Dans l’Empire du Ghana, elles étaient d’importances commerciales, stratégiques ou religieuses. Les plus anciennes furent Koli, près de Goumbou (Nara) et Oualatta (Birou) situé en territoire mauritanien. Lors de la fondation de Goumbou, les deux jumeaux venus de Dia, Boubou et Toumani reçurent l’hospitalité des Kakolo Camara de Koli, autochtones de la région.
De ce village venait Djiriblé Camara, l’homme chargé de donner le premier coup de hache sur l’emplacement de la future ville. S’agissant de Oualatta, il existe un chant soninké qui relate la migration des riches marchands arabes et sarakholé vers cette localité : « kharon daga Oualatta Camara » (allons à Oualatta Camara). Nous soutenons que cette ville tout comme Koli fut fondée par les Camara.
Mais en quoi notre chanson constitue –t-elle une preuve de notre affirmation ? La réponse réside dans des exemples bien précis et fort connus. On entend souvent dire Bamba Niaré pour designer Bamako. Il en est de même pour Nara Soucko dont les fondateurs furent Hawa Niamey et Ganda Keïta de Mourou Diara (Mourdiah), de Kaloumba Wali, de Ségou Diarra…. Dans tous ces cas, on fait allusion aux fondateurs, du moins aux chefs de ces localités, les Niaré à Bamako, les Keïta dont le féminin est Soucko à Nara, les Diarra à Mourdiah et Ségou…
Après ce tour d’horizon, nous sommes en droit de penser que le mot Camara de la chanson ne s’est pas ajouté par hasard au nom Oualatta. Il est clair que les autochtones, les véritables fondateurs de Birou (Oualatta) étaient les Camara. De là et de la région du lac Faguibine, ils iront s’implanter au Mandé pour en être les premiers habitants. Et contrairement à la version qui fait de cette ville une localité crée par les Arabes, nous affirmons qu’elle existait avant l’installation de ces derniers.
Quand vous visitez aujourd’hui ce lieu situé en Mauritanie, vos guides vous conduiront aux endroits où reposent les saints et les savants qui étaient des Arabes. Mais personne ne vous montrera le site ancien de Oualatta où vivaient les premiers habitants parce que ceux- ci étaient des Noirs et des païens. L’islam et le racisme effacent des traces de notre histoire. D’autre part, nous devons expliquer dans quelle circonstance a été composée la chanson « kharon daga Oualatta ». La prise de Koumbi par Soumaoro Kanté en 1203 fut pour les musulmans le revers de la médaille des moments de souffrance atroce. Effrayés par la vengeance des Sosso et profondément choqués, ils émigrèrent vers le nord-ouest et se réfugièrent à Oualatta, sous la conduite du Cheick Ismaïl.
Les sources arabes ajoutent même qu’ils fondèrent la ville. A nouveau, nous contestons cette information. Notre analyse rejoint ces témoignages d’Al Bakri cité par le professeur Ki Zerbo : « Oualatta connue comme principauté berbère était à l’origine un village de Noirs animistes. La succession était matrilinéaire et la population parlait l’azer, un dialecte soninké ». Ki Zerbo ajoute que « les habitants de cette ville ont continué à parler cette langue jusqu’au passage de Barth en 1885 ». Selon certaines chroniques « l’ancienne population de l’Aouker dut demeurer très longtemps païenne et les peuples dépendant de Oualatta adoraient le feu, au début du 16ème siècle ».
La cité de Koronga
Continuons avec notre chapitre sur les grandes cités du Ouagadou en vous faisant découvrir une cité inconnue mais importante, Koronga. Elle est située au nord-ouest de Nara non loin de la frontière avec la Mauritanie. L’opinion généralement répandue fait descendre les habitants de cette localité d’une population blanche. Les Guirga appelés encore El Macina. Ils parlent l’azer, un dialecte soninké et portent le plus souvent le patronyme Bérété (Berthé), contrairement aux autres blancs qui n’en ont pas.
Certaines traditions rapportent que « les gens » de Koronga seraient les descendants des enfants métis de l’ancêtre présumé des soninké, Mama Dinga. Cette ville fut véritablement celle des chefs blancs (Sérékhoulé dont la déformation a donné le terme Sarakholé). Koronga était une résidence impériale. Les cavaliers de l’armée (escadron militaire) y étaient établis. Les parcs à bétail de l’empire s’y trouvaient également.
La cité de Goumbou
Après la ville des Guirga, nous arrivons maintenant par la route à Goumbou qui fut la première capitale de l’empire du Ghana. Cette cité ancienne se trouve à 27 km au sud de Nara, non loin de Dilly, la ville sainte. Sa fondation remonterait à l’an 622, date de l’hégire. Goumbou serait donc âgée de mille trois cent quarante six ans en 2008. Elle fut très tôt le foyer d’une brillante civilisation islamique. Des quatre points cardinaux, des jeunes gens désireux de s’instruire y accouraient… Bien avant Djenné, Tombouctou et Oualata, la ville de Boubou et Toumani deux jumeaux venus de Dia sera le point de départ de la propagation de la religion de Mahomet à travers les régions méridionales du Mali. Elle fut avec Dia et Sokolo (Chouala) les projecteurs de l’islam dans le Soudan occidental.
Selon des sources écrites et des témoignages crédibles, la mosquée de Goumbou daterait de l’année 1028 et serait donc âgée de 980 ans cette année. Elle fut la première de l’empire du Ouagadou et de notre pays. Son premier iman se nommait Abdrahamane Ibn Abass venu de la Mecque. Ses deux frères Abdel Kadr Ibn Abass et Abass Ibn Abass bâtirent les deuxièmes et troisièmes maisons de Dieu respectivement à Chouala et Dia. Là, ils dirigeront la première prière en invoquant les noms d’Allah et de son prophète (P.S.L.).
La cité de Koumbi Saleh
Nous n’oublierons pas Koumbi-Saleh dont les ruines se trouvent en territoire mauritanien, à 110 km au nord-ouest de Nara. Cette cité était à ses débuts un lieu gardé par un homme répondant au nom de Salaha ou Saleh. Ce personnage était un saint marabout d’où le surnom donné à la ville « Koumbi la sainte ». Ainsi, la cité a conservé le nom du gardien ou du saint homme pour marquer la différence avec Koumbi-Dioufi et Koumbi Khôrè (autrement dit Goumbou).
Certains récits du terroir soninké nous apprennent que Koumbi Saleh aurait été bâtie sur le site ancien d’une ville abandonnée par les aborigènes Kakolo du Ouagadou. Ce lieu s’appelait kalaka dit-on. Il est fait mention de Koumbi Saleh dans les récits des chroniqueurs arabes comme Ibn Haoukhal au 10ème siècle et El Békri au 11ème siècle. Les précieux renseignements qu’ils ont laissés dans des documents écrits ont facilité sa localisation. Ils présentent une description assez précise de la ville. Cela a naturellement aidé aux fouilles archéologiques effectuées par Bonnel de Mézières (1914) M. Lazartiques (1930) Comassey et Mauny (1949-1950).
Koumbi Saleh était une véritable métropole. « Pour aller d’un bout à bout de la ville capitale du Ouagadou, il fallait sept jours de marche », nous dit Wa Kamissoko de Kirina. C’est là une manière de montrer l’étendue de la cité. Néanmoins, pour mieux comprendre on peut se référer à la carte établie par Mauny. Elle montre des ruines mesurant un périmètre de 100 km. Les guesséré évoquent l’existence d’un fleuve (haniè) qui coulait au Ouagadou. Les chevaux de l’écurie royale allaient y boire quotidiennement, au lever du jour. Un cours d’eau se trouvait bien dans la région. Les gardiens de la tradition le disent et appuient leur affirmation en indiquant la vallée légendaire du serpent, un ancien lit de fleuve comblé par les sables du désert.
Il faut cependant faire remarquer que cet endroit est très loin de Koumbi Saleh (environ 147 km) mais proche de Goumbou (8 à 10 km) entre cette ville et Kaloumba. Ce constat donne du poids aux propos de ceux qui soutiennent que Koumbi-Saleh fut une ville marchande où vivaient de riches négociants soninké et arabes et que la résidence des Tounka comme Kaya Maghan était Goumbou, première capitale du Ghana. Koumbi Saleh était un carrefour économique très important, un centre de distribution des produits à travers l’empire, un lieu de rencontre.