Les essais de Ibrahima BATHILY se rapportent exclusivement à l’ancien royaume soninké du Gadiaga.
Le Gadiaga baigné par le fleuve Sénégal et la Falémé s’étendait sur les terres limitrophes des républiques du Sénégal, du Mali et de la Mauritanie actuelles. Son étendue a connu au cours du temps des fortunes diverses. Son histoire est de toutes celles des provinces africaines de l’Ouest, la plus confuse et la plus mal connue, bien qu’elle ait joué un rôle des plus importants. Il n’est pas possible dans l’état actuel de la recherche historique d’en nommer les frontières exactes pour une époque quelconque. Ici comme ailleurs, la notion de frontière repose le plus souvent sur des données imprécises et arbitraires, constamment sujettes à contestation. En outre, il faut surtout ne pas oublier que l’histoire du Soudan repose sur des tribus intimement enchevêtrées et que les noms qui sur nos cartes, paraissent désigner des territoires distincts. Ils désignent en fait des régions qui se compénètrent plus ou moins comme les collectivités humaines qu’elles intéressent.
A l’heure actuelle, nous ne disposons d’aucun document sérieux qui nous permette de situer dans le temps de façon précise la date de la fondation du Gadiaga. Au plus, peut on hasarder quelques hypothèses.
Delafosse, dans son monumental » Haut-Sénégal-Niger » pense que l’existence du Gadiaga comme état souverain remonterait au haut moyen âge. Il aurait été fondé vers la fin du VIIIe siècle (790-800 ?) par des familles soninké émigrées du Wagadou. Les Sempèra qui porteront plus tard le nom de Bathily auraient fondé Galambou (ou Galambo) au confluent de la Falémé. D’autres grandes familles se seraient établies dans la même région à Yaressi ou Diaressi ou encore Diarissona sur la rive nord du Sénégal en face d’Ambidédi et Silla près de Bakel. Ces diverses colonies auraient formé le royaume du Gadiaga avec Galambou comme capitale. Les autres grandes familles étaient celles des Sibi, des Silla et plus tard, les Diakhité ou Niakhaté et des Diabi.
La thèse de Delafosse est fondée sur les traductions orales recueillies par lui-même. C’est donc circonspection qu’il faut recueillir les opinions quelques fois contradictoires qu’il a émises.
Il pense, par exemple, que le nom Gadiaga ne serait qu’une variante dialectale du nom de Kaniâga, vaste contrée dont le Gadiaga aurait été une province. Alors que dans son « Haut-Sénégal-Niger », il dit implicitement que la formation du royaume de Kaniaga (ou de Diara) est postérieure à celle du Gadiaga.
En décomposant le nom Gadiaga, on a :
- – Gadia = guerrier, se quereller, se battre
- – ga suffixe indiquant le lieu
- D’où Gadiaga = pays de la Guerre.
De même que Khaniaga signifie le « pays de la chasse » mais les renseignements sémantiques ne nous avancent en rien dans l’explication de l’origine de ces termes.Dans les récits de voyage et dans tous les documents historiques consécutifs à la pénétration européenne dans le Haut-Sénégal, le Gadiaga est désigné sous l’appellation erronée de pays de Galam (ou « pays de l’Or). Cette dénomination ne se justifie nullement; utiliser exclusivement par les Européens et les traitants wolof, elle est ignorée des autochtones soninké qui ont toujours appelé et appellent encore leur pays Gadiaga.
S’il est certain qu’Ibrahima BATHILY a lu quelques auteurs comme Delafosse, Monod, …etc, il ne semble pas pourtant à la lecture des documents ci-dessus relatifs à l’histoire qu’il en ait tiré de larges profits. La source essentielle de ses manuscrits a été la traduction orale recueillie auprès d’informateurs divers. Les Tarikhs qu’il a dû avoir consultés ne dépassent guère la tradition, du point de vue d’un minimun d’objectivité et de rigueur scientifiques que l’on est en droit d’attendre d’un document écrit par le fait même que celui-ci est fixé une fois pour toute, alors que celle là est livrée aux caprices et à la verve narratrice de plusieurs récitants qui se la transmettent avec les altérations inévitables. C’est ce qui explique le caractère épico-légendaire de cette chronique qui, hormis pour la période coloniale, ne comporte aucune date.
Les événements et les personnages historiques tout comme les institutions s’entremêlent d’une manière inextricable qui rend aléatoire toute tentative de classification chronologique. Ce faisant, on perd le fil de l’évolution sociale qui est le véritable objet de toute étude historique.
Les notices relatives à la sociologie sont beaucoup plus conformes à la réalité sociale quoique ici encore les pratique sociales d’un passé fort lointain se mêlent à celles plus récentes sans que l’on en puisse faire une distinction nette. Mais ceci n’est que l’expression d’une réalité commune à toutes les collectivités ouvertes à des échanges extérieurs qui voient leurs institutions économiques, sociales et politiques se déformer au fur et à mesure de leur contact avec des institutions étrangères.