Au début, elles sont généralement des complices. Mais très vite, les relations tournent au vinaigre
Les épouses et les soeurs de leurs maris ont des relations très fluctuantes. Elles passent de la complicité à la douce haine au gré des humeurs. La belle-sœur "nimogonin" ou "nimogomousso" (en bambara) jouit d'un statut de privilégié depuis la nuit des temps dans nos familles. Malheur à l'épouse qui touche à une mèche de cheveux
de sa belle-soeur. Si cela arrive, la belle-mère sort de ses gonds et fera savoir qu'il faut éviter de s'en prendre à sa fille bien-aimée. En plus de la protection de sa mère, la belle-soeur jouit d'une croyance ancestrale qui impose qu'elle mérite tous les égards. On croit même que si on la fait pleurer, ses larmes peuvent causer des malheurs dans la famille.
Il y a des filles et même des femmes mariées qui abusent de ce statut de privilégié que leur accorde la tradition. Leur cohabitation avec'est les épouses de leurs frères devient alors un vrai cauchemar.
Sacs à problèmes. Elles sont nombreuses aujourd'hui ces belles-soeurs qui sont de véritables sacs à problèmes dans nos foyers. Pourtant, le plus souvent, la vie conjugale de la nouvelle mariée débute dans une certaine amitié avec'est les soeurs de son conjoint. Confidente incontournable, alliée, complice et même amie, avant le mariage, la belle-sœur est très sollicitée par la copines de son frère. Lors de ses sorties avec'est son copain, elle force son ami à acheter des friandises qu'elle offrira après à sa future belle-sœur qui encourage son frère à choisir comme épouse celle qui lui apporte ses anciennes robes, ses jupes, ses chaussures. Mais très vite, après que l'épouse aménage chez son époux, les relations se détériorent.
Selon Mme Sylla Paye, il faut revenir au passé pour comprendre le phénomène de l'influence des belles-soeurs. La tradition malienne a instauré cette pratique pour adoucir les relations familiales et rendre le quotidien agréable. Le mariage est une alliance tissée et entretenue par deux familles. "La tradition bambara veut que le mariage de chaque fils libère sa mère et ses sœurs des contraintes du ménage. Les dernières deviennent des belles-sœurs et aident désormais la nouvelle mariée, "leur femme", à intégrer facilement le tissu familial.
En retour, celle-ci leur doit un respect sans restriction, égal à celui voué à son mari. "Chez nous les peulh, la belle-sœur et "sa femme" forment un couple inséparable. Entre elles demeure une grande intimité. Si elle ont le même âge, elles deviennent des confidentes. En cas de disputes avec'est le mari, la belle-sœur intervient pour atténuer le différend", explique Mme Diallo Mariam.
Aujourd'hui, la tradition a cédé la place au modernisme. Dans une société, qui se développe de plus en plus sous l'influence de l'Europe, la relation entre belle-sœur et épouse a pris une nouvelle orientation. L'entente et l'amitié perdent du terrain dans les rapports. Mais au grand dam des nostalgiques, cette Afrique conviviale est en train de disparaître. Les jeunes couples aspirent à davantage de liberté. Ils "s'arrachent" dès les premières semaines de leur mariage au rituel familial. Ils s'en vont loin des parents, loin de cette cohabitation fraternelle dans laquelle ils ne se reconnaissent plus. Cette soif de liberté ou d'individualisme a fait naître un nouvel esprit, qui porte sur l'expression du moi, de l'autonomie personnelle.
Moussa Diallo est un vieux peulh qui constate avec'est regret le changement de comportement même dans les familles les plus soudées. Pour lui, en s'éloignant du tissu familial, les jeunes épouses s'éloignent aussi de l'art de vivre en communauté.[align=center]
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L’ENFER. Beaucoup de belles-sœurs pensent avoir droit de vie et droit de divorce sur la femme du frère. Elles se soucient peu de nos jours du bonheur de cette dernière, a dénoncé Mme Traoré Fatoumata. Cette femme expérimentée déplore la situation dans laquelle se trouvent certaines épouses obligées de renoncer à leur personnalité pour faire plaisir à leur belle famille. Les situations de frustrations morales sont nombreuses.
La mère de famille F. T. expose son calvaire. Elle qualifie sa belle-soeur de véritable enquiquineuse : "la cadette de ma belle-mère a le même âge que ma première fille. C'est une petite capricieuse. Mais elle a l'oreille de sa maman et de ses frères. Cette "peste" a toujours eu tout ce qu'elle voulait. Malheur à une femme de ses frères qui ose l'affronter. Cette audace peut lui coûter son mariage, sans oublier les "griffes" de la belle-mère. À cause d'elle, ma coépouse est partie, laissant derrière elle ses 4 enfants. Moi j'en ai assez d'être brimée. J'ai donné un mois de délai à mon mari pour déménager sinon c'est moi qui partirais", témoigne Fatoumata Traoré.
Le calvaire de Mariam mérite d'être connu. "J'ai une belle-sœur invivable. Au début de mon mariage et pendant 3 ans, elle a été adorable. Nous nous entendions bien. Elle était fâchée depuis plusieurs années avec'est ses parents. J'ai tout mis en oeuvre pour les réconcilier. Une fois la paix revenue, "ma belle" a montré son vrai visage. Quelle horreur ! Elle est jalouse de moi car j'ai quatre ans de moins qu'elle et je me suis mariée avant elle. À 32 ans, elle est toujours célibataire à la maison. Aujourd'hui elle passe son temps à m'insulter et à critiquer tout ce que je fais. Tout le monde constate son comportement odieux. Mais tout le monde a peur d'elle. C'est la vie ! Je me contiens, mais c'est vraiment dur. Elle gâche mon bonheur, ma vie", confie Mariam.
Parfois l'incompatibilité d'humeur pousse au divorce. C'est la seule issue qui reste à Biba après 5 ans de mariage. Elle explique les péripéties de sa vie conjugale : "mon mari était très proche de sa sœur. Ayant compris cela, je l’ai traitée comme ma grande sœur. Aujourd'hui pour des raisons injustifiées elle me combat et cherche des copines pour son frère. Une situation qui ne déplaît pas à ce dernier. J'ai eu beau expliqué mon embarras, mon mari me traite de folle, de méchante. Pire, chaque jour, ma belle-soeur vient à la maison en compagnie des copines de mon mari. Et le groupe se moque de moi". Elle a fini par divorcer.
Le cas d’Ami est tout aussi pathétique. Elle est la première noce d’un polygame. Sa belle-mère et ses trois belles-sœurs lui font voir de toutes les couleurs. "J’ai fait une fausse couche dû à un kyste à l'ovaire. Après une intervention chirurgicale, le docteur m’a donnée trois mois de dispense de tout travail. Mes belles-sœurs, en conseil de famille, ont soutenu que ma coépouse seule ne peut pas cuisiner trois mois durant et que je me contente de manger. Mon mari m’a envoyée chez mes parents, le temps de me remettre. À mon retour, je n'étais plus en odeur de sainteté dans la famille. Ma belle-mère et mes belles-sœurs refusèrent de manger mes repas, prétextant que j’ai mis des médicaments traditionnels dans mes préparations pour envoûter mon mari et les autres membres de la famille.
Les belles-sœurs doivent savoir qu’elles seront elles aussi des épouses et pourraient connaître le retour du bâton.
Doussou DJIRÉ
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