Vu sur Africamaat
PARIS (Reuters) - Le footballeur international Lilian Thuram a suscité la colère de la droite en invitant au Stade de France pour le match France-Italie des étrangers expulsés en août du squat de Cachan, dans le Val-de-Marne.
Selon Fidèle Mitiema, porte-parole des étrangers de Cachan, la star de l’équipe de France aux 122 sélections a invité 81 personnes à venir assister au match-revanche de la finale de la Coupe du monde de football, comptant pour les éliminatoires de l’Euro 2008.
SOS-Racisme parle de 70 invités. Le capitaine de l’équipe de France, Patrick Vieira, d’origine sénégalaise, n’est pas à l’initiative des invitations mais soutiendrait la démarche, selon une association proche des étrangers.
Plusieurs centaines d’étrangers africains campent depuis près de trois semaines dans un gymnase de cette ville, depuis une première évacuation par la force le 17 août du plus grand squat de France, une ex-résidence universitaire.
Ils demandent qui une régularisation, qui un logement social et le dossier suscite une tension croissante entre mairie de Cachan, associations de défense des étrangers et préfecture.
"Les joueurs sont bien libres d’inviter qui ils veulent. Je tiens simplement à dire à la Fédération française qu’elle soit vigilante à ce qu’un match de l’équipe de France ne soit pas instrumentalisé", a dit à la presse le ministre des Sports Jean-François Lamour.
Sur RTL, Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France et candidat déclaré à la prochaine élection présidentielle, s’est dit "choqué" de voir "des milliardaires donner des leçons".
"Les footballeurs sont faits pour jouer au football. Je pense que Thuram et Vieira peuvent aller plus loin et loger chez eux les sans-papiers de Cachan, les nourrir, leur fournir le gîte et le couvert", a-t-il dit ironiquement.
Un proche du ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy, le député UMP Yves Jégo, a jugé aussi sur RTL que Lilian Thuram "grand sportif, se (révélait) être un piètre individu sur le terrain de la politique".
"BLACK-BLANC-BEUR"
L’initiative est personnelle et n’engage ni l’équipe de France ni la Fédération française de football, a dit à Reuters un porte-parole de la FFF. Lilian Thuram pourrait s’exprimer sur le sujet après le match de mercredi soir.
Les associations soutenant les étrangers de Cachan ont souligné que la quasi-totalité des ex-squatteurs étaient en situation régulière, voire de nationalité française. Ils ont même souvent des emplois déclarés mais attendent depuis des années un logement social dans le parc parisien saturé.
"Les inviter au Stade de France, ce n’est pas récompenser ceux qui fraudent (...), c’est donner un moment de répit à des personnes victimes d’injustices créées par les politiques", estime SOS-Racisme dans un communiqué.
Le dossier s’est compliqué récemment car des étrangers sans papiers sans rapport avec Cachan viennent s’installer dans le gymnase. La préfecture a annoncé qu’elle limiterait ses offres de relogement à 102 familles soit environ 220 personnes, mais la mairie a recensé 516 occupants dans la gymnase.
"C’est très bien que (Lilian Thuram) nous soutienne, comme ça la France sait que nous sommes toujours là. L’équipe de France reflète bien la France", a dit Fidèle Mitiema à Reuters.
"Nous sommes tous les mêmes, black, blancs, beurs. C’est quelque chose d’avoir ces invitations", a-t-il ajouté.
Originaire de Guadeloupe, Lilian Thuram, qui a grandi en banlieue parisienne, bénéficie d’un immense prestige dans le monde du football et s’est déjà exprimé à plusieurs reprises, notamment pour exprimer son désaccord avec Nicolas Sarkozy.
L’équipe de France "black-blanc-beur", qui avait été élevée en 1998 au rang d’emblème de la diversité ethnique du pays, a été fréquemment brocardée par le leader d’extrême-droite Jean-Marie Le Pen, qui a même déploré l’été dernier "la proportion excessive de joueurs de couleur".
Lilian Thuram, international depuis 1994, avait alors répondu : "Je ne suis pas noir", tandis que le sélectionneur Raymond Domenech lançait : "il y a trop de cons en politique."
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La Réaction de l’entraineur des bleus : Domenech derrière Thuram et Vieira
Sport.fr - 07/09/2006
Raymond Domenech a soutenu Lilian Thuram et Patrick Vieira qui avaient offert des billets pour France-Italie aux expulsés de Cachan et qui avaient été critiqués par plusieurs élus de droite.
"Cela ne me concerne pas, mais je voudrais préciser une chose : c’est qu’il ne s’agissait pas d’invitations mais de billets achetés par les joueurs eux-mêmes.
Ils les ont payés et ils les ont offerts à qui ils veulent. Ils ont le droit d’avoir un avis, ils ont le droit de faire ce qu’ils veulent. Jusqu’à preuve du contraire, et je les soutiens, ce sont des adultes.
Il ont le droit d’avoir des idées. Ne leur reprochez pas cela alors que jusqu’à présent, (on disait que) ce ne sont que des footballeurs qui ne savent pas penser, qui sont bêtes comme leurs pieds. Ils ont des idées et ils n’ont demandé à personne de faire de la publicité sur ce qu’ils ont fait".
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color=blue]Reaction de Thuram[/color]
Le Nouvel Obs - 07.09.06
"J’ai invité simplement un groupe de personnes à passer 1h30 de bonheur, parce je sais qu’ils traversent des moments difficiles", s’est justifié jeudi le footballeur Lilian Thuram après avoir essuyé des critiques de personnalités de droite pour avoir invité la veille, avec son équipier Patrick Vieira, quelque 70 expulsés de Cachan au match France-Italie.
"Je ne comprends pas très bien, parce qu’au départ j’avais invité ces gens dans l’incognito", a déclaré Lilian Thuram. "Il faut croire que ça s’est ébruité, donc toute la presse l’a su malheureusement", a-t-il déploré sur France 2.
"Ca fait très longtemps que je suis en équipe de France et quand nous avons la chance de jouer à Paris, j’ai l’habitude d’inviter pas mal de personnes. Par exemple lors du match contre l’Italie, j’avais pris aussi 80 places pour un autre groupe de personnes, donc ça me semble assez bizarre toute cette histoire", a indiqué le défenseur français.
Si Lilian Thuram n’a pas voulu qualifier son geste de soutien politique aux sans-papiers de Cachan, il a en revanche revendiqué avec force "un soutien moral". "Moi je sais exactement pourquoi je l’ai fait, simplement pour qu’il y ait des enfants, des parents qui emmènent un peu de bonheur dans leur vie (...) pour moi ça s’arrête là", a-t-il dit.
"J’ai appris, dû à mon éducation, que si on pouvait tendre la main à certaines personnes, il faut le faire", mais "à aucun moment je n’ai voulu que ça se sache", a affirmé le vice-champion du monde.
Invité à réagir aux propos de Philippe de Villiers qui avait déclaré ’c’est toujours curieux de voir des milliardaires donner des leçons à la société’, Lilian Thuram a répondu par une question : "Mais quelle leçon j’ai donnée à la société ?" "Moi je ne veux donner de leçon à personne, je dirais que j’ai la chance, comme il (Philippe de Villiers) dit, d’avoir un peu d’argent pour acheter des billets et les offrir à des personnes et je le ferai aussi les prochains matches de l’équipe de France", a-t-il affirmé.
"Il faut savoir qu’à chaque fois que l’équipe de France joue, j’achète des billets pour des personnes, pour qu’elles puissent avoir un peu de bonheur parce qu’il y a des gens qui n’ont pas l’opportunité de venir au Stade de France, et nous savons très bien que le football remplit de joie notamment les enfants, donc j’essaie de leur faire partager ce moment de joie et je pense qu’ils ont été très heureux parce que le match a été fantastique, ça s’arrête là", a-t-il conclu.