Les obsèques nationales d’Aimé Césaire, mort jeudi à l’âge de 94 ans, auront lieu dimanche au stade de Fort-de-France
Elles se dérouleront en présence de nombreuses personnalités, notamment le chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy, accompagné de plusieurs ministres, notamment Michèle Alliot-Marie et Christine Albanel.
Une délégation du PS, est également attendue, avec François Hollande et les ex-premiers ministres Pierre Mauroy, Laurent Fabius et Lionel Jospin.
Ségolène Royal sera également présente. Le président du Modem, François Bayrou, fera lui aussi le voyage de Fort -de-France.
Plusieurs représentants de pays étrangers devraient participer aux funérailles. Sont ainsi annoncés le ministre sénégalais de la Culture, Mame Biram, et le premier ministre de l’île voisine de la Dominique, Skerrit Roosevelt.
Les cérémonies prendront dimanche la forme d’un « hommage culturel », avec la lecture de textes de l’auteur de « Cahier d’un retour au pays natal » par des écrivains et comédiens antillais et africains.
« La volonté du président de la République est que le format et le style de l’hommage répondent aux souhaits de la famille, avec la conscience qu’Aimé Césaire aurait voulu quelque chose d’extrêmement simple », a indiqué le secrétaire d’Etat à l’outremer, Yves Jégo. Il n’est pas prévu que Nicolas Sarkozy prenne la parole au cours de la cérémonie.
Après la cérémonie, l’écrivain sera enterré au cimetière de La Joyau.
Une foule ininterrompue venue de toute la Martinique a continué à défiler samedi devant la dépouille d’Aimé Césaire, exposée depuis vendredi soir au stade Dillon à Fort-de-France.
Pas de Panthéon pour Césaire
Interrogé sur le souhait évoqué par plusieurs responsables politiques d’un transfert de la dépouille du poète au Panthéon, il a estimé que l’idée ne correspondait « pas du tout aux souhaits de la famille et des Martiniquais ». L’hommage de la Nation qui sera rendu dimanche au poète est une cérémonie extrêmement rare pour un écrivain. Depuis le XIXe siècle, un tel hommage n’a été rendu qu’à Victor Hugo, Paul Valéry (1945) et Colette (1954). En 1885, un million de personnes avaient suivi à travers Paris le transport de la dépouille de Victor Hugo.
L’hommage des Martiniquais vendredi
Des dizaines de milliers de Martiniquais ont dit adieu vendredi dans une ambiance chaleureuse au poète décédé jeudi. La dépouille mortelle de celui qui fut maire de Fort-de-France pendant 56 ans et député pendant 48 ans avait été acheminée à travers la ville jusqu’au stade où auront lieu dimanche ses obsèques nationales. Le transfert de la dépouille d’Aimé Césaire, mort à l’âge de 94 ans, a duré sept heures au lieu des trois heures prévues.
Durant le transport de la dépouille, une haie d’honneur ininterrompue de milliers de personnes s’est formée au passage des véhicules. Les militants du Parti progressiste martiniquais (PPM, proche du PS), habillés de blanc, ouvraient la voie en brandissant de grandes fleurs rouges de balisier, l’emblème du parti créé en 1958 par Aimé Césaire.
« Pour nous, c’était le président noir. A Paris, il y a le président de la République. Césaire , c’était le président de la Martinique », s’amusait, les yeux pleins d’émotion, Françoise, une habitante de la route de Redoute où il vivait. « Je le voyais souvent, dit-elle. Il s’est battu pour nous, pour son peuple martiniquais ».
Très émus, mais dans une ambiance sereine, souvent joyeuse, les habitants de Fort-de-France et des autres communes de l’île, tous âges confondus, ont applaudi le passage du fourgon transportant la dépouille de Césaire. Ils chantaient et scandaient son nom ou en brandissaient des portraits du poète. Des inscriptions comme « Merci Papa Aimé » ou « Merci Césaire » avaient été tracées à la peinture sur les trottoirs et des portraits du poète collés aux murs. Des billets épinglés aux arbres témoignaient de l’émotion des Martiniquais : « Merci d’avoir contribué à l’émancipation du peuple noir », « Papa Aimé, tu voyageras toujours avec nous ».
Le cortège a traversé plusieurs quartiers populaires, comme Trénelle ou Texaco, qu’il avait contribué à créer et à assainir.
Des arrêts plus politiques avaient également été programmés, au siège du PPM, qu’il a crée en 1958, où devant l’ancien Hôtel de Ville, où Aimé Césaire avait toujours son bureau. Les grands axes de l’itinéraire avaient en effet été choisis pour leur relation avecson oeuvre et son combat pour l’émancipation des peuples et la justice, l’avenue Jean Jaurès, la rue Emile Zola ou l’avenue Nelson Mandela.
« C’est une journée populaire, enthousiaste, avec une alliance entre une forme de tristesse et une ferveur extraordinaire. Tout d’un coup, quelque chose est sorti du coeur des Martiniquais, qui était peut-être retenu depuis longtemps », a commenté devant la presse l’ex-candidate PS à l’Elysée, Ségolène Royal , présente à l’arrivée du cortège. Le secrétaire d’Etat à l’Outre-mer, Yves Jégo, était également présent, ainsi que la députée PRG de Guyane, Christiane Taubira.
Le rôle d’Aimé Césaire
L’hommage de la Nation à un écrivain est exceptionnel, trois d’entre eux seulement ayant eu des obsèques nationales depuis le XIXè siècle, Victor Hugo, Paul Valéry en 1945,
et Colette en 1954.
Décédé jeudi à l’âge de 94 ans, Aimé Césaire a été de tous les combats contre la colonisation et le racisme. Député de la Martinique (1945-1993) et maire de Fort-de-France (1945-2001), il a été le symbole et la figure politique majeure de l’île pendant plus de 50 ans.
Avec le Sénégalais Léopold Sédar Senghor et le Guyanais Léon-Gontran Damas, il a forgé dans les années 1930 le concept de « négritude » – la fierté d’être noir et de ses racines africaines – et influencé plusieurs générations d’écrivains et d’intellectuels aux Antilles et dans le monde entier.
Les écrivains martiniquais Patrick Chamoiseau, Raphaël Confiant, Jean Bernabé, qui avaient écrit en 1989 un « Eloge de la créolité » ne manquent d’ailleurs pas de se proclamer « à jamais fils de Césaire ». Patrick Chamoiseau lui avait rendu un bel hommage en le mettant en scène dans son beau roman « Texaco », prix Goncourt en 2002.
Source: france3.fr