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biko a écrit:Salam
Rama Yade, la jeune pousse de l'UMP
Elle a cette manière très chic d'empoigner les grandes causes en lâchant soudain un rire de gamine. Cette manière de froncer les sourcils pour étayer ses convictions tout en vous recevant pieds nus, sous un poster du boxeur Mohammed Ali, dans son studio parisien à la Mimi Pinson. Rama Yade a tout juste 30 ans. Elle est haut fonctionnaire. Elle est belle. Elle est brillante. Elle est noire. Une émanation des "minorités visibles" dont Nicolas Sarkozy a décidé de faire d'emblée une des plus gradées de l'appareil UMP : secrétaire nationale chargée de la francophonie.
Il la tutoie, elle l'appelle "Monsieur le ministre". Inutile d'aller chercher sur les murs une photo de Nicolas Sarkozy, Rama n'est pas du genre à entrer en dévotion. "Je ne suis pas inquiet, dit joliment son mari, Joseph Zimet, qui est fils d'un chanteur yiddish et est inscrit... au Parti socialiste. Elle n'est pas impressionnée, elle garde son indépendance et sa liberté de ton. Elle est de droite, mais révolutionnaire."
Le 3 janvier, elle entrait dans le bureau du ministre de l'intérieur avec, comme elle dit, "un dossier de râlerie". La veille avait eu lieu une rencontre entre Nicolas Sarkozy et un groupe de Français d'origine afro-antillaise. Comme toujours, elle n'a pas pris de pincettes. "Quand vous leur avez dit : "Ayant toujours été minoritaire, je vous comprends", vous avez trouvé les mots justes. Mais quand vous avez évoqué le port de l'habit traditionnel comme "un signe de rejet des valeurs de la France", là, c'est une erreur d'interprétation. Plus généralement, quand vous distinguez "la France qui se lève tôt et celle qui se lève tard", c'est trop rapide."
En bras de chemise, Nicolas Sarkozy fait les cent pas en tirant sur son cigare. "Un côté parrain sympathique", s'amuse-t-elle. Sur l'habit traditionnel, il reconnaît ses torts. Et demande à Rama de venir parler le 14 janvier au congrès où il sera investi candidat officiel à la présidentielle. "Je voudrais montrer qu'il y a des jeunes pousses à l'UMP, lui dit-il. Et que notre formation politique ressemble à la France. Dis ce que tu veux." La franchise de Rama, "Sarko adore", note un conseiller.
A l'applaudimètre des militants, le discours de Rama fait un tabac. Elle réussit pourtant à glisser, sur le chapitre de l'immigration, un conseil à valeur de pique. Nicolas Sarkozy devrait, selon elle, "toujours accompagner son action d'humanisme. Toujours y associer le coeur. Car il est toujours plus efficace de mettre les formes, notamment à l'égard de populations issues de civilisations de l'oral, pour qui les mots sont importants". Allusion à quelques formules favorites du ministre : "passer(la cité> au Kärcher" ou "la France, on l'aime ou on la quitte".
Pourquoi Rama Yade n'est-elle pas au Parti socialiste ? Un cadre du PS issu de l'immigration n'est pas seul à s'en désoler. "Son discours au congrès de l'UMP, dit-il, j'en ai tremblé. Rama fait l'unanimité à gauche. Le paradoxe, c'est qu'elle n'existerait pas au Parti socialiste. Les gens de talent et d'expérience appartenant aux minorités sont nombreux au PS, mais ils ne sont pas mis en avant. Sous prétexte de ne pas vouloir la discrimination positive, on ne sait pas représenter la diversité du pays. La droite, si."
Rama Yade est entrée en politique sur une indignation : l'incendie, en août 2005, de l'immeuble du 13e arrondissement de Paris occupé par des familles africaines. Ulcérée que les occupants soient présentés comme des "sans-papiers" et des "Africains" alors qu'ils étaient en situation régulière, voire français, elle écrit sa colère sous le pseudonyme d'Aminata Fall, dans Le Monde. Pour que la nation cesse "de regarder ses enfants comme des gens d'ailleurs et les reconnaisse enfin comme les siens". Suivra un livre, Noirs de France (Calmann-Lévy, 254 p., 16 €).
Son histoire personnelle aurait dû la porter vers la gauche. Née au Sénégal, elle y mène une enfance heureuse, incitée à la réussite scolaire par une mère professeur et un père secrétaire particulier du président socialiste Léopold Sédar Senghor. Musulmans, les parents préfèrent pour leurs enfants la discipline de l'école catholique. Quand le père devenu diplomate fait émigrer la famille en France, ils s'installent dans un quartier résidentiel de Colombes (Hauts-de-Seine).
Puis le père s'en va. La mère et les quatre enfants restent. Rama a 14 ans. Déménagement de l'autre côté de la ligne de démarcation, dans une cité de Colombes. La mère rogne sur la nourriture pour maintenir ses enfants à l'école catholique. Grâce aux "vieilles dames actives" du Secours populaire, émanation du Parti communiste, Rama part en vacances, visite la France profonde. Elle en garde un grand respect envers "ce communisme de proximité, non idéologique mais humaniste". Et emmène désormais les enfants à la mer, pour le Secours populaire. "Quand on est née ailleurs et que l'on émigre dans une nation constituée, dit-elle, on se sent instinctivement attirée par les idées de gauche. Les notions d'égalité, de tolérance, de justice sociale, ça parle. La droite incarne un modèle national figé qui ne favorise pas les nouveaux arrivants."
Diplômée de Sciences Po Paris, entrée dans une administration d'Etat dont elle doit taire le nom, Rama commence à fréquenter des clubs de réflexion politique (XXIe siècle, Averroès) pour élites issues de l'immigration. Elle n'est pas encartée, vote souvent blanc, déçue par une gauche dont elle attendait tant. Rama, pur produit du modèle républicain, est paradoxalement séduite par le thème sarkozien de la discrimination positive. "Parce que je suis noire, on s'étonne que je ne sois pas de gauche. Mais Sarkozy fait bouger les lignes. Le conservatisme est passé à gauche et les valeurs d'intégration à droite", affirme-t-elle.
L'UMP voulait en faire une candidate pour les prochaines législatives. Rama a décliné la proposition, estimant qu'elle devait faire ses preuves localement au lieu d'être parachutée. Pareil tempérament ne sera jamais acquis à un parti, et Nicolas Sarkozy devra veiller à ne pas le décevoir. "Notre rôle à nous, les minorités visibles de l'UMP, dit-elle, est de tirer notre candidat vers le centre." Elle vient d'obtenir quelques victoires comme la nomination d'un préfet noir (délégué dans les Bouches-du-Rhône), Pierre Ngahane, sur sa proposition. "Sarkozy m'écoute, constate-t-elle. Après, il suit ou il ne suit pas. Si un jour je ne suis vraiment pas d'accord, je m'en irai."
Parcours de Rama
née en 1976
Naissance à Dakar (Sénégal).
1987
Arrivée en France.
2002
Intègre la haute fonction publique.
2006
Vice-présidente du club XXIe siècle et membre du club Averroès.
2006
Nommée secrétaire nationale de l'UMP, chargée de la francophonie.
2007
Parution de "Noirs de France" (éd. Calmann-Lévy).
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