Quand Jean-Pierre veut s’appeler Mohamed : l’échec de l’intégration à la française
« Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir."
Fable "les animaux malades de la peste" de Pilpay repris par La Fontaine
A l’occasion de l’élection de Barack Obama, en France le débat sur la discrimination positive est de retour. Elle a débuté dans les années ’60 aux Etats Unis. Quarante ans après le discours mémorable de Martin Luther King « I have a dream », les premiers effets sont visibles d’abord avec l’élection du chef d’Etat major Colin Powell d’origine jamaïcaine devenu par la suite secrétaire d’Etat et remplacé à ce poste par Condoleeza Rice qui affirme qu’elle doit son poste à Rosa Park la première dame noire qui a refusé de se lever dans un bus de blancs. La nomination de Barack Obama, noir, est le point d’orgue d’un « americain way of life » qui tourne le dos définitivement au Ku Klux Kan. Qu’en est-il justement en France des chances de réussite sociale des « minorités », des blacks, des beurs, des habitants des zones sensibles , des banlieues, de la couronne ? Autant de vocables pour désigner ces Français entièrement à part et qui rêvent d’être des Français à part entière.
Quelques faits parmi tant d’autres nous permettent de mesurer l’étendue du fossé qui sépare ces nouveaux Français qui ont largué les amarres originelles pensant, naïvement, s’intégrer harmonieusement à l’ombre des lois de la République sans perdre leur identité voire leur âme. Comme exemple d’une chronique d’un racisme ordinaire, on apprend par dépêche de l’AP que plusieurs centaines de tombes du carré musulman du cimetière Notre-Dame-de-Lorette d’Arras ont été profanées dans la nuit de dimanche à lundi 8 décembre, a confirmé la préfecture du Pas-de-Calais Ces profanations interviennent alors que les musulmans célèbrent la fête de l’Aïd. Dans un communiqué, le président Nicolas Sarkozy a fait part de "sa profonde indignation" et de "sa vive émotion" après cette "nouvelle profanation du carré musulman de la nécropole nationale de Notre-Dame de Lorette". "Au-delà de l’appartenance religieuse, c’est aussi la mémoire de l’ensemble des combattants de la Première Guerre mondiale qui se trouve ainsi insultée", souligne-t-il.
Quelle réaction aussi en face de deux Françaises qui, lasses des refus de justice, pensaient que la Cour Européenne allait les rétablir dans leur droit. Elles dénonçaient leur exclusion définitive d’un collège parce qu’elles avaient refusé de retirer leur foulard pendant des cours de sport,. Elles ont été déboutées le jeudi 4 décembre à Strasbourg par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). (…) Aujourd’hui âgées de 21 et 22 ans, les jeunes filles avaient été exclues début 1999 du collège de Flers, après avoir refusé d’enlever leur foulard islamique en cours d’éducation physique. Les adolescentes avaient proposé de remplacer le foulard par un bonnet mais en février, constatant leur absence de participation active aux séances, le conseil de discipline du collège prononça leur exclusion définitive pour non-respect de l’obligation d’assiduité. Un ultime recours devant le Conseil d’Etat avait également été rejeté.(1)
Dans le même ordre d’idée on apprend que la discrimination touche aussi les corps de police. Ainsi de nombreux policiers des Renseignements Généraux de la Préfecture de Police de Paris, français d’origine maghrébine, ont perdu leur habilitation "Secret Défense" sans explication officielle. Selon plusieurs sources, les policiers de la 8ème section des RG, "Enquêtes et habilitations", située rue aux Ours, Paris 3ème, leur posent des questions sur leurs orientations religieuses, la régularité de leurs séjours dans les pays de leur famille d’origine. Selon leurs examinateurs, ils auraient perdu leur habilitation parce qu’ils visitaient trop souvent leurs parents "restés au bled". De nombreux enquêteurs chevronnés des RGPP s’insurgent contre ces pratiques d’un autre temps et qui les "marquent au fer rouge de la suspicion". L’affaire paraît d’autant plus grave que la plupart de ces agents français "basanés" ont été recrutés, ces dernières années, pour que la police française soit adaptée" aux couleurs de la France".(2)
Enfin le feuilleton du fichier Edvige a donné un nouvel épisode : On apprend que tout est fait pour imaginer comment débusquer le basané potentiellement dangereux. Dans un projet de rapport au ministère de l’Intérieur, le groupe de contrôle des fichiers propose, dans un projet de rapport au ministère de l’Intérieur dont l’AFP a eu une copie jeudi 4 décembre, d’expérimenter un fichage des suspects d’infraction combinant la couleur de peau et l’origine ethnique. Le groupe a débattu notamment "sur les éléments les plus pertinents devant faciliter l’identification d’un individu suspecté d’avoir perpétré une infraction", peut-on lire dans son projet de rapport . "Gamme chromatique". (3) Cet euphémisme qui classifie les races ressemble étrangement à une manipulation, expérimentale où on utilise les couleurs en spectrométrie UV visible ou infra rouge. Après l’ADN du colonisé voilà le basané passer sous l’oeil d’une caméra qi donnera son spectre polychromatique.
Juste retour des choses le désenchantement a atteint en profondeur les beurs qui las de revendiquer des droits après avoir abdiqué leur identité originelle pour une hypothétique identité gauloise qu’on leur refuse dans les faits, ces mêmes beurs par un véritable introspection franchissent le pas d’un retour aux sources.. Pourtant comme l’écrivent Charles Bremmer et Marie Tourres : « Voulant épargner à leurs enfants la discrimination, beaucoup de parents immigrés ont donné à leurs enfants des prénoms très français. Difficile ensuite de revenir en arrière ». Ils sont nés en France et s’appellent Louis, Laurent ou Marie, mais ils veulent changer de prénom pour devenir Abdel, Saïd ou Rachida. Les demandes de changement de prénom de la part d’enfants d’immigrés se multiplient devant les tribunaux français. (…) Forts d’une nouvelle assurance, les enfants de familles venues d’Algérie, de Tunisie et du Maroc remettent en cause une vieille tradition qui voulait que les immigrés des anciennes colonies donnent à leur progéniture des noms français. Incités dans cette démarche par un sentiment personnel de déphasage avec leurs noms chrétiens, ces demandeurs se heurtent à la réticence des juges, qui n’ont guère envie d’appuyer ce que beaucoup d’entre eux considèrent comme un rejet de la France . "Mon apparence est en contradiction avec mon prénom", explique Jacques, 25 ans, qui souhaite adopter un nom originaire du pays de ses parents, l’Algérie. Il rejette l’idée communément répandue selon laquelle un prénom français pourrait vaincre les réticences persistantes des employeurs à recruter des minorités non blanches. "Il y a juste un effet retard entre l’envoi de ma candidature et ma présentation à l’entretien. Ils hésitent, comme si la personne qu’ils avaient convoquée ne pouvait pas être moi", raconte le jeune homme ». (4)
« Il est irréfutable que, malgré la loi, les employeurs continuent de discriminer les chercheurs d’emploi portant des noms étrangers. Nadine, la quarantaine, n’est pas parvenue à convaincre un tribunal parisien de l’autoriser à reprendre le prénom qu’elle portait avant sa naturalisation, Zoubida. "Je ressens le besoin de retrouver mes racines", a-t-elle pourtant expliqué à la juge Anne-Marie Lemarinier, citée par Le Monde dans un article d’avril 2007. "Je vis ce changement de prénom comme une culpabilité par rapport à ma famille." Mais la juge a rétorqué : "Madame, je peux concevoir votre démarche identitaire, mais le droit ne peut pas s’adapter en permanence à des états d’âme." C’est la politique d’intégration française qui est en cause, estime Dominique Sopo, le président de SOS Racisme : "Elle rejette, stigmatise et enferme dans un ghetto. Et ça encourage le retranchement dans une identité communautaire, déplore-t-il. Il y a un fossé gigantesque entre la réalité et les discours politiques sur l’intégration. C’est triste d’en arriver là." » (4) Conséquence de « l’effet Obama », le président Nicolas Sarkozy a réaffirmé récemment ses positions sur le sujet. "Je prendrai dans les semaines qui viennent des initiatives pour que cette diversité, cette France riche de cette diversité, ça se traduise également dans nos élites, dans les préfets, dans les magistrats, dans les professeurs d’université, dans les médecins", a déclaré la chef de l’Etat ."(5)
« Même si le président français se défend de vouloir recourir aux quotas, il s’appuiera certainement sur des dispositifs très proches, des quotas sans le nom, pour parvenir à ses fins. Deux thèses s’affrontent . Celle pour qui la discrimination positive ne sert à rien et laisse les clivages en l’état , celle pour qui au contraire il faut persévérer La discrimination positive est dépassée, inefficace et dangereuse pour plusieurs raisons. Elle est contradictoire avec le principe d’égalité des citoyens. Elle signe en quelques sortes le retour aux sociétés tribales où l’individu est d’abord caractérisé par son appartenance communautaire, son apparence, plus que par son statut de citoyen. Il y a là une régression forte sur le plan des idées et de la Civilisation ; Autre problème, le choix d’un unique facteur de discrimination : la couleur de la peau. ..Bref, comme la mauvaise monnaie chasse la bonne, la discrimination positive chasse la reconnaissance du mérite, de façon souvent très injuste. Là où la discrimination positive est la plus perverse, c’est qu’elle nous éloigne des vrais problèmes, en se focalisant sur la diversité ethnique, au détriment de la diversité sociale Parler de la diversité raciale sans s’attaquer auparavant au coeur du sujet, à la diversité sociale, ne peut être qu’un leurre, un triste gadget destiné à tromper les foules et amuser les médias »(6)
« Faut-il indéfiniment écrit Sylvie Kauffmann accepter qu’au nom de l’égalité se perpétuent les inégalités ? (..) Et puis la traduction "discrimination positive" est apparue. Est-ce un hasard si, finalement, et sans doute inconsciemment, les Français ont adopté l’expression "discrimination positive" plutôt qu’"action affirmative" ? Non. Parce que "discrimination positive" a une connotation négative. Dans "discrimination positive", il y a "positive", mais il y a d’abord "discrimination". Il y a vingt ans, la marche des beurs avait réveillé les Français, soudain conscients de la présence en leur sein d’une communauté qu’outre-Atlantique on aurait appelée "minorité ethnique", et qui ne demandait qu’à s’intégrer, celle des jeunes issus de l’immigration. Vingt ans plus tard, le rêve a, à certains égards, tourné au cauchemar. L’intégration ne s’est pas réalisée. Les inégalités se sont creusées. En France, les enfants d’Algériens sont quatre fois plus au chômage que les enfants de Français. Cette discrimination-là est très, très négative. Les frustrations qu’elle engendre dans les "quartiers" aggravent la "fracture sociale" et nourrissent les extrémismes. En pleine tempête sur le foulard, le ministre de l’intérieur lance un pavé dans la mare. "Reconnaissons les échecs de l’intégration à la française, déclare Nicolas Sarkozy sur France 2. Je crois en la discrimination positive Mais, M. Chirac en convient, cette égalité de principe ne s’est pas traduite dans les faits. Il y a même eu, a-t-il dit à Tunis en décembre, "un recul", y compris dans les échelons élevés de la société. "Faut-il parler de discrimination ? Oui, mais elle est négative et elle n’a pas été volontaire, note le président. Il y a une espèce de système qui, tout naturellement, s’auto-protège, s’auto-alimente, s’auto-nomme. Et donc, il y a là quelque chose contre quoi il faut réagir." (7)
Il est avéré que l’Hexagone brandit haut et fort l’égalité et la fraternité, mais tout indique qu’un Français “de couleur” pense Max Colchester, n’a aucune chance d’accéder aux plus hautes fonctions avant longtemps. L’élection de Barack Obama invite la France à un examen de conscience : dans ce pays pourtant fier de sa tradition égalitariste, les minorités ethniques peinent encore à se hisser aux sommets de la politique et des affaires. La France a d’elle-même l’image d’un foyer d’égalité ethnique, mais cette image a été mise à mal fin 2005 lorsque des émeutes ont secoué les banlieues de Paris à forte population immigrée qui protestaient contre les disparités économiques et l’absence de perspectives. “La France doit tirer les enseignements de ce qui se passe avec Obama”, insiste Christiane Taubira, une femme politique noire originaire de Guyane.(8)
"La France de 1998 a cru que son équipe multiraciale allait dissoudre le racisme et faciliter l’intégration. Dix ans plus tard, l’échec à l’Euro 2008 est aussi celui d’un rêve collectif. Depuis dix ans, beaucoup espéraient une évolution positive. Quand le visage de Zinedine Zidane, fils d’immigrés ¬algériens, a été projeté sur l’Arc de triomphe et que les foules ont scandé “Zizou président !”, la démographe Michèle Tribalat, spécialiste de l’immigration, a expliqué que l’équipe “avait fait plus pour l’intégration que des années de politique de la ville”. Au début, tout semblait aller pour le mieux. En 1999 et en 2000, les Français sont devenus, malgré leur équipe de football, plus racistes. … Face à Nicolas Sarkozy, qui à l’époque n’avait pas hésité à traiter certains jeunes de “racaille”, le défenseur français Lilian Thuram, l’intello de l’équipe, répliquait : “Moi aussi j’ai grandi en banlieue. Moi aussi il m’a traité de ‘racaille’. Mais je ne suis pas une racaille. Ce que je voulais, c’était travailler. Il [Sarkozy] n’a peut-être pas compris cette subtilité.”(9)
Les "beurs" ont une façon à eux de résumer leur situation en trois phrases : « Tu peux gagner des médailles d’or pour la France, pour les flics tu resteras toujours un macaque. Tu peux gagner la coupe du monde pour la France, pour les flics tu resteras toujours un raton. Tu peux vivre depuis 200 ans en France, pour les videurs des boites de nuit, si tu peau est basanée, ce sera toujours “ca ne vas pas être possible” ».
En définitive de Gaulle avait bien raison d’affirmer que « le corps social » n’est pas prêt à absorber en grande quantité des éléments allogènes à son identité. « (..) C’est très bien qu’il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns.(…) Mais à condition qu’ils restent une petite minorité. Sinon, la France ne serait plus la France. Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne. » « Si tous les Arabes et Berbères d’Algérie étaient considérés comme Français, comment les empêcherait-on de venir s’installer en métropole ? Mon village ne s’appellerait plus Colombey-les-deux-Eglises, mais Colombey-les-deux-Mosquées ! » (10)
Les basanés ont du souci à se faire, leur intégration apaisée dans le contexte actuel, est une vue de l’esprit du fait d’une connotation coloniale sous-jacente et du fait aussi qu’on le veuille ou non la religion chrétienne berce d’une façon invisible l’imaginaire des Français(e) de souche combien, ils se proclameraient athées laïcs... Pourtant ces Français veulent être des Français à part entière se voyant chaque fois interpellés comme étant des émigrés de la nième génération combien même ils seraient là depuis plus d’un siècle avec à chaque fois le devoir d’affirmer en vain leurs attachements à la République à la "France des Arts des Armes et des Lois" comme le disait si bien Johachim du Bellay
1.Elles refusaient d’ôter leur foulard à l’école : déboutées. Libération 4 décembre 2008
2.Des fonctionnaires des RG sanctionnés pour appartenance religieuse ? Nouvel obs. 05.12.2008
3.Un fichage par couleur de peau à titre expérimental ? Nouvelobs.com 05.12.2008
4.C Bremmer , M ? Tourres : Quand Jean-Pierre veut s’appeler Mohamed.The Times 28 11 2008
5..
http://fr.news.yahoo.com/3/20081127/opl ... b2994.html6. Discrimination positive : gare au leurre !
http://www.levraidebat.com7.Sylvie Kauffmann : Les avantages de la "discrimination positive". Le Monde du 5 11 2004
8.Max Colchester A quand un Obama français ? The Wall Street Journal 13 nov. 2008
9.Simon Kuper . Les illusions perdues des “Black-Blanc-Beur” Vrij Nederland . 3 juillet 2008
10. de Gaulle : Elysée, le jeudi 5 mars 1959
Prof Chems Eddine Chitour
Ecole Poltechnique Alger
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=48585