SENEGAL : la poudrière de la banlieueLe pays est malade. La tension est palpable à tous les niveaux. Le dialogue politique est au point mort. Le climat social tendu. C’est un chienlit total. Les populations ne parviennent plus à satisfaire le minimum nécessaire. La jeunesse, en désarroi, grogne et se révolte à tout va. Marchands ambulants, consommateurs, supporters, chacun se manifeste à sa manière. Le peuple à bout de patience extériorise sa frustration par des moyens parfois violents qui font craindre un embrasement total. La banlieue surexcitée, devenue le champ d’expression du ras le bol sénégalais, risque d’être le lieu d’où partira l’étincelle destructrice.
Le pays peut s’embraser à tout moment. Les effets de la crise ont dissout les valeurs sociales qui fondaient la société sénégalaise, pour laisser place à une anomie généralisée. C’est un sauve-qui-peut où les moyens importent plus que la fin. Les ménages sont littéralement abattus par une conjoncture généralisée. L’inflation est galopante, les soins de santé inaccessibles, l’éducation marche par la tête, l’emploi introuvable pour les jeunes. Devant ce tableau sinistre, la Senelec, par l’incompétence de sa tutelle, pour ne pas dire celle des plus hautes autorités de ce pays, vient grever les bourses des ménages par une nouvelle tarification asociale. La Sde, moins consciente, achève les chefs de famille qui tentaient de sortir dignement la tête de… l’eau.
Dans le domaine économique, la morosité des entreprises oblige le Fmi à rompre le silence et exiger des "mesures correctives". Le secteur privé, grand pourvoyeur d’emplois, est plombé par le non paiement des sommes colossales que l’Etat lui doit. Dans le Btp, le matériel est immobilisé sans atténuer les charges des entreprises. La dette intérieure dépasserait largement les 300 milliards de Fcfa, selon plusieurs acteurs de la vie économique. Même si l’Etat, pour sa part, parle de 174 milliards, soit 9% du budget national.
A cela, s’ajoutent des dérapages budgétaires et des institutions inutilement budgétivores qui engloutissent les maigres ressources nationales. Les scandales financiers se chiffrent à plusieurs centaines de milliards de F Cfa dans un pays où 64% de la population vivent sous le seuil de la pauvreté.
A cette situation calamiteuse, l’opposition en rupture de dialogue, joue au pyromane, en invitant la population à la révolte. En somme, tous les "symptômes cliniques" qui mènent droit à l’embrasement sont perceptibles. Personne ne s’y trompe : majorité, opposition et bailleurs de fonds. Devant ces miasmes, le pire est à craindre et les regards sont tournés vers... la banlieue.
Depuis quelque temps, la banlieue dakaroise fait l’objet de toutes les convoitises. Si les tenants du pouvoir multiplient les opérations de charme avec des promesses féeriques et des actions sociales intéressées, c’est parce que la banlieue est une poudrière qui peut exploser à tout moment. Elle condense toutes les frustrations et les maux de la société sénégalaise : Insécurité, chômage, insalubrité, promiscuité, démographie galopante, inondation, etc. Dans ce coin perdu de la capitale, les citoyens luttent pour la survie. Cette jeunesse n’envisage plus un avenir radieux tissé sur un faisceau de promesses, mais réclame un présent plus digne. La pauvreté est telle que tout est devenu urgent. Ce réservoir électoral qui a massivement contribué à la chute du parti socialiste risque d’être le bourreau du régime libéral. Si les premiers sont déboutés par les urnes, les seconds peuvent l’être par la violence qui prend de l’ampleur. Agressions et mouvements d’humeur font le lot quotidien des populations de la banlieue. Et cette situation sociale morbide est la même partout dans le pays où les affres de la pauvreté ont enrayé la classe moyenne. Maintenant la distance abyssale qui sépare riches et pauvres se creuse chaque jour davantage.
Devant l’incurie de cette nouvelle bourgeoisie qui affiche de manière ostentatoire des biens mal acquis, la population, à défaut de voir le bout du tunnel, peut s’en prendre à l’Etat par le biais de ses démembrements. Ce fut le cas lors des inondations où la compagnie de transport "Dakar Dem Dik" et la Mairie de Thiaroye ont été les cibles de manifestants.
La marche des imams contre la surfacturation des prestations de la Senelec a été un franc succès jusqu’à coûter au Directeur général de la compagnie d’électricité son poste. Aujourd’hui que les religieux tentent de radicaliser leur lutte, les esprits sont loin d’être tranquilles.
Auteur:
Baye Makébé Sarrhttp://www.seneweb.com/news/elections20 ... rtid=20136