PS (note de l’auteur) : Le ton de cet article peut choquer certains lecteurs mais ce n’est pas le but recherché. Je m’en excuse d’avance.
« Mon peuple quand hors des jours étrangers germeras-tu
une tête bien tienne sur tes épaules renouées… Quand?
Quand donc cesseras-tu d’être le jouet sombre
au carnaval des autres ou dans les champs
d’autrui l’épouvantail désuet. » Aimé Césaire
L’avenir d’un continent est sa jeunesse. Nous avons tous entendu un jour cette affirmation. Cela semble même une évidence. Alors, comment imaginer qu’on ose encore se poser la question de savoir si « l’avenir de l’Afrique est sa jeunesse ? ». Une question à première vue absurde, stupide et peut être mal posée.
Cette question, mérite pourtant d’être posée. En effet, à regarder la jeunesse Africaine d’aujourd’hui, à regarder les centres d’intérêts de cette jeunesse, on peut légitimement se poser la question (sans être taxé de pessimiste) de savoir si le continent noir à un avenir ? Si oui, cet avenir sera-t-il sa jeunesse d’aujourd’hui? Si non, que restera de cette Afrique dans les années à venir ?
Les centres d’intérêts
A regarder de près les centres d’intérêts de la jeunesse Africaine (dans son ensemble), il n’est pas nécessaire d’être un expert en sociologie pour se rendre compte que cette jeunesse n’a qu’un seul et unique centre d’intérêt. Et cet unique centre d’intérêt est bien sûr le divertissement. S’amuser, s’amuser et encore s’amuser…jusqu’à la mort. On connaît tous ce refrain mythique : « Il faut pas fâcher… Hein ! Nous s’amuser!« .
Cette frénésie vers le plaisir sans limite, à une époque où les pirates de la mondialisation atteignent les côtes Africaines, est inquiétante (et doit inquiéter) à plus d’un titre.
Comment l’Afrique pourrait-elle faire face à l’assaut des pirates venus pour s’emparer des richesses du « navire Afrique »?
Ce piratage n’est qu’un prélude à la grande bataille planétaire (qu’on appelle encore compétition) dont les seuls vainqueurs seront ceux qui auront l’horrible talent de « brouter de l’humain ». Une humanité à la Hobbes s’annonce donc, avec des loups à visage humain.
Les boites de nuit pourront-elles fournir à la jeunesse Africaine les munitions nécessaires pour cette bataille planétaire?
Comment faire revenir les pirates à la raison quand on ne parle pas leur langage? Le langage de la piraterie.
A ces différentes questions certains pays comme le Mali prônent « la révolution culturelle ». En effet, actuellement il y a une annonce publicitaire qui passe sur la chaîne nationale du Mali affirmant que la « révolution culturelle est en marche ». Il s’agit d’un évènement parrainé par le ministère de la jeunesse et d’autres acteurs du champ culturel Malien. De quoi s’agit-il ?
Ce qu’ils appellent « révolution culturelle », n’est autre qu’un concours de danse sur fond de ‘balani’ (un instrument de musique traditionnel). Telle est la révolution culturelle (danser, danser, danser…) prônée par les autorités maliennes et certains rappeurs, pour ne pas dire des ambassadeurs de bonne volonté (qui s’ignorent) de la musique des ghettos Américains. Honte, honte à vous, encore honte à vous!
La culture Malienne est-elle une culture de la danse (suffirait-il de révolutionner les pas de danse pour révolutionner notre culture Malienne) ?
L’exemple Malien ne fait que traduire une maladie beaucoup plus répandue chez les dirigeants Africains et une partie de la jeunesse d’Afrique. Cette maladie est le manque de vision sur l’avenir et la non maîtrise des problématiques (économiques, éducatives, sociétales, culturelles…) du présent, et tout cela dans un zapping permanent du passé du continent Africain.
Cette « myopie de l’avenir » a engendrée (de la part des dirigeants et dans certains milieux intellectuels Africains), la technique du copier/coller du modèle Occidentale comme moyen de construction d’une Afrique capable de relever les défis du futur. Pure illusion ! L’avenir de l’Afrique serait-il le présent de l’Occident ?
Les dirigeants et une partie (considérable) de la jeunesse ont-ils d’ores et déjà choisi de ne pas
affronter les pirates sanguinaires ? Quelle lâcheté.
Comme disait l’écrivain Russe Alexandre Soljenitsyne : « Le prix de la lâcheté est toujours le mal. Nous ne récolterons la victoire que si nous avons le courage de faire des sacrifices« .
Des sacrifices pour sauver le « navire Afrique » du chavirement. Mais certains d’entre nous semblent vouloir rendre les armes, en choisissant la soumission humiliante (une seconde fois) aux pirates. Mais cette soumission calmera t-elle l’appétit sanguinaire des pirates ?
Quel sera le prix à payer pour notre soumission (dont l’incarnation est justement le copier/coller)?
Ce prix est la disparition pure et simple des cultures et des bonnes traditions. En d’autres termes, le prix à payer sera le clonage de l’homme Africain en une ENI (espèce non identifiée), une espèce de créature sans identités ni Histoire.
Dans ce cas nous aurions du mal à contredire notre cher Victor Hugo, quand il déclara que
» L’Afrique n’a pas d’histoire; une sorte de légende vaste et obscure l’enveloppe. […]
C’est ce qui est absolu dans l’horreur… »
Si nous ne changeons pas de procédé, alors on peut affirmer que l’homme Africain sera bientôt enterré vivant pour le reste de sa vie, et sera condamné à subir en silence jusqu’à sa mort les coups des professionnels du piratage.
« La disparition des nations ne nous appauvris pas moins que si tous les hommes devenaient semblables, avec une seule personnalité et un seul visage. Les nations sont la richesse de l’humanité, ses personnalités collectives : la plus infirme d’entre elles a sa coloration particulière et porte en elle un reflet particulier de l’intention divine » Soljenitsyne.
J’aurai souhaité que cette jeunesse qui se défoule constamment sur les pistes de danse -au son de musiques venant constamment d’ailleurs- prenne en exemple « la production intellectuelle occidentale » en lieu et place de ses modes de divertissement et de son matérialisme grossier et prédateur. C’est à dire que nous soyons plus intéressés par le « monde des idées » que par le monde du « mapouka ».
Prendre en exemple « la production intellectuelle Occidentale » ne veut pas dire faire du copier/coller mais cela signifie que la jeunesse Africaine soit capable demain incha’Allah de théoriser, de conceptualiser les visions Africaines de la vie, de l’homme, de la nature, de l’histoire, de la culture, de la famille, du divertissement, de la consommation… etc. Je pense que dans tous ces domaines l’Afrique, les africains doivent avoir leur mot à dire. Ils ont leur mot à dire. Mais comme disait Aimé Césaire :
« Un meilleur avenir ne sera jamais réservé au peuple s’il n’abandonne pas son fatalisme, s’il ne cesse d’accepter la servitude comme sa condition naturelle et la supériorité comme le droit exclusive des ‘autres’«
La mondialisation est un concept pensé par ceux qui n’ont qu’une vision « néolibérale » de la société, des sociétés. Le néocolonialisme aussi est un concept élaboré par ceux qui ont la nostalgie de l’époque coloniale et qui souhaitent finir le travail de la colonisation. La société de consommation est aussi un autre concept utilisé par les partisans du « vivre l’instant présent »…
On vit donc dans un monde où les choses sont pensées, théorisées, avant d’être applicable et exportable. Il est donc indispensable pour pouvoir proposer une pensée, un concept, une théorie, une vision contraire crédible à toutes ces visions qui ne prennent pas en compte la culture Africaine du partage, de l’entre-aide, de l’hospitalité… que nous, jeunes d’Afrique, nous nous mettons à penser. Penser pour produire une pensée alternative avec les femmes et les hommes qui à travers le monde refusent la ‘barbarisassions des rapports humains’.
Comme disait Descartes « Je pense, donc je suis ». Oui ! La liberté de l’homme est dans la pensée. La liberté de l’homme est dans sa ‘capacité d’analyse’ et non dans ses ‘pas de danse’.
Un homme ou un peuple ne peut pas être libre s’il est avili par le divertissement.
La jeunesse peut et doit critiquer la soumission des dirigeants africains à la volonté des puissances Occidentales, mais cette jeunesse ne fait pas mieux quand elle court sans cesse sur les pistes de danse. Elle s’illusionne en pensant qu’elle fera mieux que la génération des dirigeants actuels au pouvoir.
Les dirigeants actuels le savent. Ils savent qu’une grande partie de leur jeunesse est ignorante. Ignorante d’elle même, ignorante de la culture et des traditions africaines. Une jeunesse qui n’a pas d’autre conscience que celle du divertissement (qui, il faut le dire, conduit à l’abrutissement social). On comprend dès lors pourquoi les seules propositions venant de la classe dirigeante destinées à la jeunesse sont des propositions ‘divertissementionistes’, c’est à dire exclusivement tourner vers le divertissement. Telle est ce qu’ils appellent révolution culturelle.
Dans ces conditions actuelles, on peut affirmer que oui l’avenir de l’Afrique est dans sa jeunesse, mais que cet avenir est déjà à l’agonie. Déjà en état de mort cérébrale.
Je suis d’accord avec Mme Aminata Dramane Traoré quand elle dit : « Nous ne sommes pas pauvres, nous sommes appauvris », mais je ne sais pas si l’on aura la même compréhension du « nous sommes appauvris ». Le « nous sommes appauvris » envoi à la ‘paupérisation’ du continent, et cette paupérisation est due à des facteurs exogènes mais aussi à des facteurs endogènes. Ces deux facteurs sont aussi importants l’un que l’autre.
Je pense qu’il faut aussi distinguer différents types de paupérisation. En effet, il y a :
la paupérisation économique et financière et la paupérisation sociologique (qui est l’appauvrissement de la culture Africaine, des relations parents-enfants, de la famille, du mariage, des relations humaines…). Il ne fait pas de doute que les Africains (l’homme Africain) sont les premiers responsables de la paupérisation sociologique.
Je veux bien que l’on organise un contre sommet au G8 pour dénoncer l’hypocrisie des grandes puissances de ce monde, mais je ne comprends pas pourquoi nous sommes si tolérants face à notre propre hypocrisie ? Pourquoi ne pas organiser des sommets en Afrique pour dénoncer
« l’occidentalisation galopante de la jeunesse Africaine » ?
Pourquoi ne pas organiser des sommets pour dénoncer l’insouciance de notre jeunesse ? Pourquoi ? Comme disait le Christ : « Qu’as-tu à regarder la paille qui est dans l’œil de ton frère ? Et la poutre qui est dans ton oeil à toi, ne la vois-tu pas ! Comment peux-tu dire à ton frère : Mon frère, attends, que j’enlève la poutre qui est dans ton oeil, toi qui ne vois pas la poutre qui est dans le tien ? Hypocrite, enlève d’abord la poutre de ton œil ; et alors tu verras clair pour enlever la paille qui est dans l’œil de ton frère ».
Comme le Coran l’affirme et le prouve, l’Histoire a un sens, et doit nous servir de leçon.
Si l’Histoire a un sens, comment est-ce que l’on peut être étonné du fait que « les grandes puissances, c’est à dire les riches » ne se soucient guère de « la pauvreté des pauvres » ? Le seul moyen de remédier à cela est d’affirmer et de montrer, par notre façon de vivre, que « la vie a un sens », en étant capable de proposer des alternatives à toutes les échelles. Et donc arrêter de courir sans cesse derrière les autres. Montrer que nous avons une identité propre et un esprit créatif.
« Se souciant peu de savoir que l’Histoire a démontré maintes fois son caractère stérile. Bien plus, ce n’est pas seulement la force brute qui triomphe au-dehors, mais sa justification enthousiaste » Soljenitsyne.
Pour conclure, nous pouvons dire que : pour que l’avenir de l’Afrique ne soit pas la « copie conforme » de son présent, il est urgent que sa jeunesse passe du « mapouka » à la « pensée ». Il est urgent que nous jeune d’Afrique, nous nous préparions pour être présent sur le champ des idées.
Il serait aussi naïf de croire que seule l’économie permet le développement d’une société ; une société à aussi besoin de valeurs morales pour prendre son envol. Mais je crains que les « valeurs morales » ne commencent à laisser la place aux « valeurs divertissementionistes », qui sont basées sur l’apparence, la vulgarité et la course pour décrocher le totem de l’immoralité et de l’irresponsabilité perpétuelle.
Seule la pensée pourrait désiler nos yeux (nous jeunes d’Afrique) aux défis du futur.
« Infiniment rudes sont tous ces commencements, quand on n’a que le verbe pour mettre en branle le bloc inerte de la matière. Mais il n’est pas d’autre chemin quand toute cette matière n’est déjà plus la vôtre, n’est déjà plus la nôtre. Et malgré tout, un seul cri suffit parfois à déclencher l’avalanche dans les montagnes » Soljenitsyne (le Chêne et le Veau)
Une contribution de Sangaré Youssouf
Statisticien
Etudiant à L’Institut International de la Pensée Islamique à Paris.
Le « mapouka » est une danse originaire de la Côte d’Ivoire et qui s’est répandue dans presque toute l’Afrique….