par coutora » Mar Juin 10, 2008 10:32 pm
Excellence, c’est étrange mais votre victoire à l’élection présidentielle ressemble à celle obtenue par les lions sur les fennecs d’Algérie à la veille de la tenue des assises. Une victoire aux forceps et dont l’heureux bénéficiaire ne fera jamais la fine bouche. Il empoche tranquillement la victoire mais refuse de jubiler. Car conscient de ses limites qui soulèvent beaucoup d’inquiétudes. Au soir de votre victoire aucun de vos partisans n’a osé jubiler. Etrange pour « une si belle victoire » ! Pourquoi ? Pourquoi cette inattendue mutité ? Parce que les résultats ont surpris plus d’un, car cette torpeur - j’allais dire stupeur – semble indiquer que les résultats sont très loin de refléter la réalité sur le terrain et que tous les camps confondus, les uns par leur silence inexplicable et les autres par leur véhémente contestation, semblent en être d’accord. Aucune rhétorique ne saurait contester ce constat. Que s’est –il donc passé ? La réponse – malaisée - n’est pas immédiatement intelligible. Elle est à chercher au cœur de l’appareil d’Etat et de processus électoral. Qu’à cela ne tienne, par honnêteté intellectuelle et en tant que démocrate, il faut accepter et respecter le verdict des urnes. Dès l’instant qu’on ne peut pas prouver qu’il y a eu fraude. Même si, à travers les législatives avec le boycott prôné par une partie de l’opposition, nous avons commencé à percer un tout petit peu le mystère. Je ne sais pas si vous en êtes pleinement conscient, Maître, mais vous êtes effectivement le Président de la République du Sénégal. Par la force des choses et de ce qui est surtout des urnes. En conséquence, l’opposition regroupée pour l’essentiel autour des membres du Front Siggil Sénégal que vous querellez pour avoir contesté votre légitimité, me paraît vaine et de surcroît stérile. Une majorité électorale ne correspond pas nécessairement à la majorité sociologique. Personne, en démocratie, ne doit s’offusquer que votre victoire puisse être lue de cette manière par de larges secteurs de l’opinion publique.
Excellence, la présidence de la République est une fonction qui implique, exige un comportement. En âme et conscience, loin des flagorneries et autre envolée dithyrambique à la gloire de sa majesté, jugez –vous, vous-même, si vous êtes le Président de la République de tous les Sénégalais ou tout simplement d’une partie du Sénégal qui vous prend en otage.
Excellence, je reviens encore sur une autre image frappante lors du match des lions. Les 11 joueurs portant le maillot national regroupés autour du rond central pour une longue séance de prière. Et pas moins de 50.000 supporters qui avaient fini de remplir les gradins accompagner cette longue prière. On avait oublié les appartenances et les clivages étaient transcendés pour regarder tous vers la même direction dans un élan de communion intense. Alors je me suis posé une seule question : pourquoi sur d’autres questions plus essentielles un comportement identique ne s’impose pas. Avec davantage de force puisqu’il s’agit de la Nation ! La réponse coule de source : la stratégie d’accaparement, développé par votre parti, a un otage de luxe : l’Etat lui-même et par conséquent ce dernier, qui devait veiller à l’intérêt général comme en atteste sa genèse, ne peut servir dès lors que des intérêts partisans.
Excellence, votre refus de dialoguer avec une partie de l’opposition est une erreur. Une erreur politique. Finalement on ne sait même pas quelle est votre position ? Tantôt vous êtes pour tantôt contre. Cela dépend de vos humeurs. Mais à chaque fois que vous essayez de justifier votre refus de dialoguer on ne ressent dans votre discours qu’une réaction épidermique d’un homme fâché. La colère est mauvaise conseillère et les sages grecs l’avaient compris qui l’assimilaient à une folie passagère. Or, parmi les qualités d’un homme d’Etat la capacité à contenir ses émotions est essentielle. Et avec votre age cela devrait être facile.
Excellence, fort votre parcours et votre âge vous devriez être un homme pétri de sagesse. Un homme qui ne nourrit plus de querelle. Autre que celle de son Pays en cherchant à éteindre tous les feux, à déterrer toutes les braises qui dorment sous la cendre.
Excellence, parlons des assises. Ce n’est pas être partisan de ces assises que de les défendre ou de reconnaître leur bien-fondé. Il indéniable qu’il est urgent aujourd’hui de faire un diagnostic sans complaisance face à cette crise multisectorielle qui frappe notre pays. Qui ose dire que le Sénégal n’est pas en crise et aller se regarder devant un miroir? Personne, excepté bien sûr vos troubadours qui vivent dans un autre Sénégal, tout en vous desservant, sous le déluge de compliments à la limite de la décence. Je parle des nouveaux parvenus qui vivent dans une opulence injurieuse. Sans être philosophe me revient ce propos de Rousseau : « il est manifestement contre nature qu’une minorité regorge de superfluités, tant disque la multitude affamée manque du nécessaire ».Et comme disent le wolof « kou sour dou kham kou khif ». Au fond, en écoutant vos « collaborateurs » prendre votre défense on a envie de rire. Parfois de pleurer. On se rend compte au fond qu’ils ne cherchent qu’à entrer dans vos bonnes grâces pour en retour mettre en sécurité leur fromage. Au péril de leurs âmes. La vacuité de leur conviction n’a d’égal que l’inanité de leurs discours. Nul doute que si notre pirogue venait à tanguer, ils feraient partie des premiers déserteurs.
Excellence, pourquoi avoir peur des assises ? Kou bagne kou tééne da am lo wéék. Qu’en serait-il quand elles seront debout ? Votre comportement violent à l’égard des personnes libres courageux et dignes est assez révélateur de votre état d’esprit à l’heure actuelle. Vous avez peur car manifestement la situation semble vous échapper. Et tous les actes que vous posez contribuent à dévêtir la République. L’insulte à la bouche, ceux qui incarnent l’Etat sont devenus des personnages ubuesques, insolents et arrogants. Des monstres froids qui se déploient dans le harcèlement et l’intimidation. Pour preuve les actes perpétrés aux domiciles de Amadou Makhtar Mbow – sans égard pour son grand âge et son absence d’ambition personnelle - et Penda Mbow. En vérité l’Etat est faible. Il suffit d’une petite émission où des citoyens de bonne foi s’expriment librement avec une certaine pertinence (ils peuvent même persifler, c’est leur droit) sur les véritables questions de l’heure pour ébranler toute une République. A tel point qu’en haut lieu on crut devoir exercer des pressions afin que la rediffusion de l’émission soit censurée. Excellence j’ai été victime de cela mais je n’en retiens qu’une chose : Votre régime est fragile.
Excellence, c’est avec mépris que vous disiez dans un entretien accordé au quotidien Le Soleil « ………….les assises ne m’intéressent pas……. ». Alors pourquoi déployer autant d’énergie pour empêcher la tenue des assises. Les menaces et intimidations proférées aussi bien par vous que vos hommes sont suffisamment éloquentes pour prouver qu’en réalité vous êtes obsédé par les assises. Et le niveau de participation et la qualité des participants dans ces assises doivent vous renseigner sur d’abord l’état d’inquiétude des sénégalais mais également encore que dans ce pays il existe des Sénégalais dignes qui sont encore capables de dire « Non ça suffit le Sénégal n’est pas une propriété privée » ! Conformément à la devise de l’Almamy Samory d’illustre mémoire : « quand un homme refuse n’est pas d’accord il dit NON ».
Excellence, le Sénégal d’aujourd’hui ressemble à la fameuse pirogue du chanteur « qui tournant, tournant ne savait pas si le vent voulait pleurer ou rire ». Et le peuple est étouffé par une chape de plomb qui l’avilit. Les soupapes de sûreté, ces sortes d’exutoire pour contenir le mécontentement populaire, sont fermées. Dans tous les segments de la Nation sourdent des récriminations et un mécontentement général dont la cristallisation ferait courir au Pays de graves périls. Car si rien n’est fait ce mécontentement populaire va se transformer en explosion sociale qui n’épargnera personne.
Excellence, vous êtes victime du syndrome du second mandat doublé de votre age. Votre autorité s’effrite. J’allais dire votre hégémonie. Vous êtes craint plus que respecté. Aucun membre de votre entourage n’ose vous dire la vérité, se contentant de murmures inaudibles dans les salons feutrés. Ils sont plus préoccupés par des disputes de positionnement pour l’héritage que par le destin du Pays.
Excellence, regardez au tour de vous : à coup sur vous ne pourriez jamais citer de nom 10 personnes qui ont véritablement œuvré pour l’avènement de l’alternance. En réalité votre régime est parasité.
Excellence, il est urgent maintenant de prendre l’exacte mesure des événements pour l’image que vous souhaiteriez laisser à la postérité. Car comme disait le penseur « l’œuvre dure au delà de son créateur ».
Avec l’expression de ma haute considération.
Pape Alé Niang
Auteur: Pape Alé Niang
La couleur de la peau de l'homme n'a pas plus d'importance que de ces yeux ce qui est important c'est ce qu'il a dans la tete