1- L’héritage des Kakolo (suite)
Le nama et le douga : L’hyène et l’aigle étaient considérés comme animaux sacrés depuis l’époque de l’Egypte ancienne. Ils recevaient un culte particulier sur lequel était basée la suprématie des pharaons sur le monde. Ces deux bêtes aux connaissances occultes incommensurables représentaient pour les membres de la confrérie de Sané et Kontoron des chasseurs émérites. Il en était de même de l’oiseau noir des fleuves (bala kononinfing) que les pêcheurs connaissent bien.
De nombreuses chansons des « donsow » relatent les prouesses à la chasse de ces animaux sacrés. L’hymne à la bravoure (douga) est né à Méma (région de Ségou). Là, les grands prêcheurs de l’aigle (ancêtres des Détéba – Kamissoko) et ceux du nama (aïeux de Doumbouya ou Djimbigafing) sacrifiaient les ennemis irréductibles de l’empire du Ouagadou. Les corps des personnes tuées étaient jetés en pâture aux hyènes et aux vautours.
A cette occasion, on exécutait le chant de l’oiseau sacré qui fut plus tard dédié aux hommes courageux, aux grands guerriers et à ceux qui, leur vie durant ; se sont distingués par leur acharnement au travail. « Où sont maintenant les Biton Coulibaly, Khôrè Dougakôrô, Diakourouna Toto, Samaniana Bassi …. ? Que sont devenus les grands clans guerriers ? (Kèlèmassa bondaw) dit la chanson. Le culte de l’oiseau sacré deviendra au mandé celui de Kirina – kônô.
2-L’héritage de Dinga
A) Le nia et la chaîne initiatique du patriarche soninké
Les sources initiatiques Maraka et Maninka précisent que « le nia était, à l’origine, pratiqué au Ouagadou. C’était le culte des ancêtres célébrés par les Diarou, chasseurs préhistoriques sous le nom de Maghan ou esprit des ancêtres. Tous les tontigui véritables ont emprunté des éléments au culte de Kardigué (aigle) et de l’hyène ainsi qu’un autre culte de possession, tous empruntés à l’ancêtre des Wagué.
Et de tous les descendants de Mama Dinga, ce furent les Cissé minianka qui parvinrent, à la suite de la dispersion du Ouagadou, à prélever un anneau de la chaîne initiatique appartenant à leur aïeul et à l’emporter avec eux. Ils firent de cette nouvelle chaîne la base d’un culte qui leur est propre : « le nia ». Ce fétiche pesant plus de 100 kg fait toujours l’objet d’un culte dans plusieurs villages minianka. Pendant le sacrifice, le nia animé par l’esprit de la chaîne déclenche la folie chez l’homme chargé de ses fétiches. Il la fait tomber à la renverse.
Le porteur du nia se relève et l’emporte sur le lieu de sacrifice. Toujours à propos de l’héritage transmis par les soninké, en l’occurrence, leur célèbre ascendant Mama Dinga, il faut signaler les nianan, fétiches vénérés par Soumaoro Kanté, du clan des Soninké Diarisso, animistes intransigeants. Le culte était rendu au Nianan-Koulou à Kouloukoro. Remarquons qu’à Kita le génie de la colline s’appelait Magnan. Il veillait sur un fétiche qui répétait tout ce qu’on disait. Son nom était Kourouni-koumala (la pierre qui parle).
Ce fétiche appartenait aux Tounkara et à plusieurs autres familles associées. Les Tounkara de Kita, venus du Ouagadou (Méma) faisaient partie de la famille impériale des Wagué. Concernant toujours les « djo » ou fétiches puissants ayant existé dans notre pays, Wa Kamissoko nous apprend que « tous avaient pour fondement une chaîne, substitut de celle de Mama Dinga ».
B) Le culte du Serpent Bida :
Tout le monde a déjà entendu parler du python sacré des Sarakolé, d’une manière ou d’une autre. Après sa mort, ce fut la dispersion du Ouagadou. Certains Wagué descendants d’empereurs se sont fixés entre Nara et Niamina: les Cissé à Banankolon, les Khouma à Moribougou et les Touré à Djimadi. Ils ont fui l’avancée de l’islam et ont continué à pratiquer le culte de Bida. La jeune fille vierge sera remplacée par le bélier, puis le coq blanc.
Les Sarakolés ont vénéré le Serpent sacré en d’autres lieux et bien longtemps après leur sortie du Ouagadou. A Bakri nous dit comment les noirs du Diafounko (probablement le Diafounou) vénéraient un serpent : « Ce reptile ressemblait à un boa, mais pourvu d’une crinière et d’une queue poilue. Il se tenait dans une caverne à l’orifice de laquelle se trouvaient un arbrisseau et des pierres.
Ceux qui se consacrent au culte du serpent résidaient près de cette caverne et suspendaient aux branches de l’arbrisseau des vêtements précieux et des bijoux de bon aloi. Ils déposaient à son pied des calebasses qui renfermaient des aliments ainsi que des vases remplis de lait ou de bière de mil. Lorsqu’ils voulaient faire venir le serpent, ils prononçaient des mots magiques et faisaient entendre un sifflement particulier. Aussitôt, le serpent sortait de sa caverne et se montrait à eux. Lorsqu’un chef du pays venait à mourir, les prêtres du serpent se rassemblaient auprès de la caverne tous les candidats à sa succession et prononçaient des mots magiques.
Le reptile sortait de son trou, flairait les candidats l’un après l’autre, puis touchait l’un d’eux de son nez, retournait dans sa caverne. L’homme ainsi désigné courait après le serpent de toute sa vitesse, en arrachant autant de poils qu’il pouvait, à la crinière et à la queue de l’animal, car la durée de son règne devait être proportionné au nombre de poils arrachés, à raison d’une année par poils ».
C) La géomancie, l’interprétation du langage des animaux, la maîtrise de la pluie.
En guise de rappel, il serait bon de mentionner que certains enfants de Dinga, les Touré (éléphants en soninké) émigrèrent au Djitoumou (Bougouni). Ils devinrent les Samaké (éléphant mâles). Ce sont eux qui ont hérité des secrets de la géomancie jadis détenus par l’aïeul des Sarakolé et ses hyènes. Au Mali, Djitoumou Balla sera l’un des grands maîtres de cette science : le tourabou. Faut il toujours continuer à l’écrire ? « Foourou nama, l’hyène humait l’odeur du sol puis traçait les signes du tourabou qu’elle interprétait.
Ensuite, elle « pleurait » et son hurlement annonçait le malheur ou le bonheur… Les animaux sacrés de Mama Djinga lui indiquait chaque fois les mesures à prendre et leur allié agissait en conséquence ». Avant de consulter ses hyènes et Kardigué, le patriarche des Sarakolé convoquait son fidèle esclave Soudarô. Les deux hommes comprenaient le langage des animaux et les bêtes « entendaient » ce qu’ils disaient.
Aujourd’hui encore, certaines personnes, les peuls notamment sont capables d’interpréter les hurlements, meuglements ou autres cris d’animaux. Retournons à Kita pour parler de la maîtrise de la pluie. Pendant le sacrifice au Kourounin-koumala, on présentait à ce fétiche de la purée de mil. Un jeune Tounkara qui n’avait jamais connu une femme de caste (griotte ou forgeronne) était choisi pour rendre le culte « à la pierre qui parle ». Il le jurait sur le sol de Kita. En hivernage, la pluie ne tardait pas à tomber.
Même en saison sèche, le sacrifice faisait pleuvoir. Concernant toujours Mama Dinga Khôrè, notons que dans son périple à travers l’Asie et notre continent, il séjournera longtemps au Dendi (nord du Bénin). Dans cette région, il existait jadis comme nous l’apprend le nigérien Boubou Hama, « une caste sonrhaï nommée Sonantié capable d’ingurgiter une longue chaîne d’aspect métallique dont chaque maillon représentait un ancêtre ayant un pouvoir mystique » Beaucoup de points rapprochent les songhaï des Sarakolé.
Sonni Ali Ber fut un grand chef. Il était animiste dans l’âme : adorateurs de nombreuses divinités de notre religion ancestrale. Le fondateur de l’empire de Gao était « le dâli » (le plus haut), grand maître de la magie songhaï. Le symbole de son pouvoir, de sa puissance exceptionnelle était un aigle. Les pouvoirs dont disposait le petit fils de Yougou Doumbessé dépendaient en partie du culte qu’il rendait à Kardigué. Sa chaîne initiatique qu’il pouvait avaler ou vomir, selon les circonstances, était son fétiche le plus puissant. Il donnera à son propriétaire la possibilité de devenir un homme hors du commun.
Moussa Fofana Conseiller Pédagogique en retraite à Koutiala
source : maliweb.net
Posté le 26 May 2008 par Madibiramu