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Soninkara: Qui est Mamadou Demba Magassa ?
Mamadou Demba Magassa: C'est moi (rires !). Je suis originaire de la ville de Diawara, une commune du département de Bakel, je suis artiste, auteur-compositeur.
Soninkara: Comment as-tu commencé la musique ?
Mamadou Demba Magassa: Depuis enfant, je faisais de la musique, on m'invitait à venir chanter quand il y a des mariages, des baptêmes ou toute sorte de fête communautaire. C'était un moment de ma jeunesse dont je garde un grand souvenir.
Soninkara: Comment es tu venu en France ?
Mamadou Demba Magassa: Je suis arrivé en France en 2003, en compagnie d'une autre grande chanteuse, Fandiaré Sakilba, dans un cadre culturel, on avait des concerts à faire un peu partout en France, j'étais enthousiasmé, car c'est ici en France que j'ai su que ma musique pouvait toucher d'autres personnes, pas seulement des soninkés, mais aussi des bambara, des peuls et bien d'autres. C'était une opportunité à saisir. Je ne regrette pas ma venue en tout cas.
Soninkara: Ta carrière musicale en France ?
Mamadou Demba Magassa: J'ai sorti trois albums depuis que je suis arrivé en France, mais j'en ai fait également d'autres, c'était suite à des commandes de particuliers.
Soninkara: Parle-nous de ton dernier album. Quel message véhicule-t-il ?
Mamadou Demba Magassa: Mon dernier album date du mois de septembre 2007, il y a tous juste quelques mois. J'y parle de polygamie, de l'entente qui doit régner entre deux coépouses, un message d'amour et de fraternité. Le choix de la polygamie dans cet album, n'est pas dû au hasard, car la polygamie fait partie de notre culture, même si personnellement je ne m'imagine pas polygame un jour. Dans cet album, je parle aussi de solidarité, parce que notre société a davantage besoin de la solidarité de nos jours où la tendance est à l'individualisme.
J'y ai parlé aussi des artistes, leurs rôles doit être capital, faire passer des messages de paix et d'amour. Et pour ce faire, nous artistes, nous nous devons d'être solidaires, nous devons nous rassembler pour mieux avancer ensemble. Il ne faut pas qu'il y ait de l'émulation entre nous, ce n'est pas un concours comme pour occuper un post dans une entreprise, mais de promouvoir notre langue et notre culture. Soninkara est une grande famille et nous sommes toutes et tous ses enfants.
Soninkara: Quelle est, selon toi, la place de la musique dans la société soninké ?
Mamadou Demba Magassa: La musique dans la société soninkée occupe une grande place. Si tu es de la caste des griots ou des niakhamala, elle occupera encore une grande place. Mais si tu n'es pas issu d'une lignée de griots, ce n'est pas chose facile, alors tu dois travailler beaucoup plus (rire). Mais les mentalités évoluent, on accepte de plus en plus des artistes non griots.
Soninkara: L'évolution de la musique soninké parmi les autres musiques
Mamadou Demba Magassa: Contrairement à ce qu'on pourrait penser, la musique soninkée est très ouverte, la preuve elle est écoutée par des bambaras et même par des peuls. Beaucoup de maliens non soninkés achètent nos albums, il faut dire aussi qu'entre la langue soninkée et la bambara, la différence n'est pas grande au fond. La musique est un langage universel, elle réunit les peuples.
Soninkara: Qu'est devenu ton groupe resté à Diawara ?
Mamadou Demba Magassa: Le groupe dont je suis l'un des fondateurs qui répond du nom de " Lune claire " (khassou nkhoulé, en soninké) existe toujours, personne n'est indispensable vous savez, j'ai gardé le contact avec'est eux, ils ont m'on soutien à la financier et moral, et je ne cesse de les encourager, car ce n'est pas facile de faire de la musique quand toutes les conditions ne sont pas réunies. Ils font beaucoup de concerts dans les autres villages qui jouxtent Diawara, parfois même au-delà jusqu'à Yafera.
Soninkara: As-tu un album en préparation ?
Mamadou Demba Magassa: Le prochain est prévu pour 2008, inch'Allah. J'espère qu'il marchera aussi bien comme les autres (rire).
Soninkara: Avec'est qui ?
Mamadou Demba Magassa: Je ne peux rien vous dire pour le moment. Je tiens à vous rappeler tout de même que j'ai de très bonnes relations avec'est les autres artistes et que je ne reste pas fermer à l'idée de sortir un album en duo avec'est l'un d'entre eux. J'ai déjà eu à travailler avec'est mon ami Lassana Hawa Cissokho. Un artiste, un vrai.
Soninkara: Pourquoi la musique soninké reste discrète hors de Soninkara ?
Mamadou Demba Magassa: Elle ne l'est vraiment plus, car comme je vous le disais tout à l'heure, elle touche d'autres communautés, elle est écoutée par beaucoup qui ne sont pas forcément des soninkés.
Soninkara: Quel message as-tu à dire aux jeunes soninkés de France ?
Mamadou Demba Magassa: Qu'ils s'intéressent à leur culture, surtout à leur langue maternelle. La langue est un pont entre l'individu et une culture, c'est aussi un grand vecteur de valeurs. Ils ont la chance d'avoir une culture riche, car les soninkés appartiennent au groupe ethnique du mandé en Afrique de l'Ouest, le mandé a dominé et continue toujours de dominer la culture ouest-africaine.
Il y a un début, car aujourd'hui, on voit des jeunes qui aiment 50 Cents mais qui écoutent aussi du Diaby Doua Camara ou du Demba Tandia, l'intérêt est là, ils l'expriment.
Soninkara: Quels sont projets dans le cadre de tes activités artistiques ?
Mamadou Demba Magassa: Je rêve d'avoir un studio à moi pour pouvoir faire des répétitions, j'avoue que c'est l'une des choses qui manquent à notre musique. Ce n'est pas facile, mais un jour ça viendra, j'espère qu'Allah m'entendra. Ensuite, je voudrais aller faire des concerts en Afrique, je commencerai par Diawara, puis je ferai une tournée dans plusieurs villes et villes à majorité soninkés. J'irai à Yaféra avec'est mon ancien groupe, j'aime beaucoup ce village, les gens y sont chaleureux et accueillants. Je reçois ici beaucoup d'appels venant d'Afrique pour m'inviter à venir faire des concerts, j'y pense souvent.
Je voudrais aussi, un jour, faire des concerts caritatifs avec'est d'autres artistes soninkés, pour collecter des fonds afin d'aider des enfants à poursuivre des études ou acheter des médicaments pour les populations les plus démunies en Afrique.
Soninkara: comment es-tu arrivé dans la chanson ?
Mamadou Demba Magassa: Je ne suis pas arrivé dans la chanson par hasard. J'ai eu un grand-père et une tante qui étaient d'excellents chanteurs et connus à Diawara. Mon grand-père était déjà décédé quand je commençais à chanter, mais ma tante est encore vivante et c'est une bonne conseillère pour moi. Elle m'aide à concevoir des chansons, c'est mon auteur préférée, elle manie bien la langue, j'ai beaucoup de chance de l'avoir. Elle m'encourage beaucoup et cela me donne beaucoup de force, même à des milliers de kilomètres.
Soninkara: Mamadou Demba est-il marié, fiancé, a-t-il une petite amie ?
Mamadou Demba Magassa: Rires ! Non, ni l'un ni l'autre. Je n'ai pas de femme dans ma vie pour le moment, même si je reçois des dizaines de lettres de demande en mariage de la part de jeunes femmes aussi belles les unes que les autres. Mais j'y pense, oui je pense à me marier, fonder une famille, avoir des enfants, j'adore les enfants vous savez.
Soninkara: Un cœur à prendre alors ?
Mamadou Demba Magassa: Bien sûr (rires) !
Soninkara: Fréquentes-tu les foyers ?
Mamadou Demba Magassa: Oui, beaucoup, soit pour passer dire bonjour à des oncles, des cousins ou des amis (d'enfance, entre autres), ou bien pour aller présenter des condoléances à la suite d'un décès intervenu au pays. J'éprouve beaucoup de respect pour les gens qui habitent dans les foyers, ils sont plein de courage et ce sont des gens qui cultivent l'humanisme à un tel point qu'ils méritent du respect de notre part. Vous savez, tout le monde ne peut pas vivre dans de telles conditions dans le seul but de pouvoir aider la famille en Afrique. Et quand je parlais de solidarité, en voilà un bel exemple, des gens qui acceptent de se sacrifier pour offrir une meilleure existence à ceux qui sont restés au pays, il y en a pas beaucoup de nos jours, hélas.
Soninkara: As-tu un message particulier à adresser aux autres artistes ?
Mamadou Demba Magassa: Je voudrais que l'ensemble des artistes de la communauté s'unissent pour faire des choses ensemble pour notre communauté, que l'ont soit malien, sénégalais, mauritanien, gambien ou autre, nous avons tous un point en commun : la langue et ce qu'on appelle le Soninkaxu, c'est-à-dire l'art d'être un soninké. Nous devrons prendre l'exemple sur les artistes maliens non soninkophones.
Interview réalisé par: "
Oumar SAKHO et
Moustapha Abdoul SAKHO".