et même au cas où elle existerait, la maladie ne touchait que les mécréants pour punir leurs abominables comportements. Des préjugés et des illusions aujourd’hui estompés car la maladie est bien là parmi nous. Le premier cas de cette pandémie remonte à 1987 et a été dépisté au centre hospitalier national chez un jeune homme de 32 ans déjà en phase maladie. Depuis lors, le sida progresse certes lentement mais sûrement. Entre 1987 et 1999, plus de 900 cas ont été recensés en Mauritanie. Il fallut 4 ans pour que, grâce à un projet de la banque mondiale, la prise en charge des malades se fasse à Dakar à défaut de structures d’accueil valables dans le pays. Mais un an après, à l’occasion de la célébration le 1er décembre 2004 de la journée mondiale de la lutte contre le sida, le premier et jusqu’à présent l’unique centre de traitement ambulatoire (CTA) du pays est ouvert. Il accueille à ce jour 1630 patients dont 850 sont sous traitements antirétroviraux (ARV), un traitement à vie avec l’usage de trois molécules simultanément (tri thérapie) qui permet le blocage de la réplication virale et donc un arrêt de l’évolution du virus. Au CTA, l’âge des 1630 malades traités varie entre 25 et 44 ans. Le premier patient sous ARV en Mauritanie date de 1998. Il s’agit d’un homme redevenu ‘’normal’’ qui vaque avec enthousiasme à ses occupations et qui se présente chaque mois au CTA pour prendre ses médicaments, exactement comme le font tous les autres malades souffrant de pathologies chroniques. Comme lui, d’autres malades dont de hauts cadres et femmes de renom sous traitement ARV viennent le plus naturellement prendre leurs doses. D’ailleurs depuis le 5 octobre 2005, le réseau mauritanien des personnes vivant avec le VIH existe. Deux de ses membres sont des cadres du secrétariat exécutif national de lutte contre le sida (SENLS). Ce réseau mène campagne activement avec le CTA pour que face à la maladie un changement de comportements s’opère. Et qu’en plus du trépied abstinence, fidélité, usage du préservatif, une vaste campagne permette que le test prénuptial, le dépistage volontaire et le don de sang fassent définitivement partie des habitudes du pays.
La pandémie se stabilise
De source médicale, l’évolution de la pandémie en Mauritanie est très lente. La preuve en est que la prévalence est passée de 0,5 % en 2005 à 0,62% en 2007 et le nombre de malades de 900 en 1999 à 1630 aujourd’hui dont 770 sont totalement pris en charge depuis le diagnostic jusqu’au traitement. Plus de 20586 personnes seraient déjà dépistées dans les 18 centres de dépistage du pays. Ceux –ci procèdent systématiquement au dépistage des groupes sentinelles (femmes enceintes, recrues militaires et tuberculeux). Cette année 2007, le centre de Sebkha a recensé 40 réponses positives sur les 40.000 consultations prénatales qu’il a entreprises. Selon un document du secrétariat exécutif national de lutte contre le sida, la maladie se stabilise grâce aux nombreuses campagnes de sensibilisation que mènent les structures de lutte en collaboration avec les organisations de la société civile active dans le domaine et les partenaires au développement. Mandaté pour 5 ans (2004-2009), le SENLS avec un budget de 21, 4 millions de dollars a pour mission de prévenir l’impact négatif du VIH-SIDA sur la croissance économique du pays et vise à maintenir le niveau de prévalence à moins de 1 %. Pour cela, le SENLS envisage de renforcer les capacités des organisations de la société civile dans la prévention et les soins du sida d’une part, et de créer une synergie entre les autres structures gouvernementales pour une meilleure lutte contre la maladie, d’autre part. La pandémie étant si complexe que c’est à peine si une bonne harmonisation des efforts, un bon partage des informations et une souplesse des procédures permettront d’entretenir l’espoir. Déjà 12 ministères sont effectivement impliqués dans le combat inégal contre le sida. Huit d’entre eux ont inscrit une ligne budgétaire destinée à la lutte contre le sida en 2007, les autres la prévoient en 2008.
La volonté ne suffit pas
La Mauritanie a certes très tôt pris conscience de l’importance de mener une lutte sans merci contre la pandémie du sida. C’est pourquoi des structures, à qui des montants très importants ont été affectés, ont été créées pour lutter contre la maladie. La Mauritanie est l’un des premiers pays signataires des recommandations de la conférence de Brazzaville souscrivant ainsi à l’accès universel aux soins. Dernièrement, les villes de Nouadhibou, de Kiffa et de Kaédi ont été choisies pour abriter les trois nouveaux centres de traitement ambulatoire (CTA) pour décongestionner celui de Nouakchott. Autant de bonne volonté qui doit s’accompagner d’autant de vigilance et de rigueur vis-à-vis de ceux qui gèrent les importants fonds que les partenaires décaissent avec largesse pour la lutte contre la pandémie. Autrement, il ne sert strictement à rien de continuer à créer des programmes, des structures ou des secrétariats de ceci ou de cela. Il serait alors plus raisonnable de commencer d’abord à fonder des centres de moralisation et d’éthique pour que, par pitié, nos prédateurs d’ordonnateurs aient la compassion d’épargner au moins l’argent des malades.
Enquête de Sneiba El Kory
Encadrés
Le sida en chiffres
Selon le rapport du mois de décembre 2007 de l’Onu Sida, le nombre de personnes vivant avec le sida atteindrait 33,2 millions dont 30,8 millions d’adultes, 15,4 millions de femmes et 2,5 millions d’enfants de moins de 15 ans. Les nouvelles infections en 2007 s’élèveraient à 2,5 millions tous âges et sexes confondus. Quant aux décès dus au sida, ils auraient atteint 2,1 millions pour l’année écoulée. En tête de cette liste macabre, l’Afrique subsaharienne dont le taux de prévalence est de 5 % figure en bonne place. Ainsi sur ce continent, 22,5 millions des personnes vivent avec le VIH, dont 1,7 million nouvellement infectées et 1,6 million meurent chaque année des suites des maladies liées à la pandémie. `
Témoignages
M. N (malade âgé de 37 ans sous traitement ARV depuis 2005) témoigne : «Lorsqu’en 2003, j’appris à la suite d’un test volontaire que j’étais séropositif, j’ai été victime d’un choc terrible qui m’a fait penser à toutes les hypothèses. Seulement après m’être confié à un parent, je me suis ressaisi et me suis rendu dans une structure d’accueil où j’ai été entouré de tous les soins. Aussitôt après les analyses d’usage, j’ai commencé à prendre mes médicaments. J’ai repris confiance et je vaque à mes occupations sans aucun problème car j’ai compris que loin d’être une fatalité, le sida est une maladie comme les autres. Je profite de cette opportunité que m’offre Le calame pour demander à tous de faire le test afin de connaître leur sérologie et agir en fonction de cela ».
A. S (Séropositive de 25 ans) : Qui a difficilement accepté de parler
«C’est à la suite d’un don de sang pour un oncle malade que j’appris au service de la transfusion sanguine mon infection. Sans hésiter j’ai commencé à me traiter. Aujourd’hui je travaille activement avec une ONG qui mène des campagnes de sensibilisation sur le sida».
Le sida en Mauritanie
En Mauritanie, le nombre de personnes vivant avec le virus du sida est de 12.000 environ, selon les dernières estimations. Parmi ces malades, sur 1630 suivis par le centre de traitement ambulatoire de Nouakchott, 839 sont sous traitement anti-rétroviral. La prévalence, qui était de 0,82 en 2006 a reculé en 2007(0,62) grâce à de nombreuses campagnes de sensibilisation que mènent les différentes structures chargées de la lutte contre la maladie en partenariat avec les organisations de la société civile et les bailleurs de fonds (Banque mondiale, Onu sida, Unicef…etc.). Chez les groupes sentinelles, les femmes enceintes vivent de loin la situation la plus précaire et la plus déplorable. C’est dans ce groupe très vulnérable que les besoins de soins et de prise en charge se font le plus sentir. Or sur plus de 300 femmes enceintes atteintes, seules 14 étaient sous traitement en 2006 contre 31 aujourd’hui. Enfin, malheureusement plusieurs personnes, à cause des tabous et préjugés qui prévalent encore fortement en Mauritanie, préfèrent mourir en silence après un test positif plutôt que de venir se soigner comme beaucoup d’autres d’une maladie qui n’en est pourtant qu’une parmi des milliers d’autres.
Les ARV, un espoir
Avec la mise sur le marché du traitement anti- rétroviral, les personnes vivant avec le VIH reprennent l’espoir de prolonger encore leur existence. Ce traitement aurait même la vertu de dégrader la pandémie de maladie mortelle à maladie chronique. Son administration permet d’une part de retarder la multiplication du virus dans le corps et, d’autre part, elle soutient et fortifie le système immunitaire. Plusieurs patients ont, grâce à ce médicament, repris force et vigueur qui leur permettent de vaquer en toute confiance à leurs multiples occupations. Dans la sous- région, certains malades vivent avec le virus depuis une vingtaine d’années grâce aux ARV. En Mauritanie où l’usage du traitement ne date que de quelques années, les 770 malades qui y sont soumis reprennent confiance et vivent le plus ordinairement du monde
Source : http://www.lecalame.mr