par biko » Mar Fév 27, 2007 5:48 pm
Salam
le programme politique de la candidate socialiste Ségolène Royal décliné sous la forme d’un catalogue se justifiant de débats citoyens en amont, d’une «démocratie participative», a fini par être communiqué le 11 février 2007, dénommé pacte présidentiel. Exercice peu convainquant en général que l’exposé d’une énumération de priorités ou de mesures rarement suivies à la lettre du fait de la complexité des facteurs conjoncturels, structurels, et surtout de la réelle volonté des candidats, il donne cependant des indications sur les arbitrages, les enjeux, la réception et la perception que le ou la postulante a des changements sociétaux. Sans surestimer l’effet «programme», il reste un point de référence possible, pour des candidats qui ne sont pas en situation de gouverner au moment des élections notamment, ou pour ceux dont l’expérience nationale ne permet pas nécessairement de se fixer sur les grandes lignes politiques, la compétence, la cohérence idéologique, la confiance inspirée.
Le pacte présidentiel de Ségolène Royal peut donc permettre de se faire quelques idées sur la candidature socialiste, sachant que les décennies de gestion socialiste sous Mitterrand et Jospin ont montré une myopie et un refus obsessionnel de considérer la question du gap racial en France, préférant par idéologie, facilité intellectuelle et peut-être pis, en revenir à des problématiques sociales, le repoussoir fédérateur états-unien restant très efficace pour les anciens communistes et socialistes se voulant très marqués à gauche.
Aussi le fait que Ségolène Royal ignore quasiment la question noire dans son pacte présidentiel n’est pas une surprise. Il oblige ceux des Noirs qui tiennent à lui accorder leurs voix à le faire s’ils le souhaiteraient, non pas sur un projet bénéficiant potentiellement à la communauté noire [aussi] mais sur des considérations autres au besoin.
Les questions de racisme ne sont pas explicitement abordées, mais à cet égard toutes les communautés sont logées à la même enseigne. Pour ce qui est des discriminations, le pacte présidentiel fait clairement des choix préférentiels, citant l’emploi des seniors, les violences conjugales, les discriminations de genre et l’égalité des droits pour les couples de même sexe. La candidate socialiste qui aurait pu traiter globalement des discriminations, de l’atteinte à la promesse d’égalité républicaine a ainsi préféré mettre en avant la question de la femme et celle des homosexuels. Nulle trace donc de l’exclusion raciale, le fameux plafond de verre qu’affrontent chaque jour dans l’évolution de carrière, le recrutement, le logement, l’accès au crédit, les services publics, la participation à la vie associative, politique, la prétention au leadership économique, des millions de Non-Blancs.
Cette attitude dénote d’une incompétence idéologique de la gauche sur la question du racisme exclusivement approchée en termes compassionnels et universalisants formels. Elle dénote aussi, probablement, de la hiérarchie des grandes causes manifestée historiquement par les socialistes, qui malgré l’émergence d’une question noire médiatiquement relatée, avec force euphémisations mais quand même, n’ont pas trouvé mieux que de maintenir le statut quo en fermant les listes des investitures aux élections législatives aux Non-Blancs. Cette surdité à la demande nationale d’égalité républicaine vire d’ailleurs à la farce politique lorsque le pacte présidentiel de Ségolène Royal propose pour l’Outre-Mer [pas pour la France ! ], de façon assez peu originale voire «après la bataille», la continuité territoriale en pointant les compagnies aériennes du doigt, et le respect de la diversité ! Comme si la diversité humaine et donc républicaine n’avait de terrain d’application que confinée à l’insularité antillaise. C’est dire quelle génération intellectuelle et républicaine a rédigé un tel texte.
Une incompréhension viscérale des dynamiques sociétales à l’œuvre en France mâtine le programme de Mme Royal. Avec les risques que les dénis et indigences politiques d’aujourd’hui préparent à une archéologie inédite de conflits sociologiques et interraciaux futurs d’une violence inimaginable.
La question de l’esclavage est abordée en pure démagogie pour redire la loi Taubira, l’enseignement de l’histoire d’Outre-Mer et «notamment» de l’esclavage devenu un poncif n’enregistre pas les grandes vagues de l’opinion française sur la question coloniale. Par contre le fait d’intégrer cette proposition d’enseignement là encore non pas dans le chapitre de l’école républicaine mais dans celui de l’Outre-Mer traduit bien la difficulté de Ségolène Royal de sortir de l’Ancien [régime], et de considérer comme des questions nationales celles qui touchent les Ultramarins.
Alors que les questions de racismes sont figées par le dispositif antiraciste institutionnel, Sos racisme, Licra, Mrap,… la candidate socialiste renvoie à une coquille presque vide la HALDE pour parfaire son vernis, son catalogue égalité. Or l’explosion des discriminations, des xénophobies, des rejets de l’altérité se sont produits ces dernières décennies sous le protection de l’antiracisme institutionnel. Déficit d’analyse et faible intérêt pour la question. La faute au poids électoral des concernés, ou de leur incapacité à imposer dans les agendas un paquet de revendications fédératives ?
La question essentielle de l’équité n’apparaît pas dans le programme socialiste. En tous cas pas pour les Noirs et Non-Blancs pris comme constitutifs de la communauté nationale. L’Affirmative action, la promotion des minorités ou des exclus s’arrêtent aux femmes au travail et aux homosexuels. Au moins les intentions de Mme Royale sont-elles claires et il ne faudra donc pas attendre d’elle, en cas de victoire une impulsion particulière dans la lutte contre les discriminations ethniques, contre les bavures policières ciblées, et pour la pleine reconnaissance par la nation de tous ses fils, indépendamment de leurs couleurs, origines, différence. Si cette candidature représentait pour certain la moindre mal, elle aura le mérite d’être sans illusion pour les Oubliés, Insultés, Exclus par nature de derme de la république. Symboliquement l’égalité n’aurait-elle pas exigé qu’un geste soit fait à l’endroit des soldats africains qui libérèrent la France dès 1914-1918, puis en 1939-40 en leur appliquant les calculs d’intérêts de retard dans leur pension, l’égalité de leurs retraites, l’extension à leurs familles de leurs pensions ?
Pour ce qui est de la Francafrique, ce système de siphonage en règle des ressources stratégiques africaines, assis sur des architectures relationnelles piégées fabricant une reproduction d’élites et classes politiques anti-démocratiques, anti-patriotiques servant leurs comptes personnels et les intérêts de l’ancienne puissance coloniale, rien de probant. Si ce n’est des déclarations vagues pour la fin de la France/Afrique, une européanisation de l’action française en Afrique, et l’efficacité accrue de l’aide au développement. Autant de motifs sans résonance ni principes directeurs neufs auxquels s’ajoutent l’articulation d’une fermeté vis-à-vis de l’immigration illégale et une lisibilité des critères de régularisation, la base des 10 ans, la scolarisation, l’intégration au marché du travail comme paramètres énoncés de régularisation. Là encore la candidate passe, comme toute la classe politique à côté des causes de l’immigration, la paupérisation des pays Africains par l’insertion historique contrainte et continuelle de ce continent dans une division mondiale prédatrice du travail, faisant converger les richesses vers le Nord et les pauvretés, pollutions, tyrannies au Sud. La France jouant sa partition dans ce partage mondial de l’Afrique utile.
Une candidature en somme, sur foi du pacte présidentiel, qui ne reste qu’un rituel de politique solennel, politiquement correcte, incapable de saisir les lignes de changements, de fractures qui traversent la France aujourd’hui et pour un temps relativement long. Une candidature non pas républicaine ni nationale, mais leucoderme pour une France qui n’existe plus.
On se bat pour les droits de l'Homme mais on oublie de se battre pour faire respécter ces droits entre nous.