Les récents drames africains ont certainement poussé l’homme de sciences à sortir des langues anciennes, des relations culturelles entre la Grèce et l’Afrique ou des migrations Bantus, favoris de ses thèmes d’exploration. Encore qu’il ne rechigne pas, d’ordinaire, à prendre position sur les grandes questions de société, de civilisation, sa vision de la marche des peuples ne l’a-t-elle pas conduit à s’investir dans l’histoire locale du Congo-Brazzaville, dans celle des deux Congo, puis à une échelle supérieure dans l’identification des peuples Bantu, allant vers l’Egypte pharaonique et l’histoire universelle ?
L’immigration suicidaire africaine, qui traduit à elle seule, par la brutalité de ses faits massifs, par la traînée intensive de douleurs, de souffrances, de morts, de sang, d’humiliations, l’errance tragique des Africains dans une planète acculée par les prédations, voracités et calculs utilitaristes, entame le propos de Théophile Obenga. Et pour cause, cette immigration qui aimante des populations africaines aux opportunités en trompe-l’œil de gains pécuniaires occidentaux est certainement un des derniers coups presque mortels portés à la jeunesse du continent. Ces centaines de millions de jeunes, espoirs d’un continent, semblent incapables de supporter la charge de faire éclore le bien-être demain, privés d’Etat, d’écoles, de vertus publiques, rongés par les maladies, celles du continent et celles volontairement introduites par l’Occident obsédé par la démographie africaine.
La marée rouge des assassinats des leaders et figures chéries des Africains, Lumumba, Cabral, Steve Biko, Um Nyobé, Tom Mboya, etc. ne vient que prolonger, dans cette lecture incisive et sans concessions, des siècles d’oppression esclavagiste, coloniale, d’Apartheid et aujourd’hui de démolition sociale FMI-Banque mondiale.
A l’heure où des nouvelles géopolitiques se dessinent, où des peuples hier marginalisés affirment leur identité et leur puissance, Chine, Inde, Amérique latine, monde islamique, en face d’un Occident, Europe et Amérique du Nord décidés à ne rien céder de leur hégémonie mortifère, il est vital que la jeunesse africaine apporte sa réponse.
Résister, lutter, combattre, vaincre, avec son propre paradigme, son propre rêve, sa propre utopie, voilà le vaste chantier qui attend la jeunesse. Une lutte pour la Renaissance africaine portée par l’idéal de l’Etat fédéral africain. Cette jeunesse sur ce chemin, le sien, celui de sa victoire, ne sera pas seule. Elle pourra toujours avoir recours aux figures emblématiques de ses devanciers Africains savants et innovateurs dans la grande histoire universelle, depuis Imhotep, Saint Augustin, Ahmed Baba, Anton Amo, Anténor Firmin, DuBois, Cheikh Anta Diop, Frantz Fanon, et bien d’autres dans des domaines extrêmement variés allant de l’art du politique, du militaire, aux avancées scientifiques et techniques.
Seul est salutaire cet engagement pour une Afrique croyant en elle, délaissant les mirages de l’Occident avec lequel chacune de ses rencontres s’est soldée par sa décadence, un Occident ayant qui plus est déserté le terrain des valeurs, diffusant au monde corruptions capitalistes, et mœurs sociales, culturelles, étrangères et adverses aux traditions et à la modernité africaine. Il est la matière pour un contrat social africain pour le XXIe siècle.
Ce ne sont pas les ressources qui manquent, la diversité naturelle, climats, géologies, fleuves, mers, océans, la surabondance de ressources transformables en énergie ou en biens et services, eau, pétrole, uranium, or, gaz naturel, ne sont pas des dotations si rares que cela à l’échelle continentale, au contraire. Il s’agira pour la jeunesse de se hisser au seuil de compétence et d’expertise internationale lui permettant de tirer le meilleur de sa profusion de dotations naturelles et des ressources humaines, autant d’opportunités que de menaces. Une telle expertise indispensable au sursaut continental ne saura s’affranchir d’un véritable amour pour son continent, d’une véritable conscience historique, qui guidera les bras ouvriers à l’œuvre pour la Renaissance sur les sommets de la victoire.
Le questionnement restera cependant de mise, sur les questions qui impactent le devenir des peuples, leurs intentions en tant que groupes humains intervenant sur leur avenir. La valeur de l’histoire, de l’héritage des figures emblématiques, les idéologies mobilisatrices -panafricanisme, …-, la géopolitique africaine et sa politique du monde -rapport avec l’Occident, avec la Chine, l’Inde, …-, le vouloir-être des Africains sur la sexualité, les rapports avec les Afrodescendants des Amériques et des Caraïbes, etc.
«Appel à la Jeunesse africaine» (Editions Ccinia Communication, 2007) de Théophile Mwene Ndzalé Obenga est un ouvrage qui conjugue pédagogie et engagement, écrit d’une plume alerte et désireuse d’aller à l’essentiel : pousser les futurs gestionnaires de l’Afrique de demain à une «entrée en religion», en cause africaine, à une rébellion de la pensée devant la tragédie qui sous les yeux du monde et des élites africaines décime des millions d’âmes terrestres, damnées parce que nègres. Une grande diversité d’informations se trouve restructurée, revivifiée et mise en perspective -corruption en Occident, immigration africaine, …-, dans cet Appel, dont quelques accents, par moments, ne sont pas sans rappeler l’ouvrage diopien «Les fondements économiques et culturels d’un Etat fédéral d’Afrique noire » (Présence Africaine, 1960).
Le choix d’un éditeur africain, jeune éditeur, traduit aussi, cette volonté de faire confiance à la jeunesse africaine, et de prêcher par l’exemple, en endossant les risques d’une telle option. Il faut dit-on que jeunesse se passe, puisse t-elle aussi entendre les messages qui lui sont adressés, avant qu’il ne soit trop tard, dans un continent qui est loin de trop bien se porter.
Source: Afrikara.com