par biko » Ven Oct 05, 2007 1:37 pm
salam
Pur génie évadé des hautes galaxies idéelles pour délivrer un fulgurant message libérateur, démocratisé et musicalisé, Bob Marley [1945-1981] à ce jour probablement inégalé dans la puissance révolutionnaire et prolifique de l’art musical est une source nutritionnelle à se ré-administrer souvent. Question de s’imprégner d’une thérapeutique curato-affranchissante dont la pertinence a suspendu le temps.
Œuvre pour soi et altruiste simultanément, écriture généreuse et efficace, pensée fertile et dévastatrice, la musique de Bob Marley est une virulente et sensible esthétique de la parole, du dire la paix. L’acuité du verbe, l’empathie qui prédispose le verbe inimitable à une infinité de réceptions de par le monde, la simplicité déconcertante de l’expression toujours transversale à l’humain, ne sont-ce pas là quelques caractères indélébiles de l’essence marleysienne ?
L’habitacle de cette cosmogonie particulière, mystique de Jah et militante révolutionnaire, rebelle par culture, n’est autre qu’un reggae servi dans une enveloppe protégée, le rastafarisme, philosophie de vie, de survie, d’outre-vie. Les apports du reggae des Wailers et des artisans des premières heures tels que Peter Tosh ont fait brusquement passer ce genre musical lent et hypnotique d’une audience caribéenne limitée à une reconnaissance mondiale phénoménale. A coups d’albums, de tubes et de compositions de génie, d’actions d’éclats et une réputation sulfureuse de rude boys, les rastas ont réussi ce que presque aucun contemporain n’avait approché avant eux. Imposer aux mégalopoles des pays riches un son authentiquement planétaire et indémodable, à partir d’une petite île pauvre, peuplée majoritairement d’Afro-descendants. Une musique d’Africains ainsi que se définissaient -et se définissent- les Rastas et Bob Marley en premier.
Tour de force encore plus méritoire classant le reggae, largement au dessus de toute concurrence dans le concert des variétés musicales apparues au 20ème siècle, le caractère révolutionnaire consubstantiel à ce son venu de très loin. Au point qu’être reggae man et développer une thématique rebelle n’ont fait qu’un, nonobstant les effets corrosifs des contraintes de production et de chiffres de l’industrie musicale globalisée…
Bob Marley a excellé dans cet art musical et oratoire, cette faculté à dire pour les autres, imaginer pour eux et pour lui-même les mots, les situations, les phrases rebelles immortelles, celles pour lesquelles la postérité lui saura gré. Le titre culte Babylon system s’inscrit dans le chapelet de ces chefs-d’œuvre proprement révolutionnaires à la lisière de la mystique. Le génie jamaïcain ici sublime par la justesse des mots, l’osmose du dire et du chanter, l’idéal musico-transcendantal de la révolution, du refus de l’aliénation, de la lutte de liberté. Le tout rendu avec une quintessence époustouflante.
Et le prophète de scander : We refuse to be What you wanted us to be; We are what we are: That's the way (way) it's going to be. You don't know! Traduisez, nous refusons d’être, ce que vous voulez que nous soyons, nous sommes ce que nous sommes, les choses sont ainsi faites et le resteront. Pureté que cette salve de défi à l’aliénation et à la conquête des corps et des âmes des Africains -au sens Rastas d’originaires d’Afrique. D’une lame tranchante, le prêtre vient de couper la gorge pleine à l’insatiable volonté impérialiste de réification totalisante, spirituelle et matérielle.
Mais Bob entreprend, passé les rappels d’oppression et d’esclavisation, de décrire la mécanique sociologique de Babylone, du système de domination leucoderme : Babylon system is the vampire, yea! (vampire) Suckin' the children day by day, yeah! Me say: de Babylon system is the vampire, falling empire, Suckin' the blood of the sufferers, yea - ea - ea - ea - e - ah! Building church and university, wo - o - ooh, yeah! - Deceiving the people continually, yea - ea! Me say them graduatin' thieves and murderers; Look out now: they suckin' the blood of the sufferers (sufferers). Yea - ea - ea! (sufferers) Le système de Babylone, l’oppression blanche est un vampire qui vide les enfants jour après jour, empire décadent qui suce le sang de ceux qui souffrent, construisant des églises et des universités, trompant le peuple continuellement, faisant la promotion des voleurs et des tueurs
Bob est plus vrai que la réalité de l’oppression, de la promotion des destructeurs, il termine son long réquisitoire en assenant Tell the children the truth, eh oui ! Dites donc la vérité aux enfants ! Il faut se rebeller, maintenant nous savons que la seule chose que nous devons faire est de nous rebeller… Babylon System de Bob Marley, suc extrait de l’inoubliable album (Black) Survival, une référence parmi les plus précieuses perles d’un insoumis génial.
On se bat pour les droits de l'Homme mais on oublie de se battre pour faire respécter ces droits entre nous.