Le griot a de tout temps été considéré comme le détenteur de la parole, par conséquent la mémoire sociale du groupe. Il retient les faits et les événements importants de son temps mais aussi des temps passés, que ses pères lui ont confiés pour qu’il les restitue aux générations futures. C’est ainsi que, véritable professionnel de la parole, le griot veille à leur bonne transmission. On fait appel à lui lors des événements importants pendant lesquels il ne se fait pas prier pour reconstituer la généalogie d’une famille donnée au son de la kora ou d’un autre instrument de musique selon le type de société. Périodiquement, de grandes réunions à caractère ésotérique rassemblent les griots initiés pour des récapitulations de l’histoire des peuples. Lors de ces cérémonies, les plus jeunes d’entre eux acquièrent de nouvelles connaissances. Les aînés leur présentent des sites sacré, tombes ou anciens autels, leur apprennent les systèmes de décompte du temps pour chaque ethnie et les formes anciennes des langues qui permettent aux chefs des sous-groupes de se comprendre.
D’autres agents qui interviennent dans la transmission de la tradition orale sont les conteurs qui ont toujours des messages à véhiculer lors des veillées nocturnes, mais aussi les chanteurs qui puisent à volonté dans le répertoire national.
Un peu plus tard, on retrouvera ce rôle chez les écrivains africains. En effet la peinture de la société traditionnelle est très présente dans l’oeuvre d’un Senghor, d’un Birago Diop ou encore d’un Mamby Sidibé. Même si cette transmission n’est pas faite par le canal oral, elle mérite d’être citée car la finalité demeure : inculquer aux enfants les valeurs traditionnelles.
Cependant, avant tout, les griots sont restés des “maîtres de la parole” ; ce sont eux qui font et défont les réputations, apaisent ou excitent l’ardeur des chefs, relatent et magnifient la naissance, l’apogée ou la chute d’un état, et font entrer dans la légende tel brave ou en sortir tel méchant guerrier.
C’est pourquoi, tant qu’existeront les traditions chez les Soninke, Mandingues et autre Peul, ces mots du célèbre griot Mamadou Kouyaté resteront d’actualité :
- “Nous sommes des sacs à paroles, nous sommes les sacs qui renferment des secrets plusieurs fois séculaires.
L’Art de parler n’a pas de secret pour nous ; sans nous les noms des rois tomberaient dans l’oubli, nous sommes la mémoire des hommes ; par la parole nous donnons vie aux faits et gestes des rois devant les jeunes générations. Je tiens ma science de mon père Djeli Kedian qui la tient aussi de son père ; l’Histoire n’a pas de mystère pour nous ; nous enseignons au vulgaire ce que nous voulons bien lui enseigner, c’est nous qui détenons les clefs des douze portes du Manding…”
Djibril.Tamsir. NIANE, Soundjata ou l’épopée mandingue
Bibliographie