Hamé Dramé: La danse des hyènes et des vautours à Manou-Manou et Déguembéré, Partie 14

Google+ Pinterest LinkedIn Tumblr +

 Quand la nuit étale sa toile noire sur la savane et que les hommes se réunissaient à la veille des combats, on voyait trembler les hommes qui sont destinés à faire de grandes choses. Tandis que ceux qui sont destinés à périr le lendemain, on les trouvait en train de dormir les poings fermés… Les griots sont en train de jouer 1. Les hyènes sont en train de rôder, impatientes de dévorer les hommes morts au combats… Les grands vautours attirés par l’air grave de Poye se mirent à planer au dessus de la savane contents de trouver des milliers de charognes humaines. Mais avant qu’ils ne dévorent les yeux des hommes morts au combat, les hyènes et les vautours auscultent les défunts afin de voir par quel côté la balle est entrée… Ils ne les dévorent que si la balle est entrée par la poitrine. Ces charognards ne dévorent pas les combattants qui désertent et qui ne sont arrêtés que par la balle qui les a atteints par le dos.

Wuron ga na ro gunnen di, yugun ga na taaxu, batunun ga na taxandi baane, yugu beenu ga sere karini, an na kun ñiini sarallene ya. I nuxunen jin ga bakka nan tolli. An ga ku beenu ñiini saqa nan xenxe ma i ga xiirindi, yillen ga na kare kun kalla ya. Ken biren ŋa poyi baane yan timiini. Karadigijanbanun wa gingonmo. I wa Alla ñaagana yillen ga na kare seren nan kara. I na yaaxanfuccen kita n’a toni. Turuŋun wa gingonmo, tuunun wa gingonmo.

Les griots passèrent une bonne partie de la nuit à jouer Poye pour les combattants. Au lever du jour, Hamalabo plaça dix milles combattants au pied de chaque arbre. C’est un marabout aussi prédestiné que . Il portait à la naissance sur sa poitrine la marque de la lune et de Sirius. Quand les armées se mirent en branle, les hyènes et les chacals les suivirent à la trace. Les vautours se mirent à planer au dessus de leurs têtes. Ils arrivèrent à la grande plaine d’un endroit appelé 2. Les gens du Macina possédaient des lances à douze dents polies et aussi étincelantes que l’argent. Les bouts sont tellement pointues qu’elles sont capables d’extraire une épine de leurs pieds.

I wuyi battun ŋa poyi yan wuyi tinmi. Yillen ga karene, Siixu Aamadu Hanmallabbo, badage su ga Maasina kanonfallun ŋa, a da wujunu tanmi donpi yugo sigindi a wure. Tuwaanan ya ni, xason do saanen taagumancen w’a gijimen ŋa. Kuren ga na janbandi baane, turuŋun w’i batta. I toxo dagana ma i ga riini Maanumaanu xurayen ŋa. Maasinankon daga sigi. I da gaawallen ñorondi kanmun di. A nan xuranta xaalisin ŋa. A soome ke ra wa saasen bagandini. Kanbo tanmi do fillo w’a yi.

Assis chacun sur un cheval, la bouche pleine de cola et de tabac à mâcher, ils pointèrent les pointes de leurs lances vers le ciel. Ils sont vêtus d’une tenue guerrière qu’on appelle Khaassa3. Les gens du Fouta autour d’El Hadj Oumar les contemplèrent. Un homme  dit:

– El Hadj Oumar !

– Oui, répondit El Hadj Oumar.

– Depuis une semaine que nous sommes ici affamés, voici un champs de mil prêt à être récolté, dit l’homme.

– Il est où ce champs, demanda El Hadj Oumar.

– Le champs tout blanc devant nous, rétorqua l’homme.

-Tous ce que tu vois, ce sont les lances du Macina qu’on appelle Gaawallé4. Ce sont leurs pointes acérées et polies qui brillent sous le soleil, lui expliqua El Hadj Oumar.

– Si tous ces points lumineux sont des lances, nous ne sommes pas capables de les affronter, répondit l’homme désespéré.

– Dieu possède des créatures aussi nombreuses et robustes que ces hommes avec des lances, le tranquillisa El Hadj Oumar.

A xaren ni mexen ya, a funcen ni mexen ya. Baane su taaxunten wa siyugo kanma, siran do goron w’an kanbantiŋen ŋa. Xaasan wunon do a doroken w’an ŋa. Fuutankon toxo taaxunu. Yaxanbaane wa no a koota, a kanu. A ti Siixu da: «Siixu!» Siixu ti: «N naamu.» A ti: «O ku riye yere a gan fuŋu koye yi, jaaxa suumanten ya faayi ke, dullen ga ñaana xo i n’o kari.» A ti: «Ken ni kan ŋa?» A ti: «An yaaxen ga ke be yi suumanten ya ni.» A ti: «An yaaxen wa ke yi ba? Ke su ni Maasina gawallen ya, i ga d’a soomen ñorondi kanmun di.» «Eh! Ayiwa,» a ti: «ku ga n’a ña masinankon ya, o ku do ku ra nta gajana.» Siixu ti: «An yinmen wutu an na kanmun faayi. Tage foonu be ga Alla maxa, i yan xoora ke gawalle yi.»


Annotations

1. Poye est un que jouent les griots avec un instrument à quatre cordes qu’on appelle . Le griot El Hadj l’a beaucoup popularisé. C’est un air qui possède douze variantes jouées en l’honneur de gens qui se sont distingués dans leur vie. L’origine de cet air est .
2. Manou-Manou: c’est l’endroit de la bataille dite « bataille de Manou-Manou ». C’est à cet endroit que El Hadj Oumar perdit la guerre contre le Macina. C’est aussi à cet endroit que périrent , Bafi Dembélé, , Komengallou Mamoudou, etc.
3. Avant dans les batailles, les combattants portaient un complet (bonnet, boubou et pantallon bouffant) fait à partie d’étoffes traditionnelles. Ce complet est serti de gris-gris et de cornes. On l’appelle le complet des hommes.
4. Gaawallé veut dire lance en langue peule du Macina. C’est une lance à douze dents recourbés vers l’arrière. On l’appelle « A ya roono, an ta baka » c’est à dire: elles rentrent mais ne ressortent pas

Share.

About Author

Comments are closed.