Mali-Langues nationales: La question de l-identité

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Le Mali vient de fêter, à l’instar des autres pays sous-developpés, la Journée et la semaine des Langues nationales. Il y a de quoi : on déplore dans le monde la disparition de vingt-cinq de ces langues chaque année ! Mais au moment où l’on réclame dans nos écoles le retour aux langues nationales comme médium d’enseignement, le problème se pose de savoir, dans la multiplicité de nos langues et de nos ethnies, quelle langue enseigner à quel enfant dans telle ville et dans telle famille. N’y a-t-il pas eu colonisation (ou assimilation) intérieure, acceptée de plein gré, à l’époque de la lutte contre l’ennemi commun, le français ?

Langue soninké et ethnie

Le (ou le bambara, alias le ), qui se plaint le plus fort (alors qu’il s’est enrichi de l’apport commun et a même créé son alphabet nko, où sont écrits le Coran, les hadiths et des livres de tradithérapie), n’a-t-il pas pourtant tiré à soi toute la couverture, au détriment du , du soninké, du bozo, du mamara (ou miyanka) et même du khassonké, pour citer les principales victimes ? Il est vrai que dans notre pays, une ethnie ne parle pas forcément sa propre langue et n’en fait pas un souci : les Peuls du et du Khasso parlent… wassoulonké et khassonké, les Keïta de Nara et les Traoré du Khanyaga (cercle de Yélimané), des Malinkés, parlent soninké. De  nombreux de la région de Kayes ne parlent pas un mot de bambara, tandis que des de Ségou et des du Mandé ne connaissent pas un traître mot de soninké ! Bref, on n’est que trop rassuré, pour la chésion nationale, que les maîtres de la langue bambara sur les radios libres s’appellent Sy Solomane, un Peul, Daba , un Soninké, Heinda Gassama, une Soninké… Ces transformations, que d’aucuns assimileront à un brassage ethnique civilisé et bénéfique, aux antipodes du nettoyage ethnique et du « racisme » ne sont pas, semble-t-il, complètement achevées, ni exemptes de tout danger de revendication identitaire. On a vu les ressortissants soninkophones de Nara et de se montrer fiers d’appartenir à la Région de Bamako (avant la judicieuse création du District) à majorité bambarophone plutôt qu’à celle de Kayes, fief du soninké, du khassonké et du peul, pendant que les gens de Ségou prétendant parler le bambara le plus pur, se moquaient du parler impur de Bamako. C’est la preuve qu’on ne veut être soi qu’à condition d’être reconnu grand et fort ! Certains ne verront là qu’un malheureux régionalisme. Soit ! Mais force est de remarquer que la merveilleuse langue khassonké s’est trouvée mise en difficulté par de tels arguments extra-linguistiques justement !

Deux grands coupables : la capitale et les

Moussa Traoré aurait demandé aux sections de son parti unitaire, l’UDPM, de laisser, aux réunions, les militants parler la langue de leur choix, sans aucune intervention consciente pour la langue de l’ethnie dominante, situation qui, naturellement, et dans de nombreuses contrées, profite au bambara, qui bénéficie ainsi de la caution du prince, au moment où les radios de proximité s’installent dans les habitudes des populations. Le congrès de Tabital Poulako et sa radio Tabital FM sont bien, eux, une réaction (civilisée et bénéfique) de la société civile à cette situation de fait culturellement préjudiciable au peuple malien et, partant, à toute l’humanité.

Les griots, communicateurs efficaces bien avant l’apparition des radios, ont effectivement créé leur merveilleuse littérature dans la langue dominante, le bambara. Force est de reconnaître cependant que les « Manden jeli », tout comme les « » ne sont que des étrangers réduits au rang d’hommes caste, dans le Mandé et dans les royaumes malinkophones comme le Ségou. Celui-ci s’est développé dans les capitales régionales, et plus particulièrement dans le District, qui, quoique n’appartenant formellement à aucune région ni à aucune ethnie, a adopté le bambara, frustrant parfois le locuteur du peul, et surtout du sonrhaï et du tamasheq, les deux grandes langues du Nord. Faut-il transférer, avant qu’il ne soit trop tard pour un équilibre ethno-linguistique national, transférer la capitale vers une ville géographiquement plus centrale ?

Au moment où l’on veut opérer le noble et salutaire retour aux langues nationales à l’école, qu’on se souvienne que la question n’est pas que pédagogique, loin de là !

Auteur: Ibrahima KOÏTA

Posté   le 08 Oct 2008   par   doudou

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