À cheval entre la tradition et la modernité, sans ostentation et sans provocation, le pagne a parcouru plusieurs époques. Ainsi donc, il a beaucoup évolué au fil du temps. D'une nécessité impérative dans l'accoutrement de la femme, le pagne est passé de simple accessoire. Conséquence dévastatrice de l'effet de la mode ou pertes de valeur ? Qu'à cela ne tienne! Les jeunes filles ne s'en incommodent plus. Elles se limitent au modèle occidental (paréo) ou, tout au plus, les filles «has been» le portent exceptionnellement dans l'intimité de leur maison ou encore lors des fêtes comme la Tabaski, Korité. Et encore de quelles manières… Faut le voir pour le croire…
L'allure altière d'une Sénégalaise revêtue de son pagne traditionnel, qu'elle soit jeune ou vieille, mince ou opulente. Il est clair que cela ne court plus les rues. Le port du pagne autrefois était un élément de taille dans la toilette de la femme. Il était inconcevable qu'une femme se promène dans la rue en jupe ou pantalon. Aujourd'hui, c'est plutôt un tout autre spectacle qui s'offre à nos yeux. Des jeans ou collants serrés et taille-basse qui laissent entrevoir tous les attributs de la femme. Au plaisir des voyeurs qui ne manquent pas de se rincer les yeux. C'est sans doute le vent de la mode qui est passé par là. Une autre explication est aussi à prendre en compte : celle de «l'occidentalisation» qui a occasionné une perte de nos valeurs. Les rares jeunes filles à s'encombrer de ces cotonnades aux graphismes et couleurs hardies les portent à leurs manières. La transparence et la fluidité en apparat. Comme qui dirait, laisse faire le vent…
Jadis…, un gage de considération
Autrefois, les femmes portaient le pagne avec une élégance naturelle et un style tout particulier. De toutes sortes et de toutes couleurs, les pagnes rivalisaient de leurs originalités. Sans conteste, ils étaient la touche indispensable dans l'habillement des femmes. Que ce soit pour un baptême, un mariage ou encore pour une cérémonie, ils sortaient en grande pompe, pour donner aux dames une fière allure. «Partout où l'on allait, c'était avec le pagne. À des manifestations, au marché et même à l'intérieur de la maison, on s'accoutrait de pagnes. C'était un plaisir des yeux, car ils reflètent la décence même contrairement à ce que l'on voit maintenant. D'ailleurs, on superposait plusieurs pagnes, entre autres le «sëru njiitlaay» (dessous), de différentes couleurs pour créer une certaine harmonie avec le boubou, regrette cette vieille dame - mère Doro - proche des 70 ans, visiblement nostalgique de la belle époque. Allant plus loin, elle explique que le pagne était autrefois un signe de respect : «La femme qui ne portait pas de pagnes était considérée comme une débauchée. Il était inimaginable de se dandiner dans la rue sans le pagne noué autour des reins». Encore que cela passait si la fille n'a pas encore atteint sa puberté, car «dès qu'une fille voit ses règles, c'est une obligation de porter le pagne», renchérit-elle. Le pagne n'est pas seulement un critère de respect ou encore un allié dans l'habillement de la femme. Pour ce sexagénaire, le pagne de couleur blanc, dans certaines ethnies du Sénégal, représentait un accessoire pour établir la virginité et un talisman pour contrer le mauvais œil et les mauvaises langues. «Il devait être taché de sang le lendemain de la nuit de noces. Il était ostensiblement divulgué jusqu'à la concession du mari, afin de prouver à sa famille que la mariée était réellement vierge. Il préservait aussi des mauvais sorts. Malheureusement ces pratiques ont tendance à disparaître. Même que les jeunes filles ont plutôt le pagne léger», soutient le vieux Daouda. Retenons donc que le pagne était une manière pour la femme de se faire respecter par les hommes et d'obtenir plus de considération.
Le pagne est passé de mode
Mode quand tu nous tiens ! Des ailes nous poussent de partout! Le pagne a subi les ravages de dame mode. Et de fort belle manière. Avec la nouvelle génération, il est passé d'un besoin utile à un bien piètre accessoire. En effet, le pagne a tendance à disparaître petit à petit dans la garde-robe des femmes. Rares sont celles qui le portent dans l'intimité de leurs maisons, encore moins pour aller s'approvisionner au marché et même pour faire la cuisine. Pour Fama, le port du pagne ne lui est envisageable qu'en période de forte canicule : «Quand il fait chaud, je porte de légers pagnes, pour laisser passer le vent comme il faut»... Par ailleurs, le pantalon, la jupe, le short, le jean etc, ont ravi la vedette à cette tenue traditionnelle. L'Occident a marqué de son empreinte la tendance chez les jeunes filles. D'ailleurs, quand elles s'aventurent à en porter, ce sont ceux qui sont inspirés du modèle occidental, appelé paréos (vêtements de plages).
?Très souvent, les filles pour mieux s'intégrer abandonnent souvent la culture vestimentaire de leur pays d'origine, comme c'est le cas de Bijou : «Je préfère mille fois porter le paréo, c'est plus classe et carrément plus joli. Les pagnes en wax ou lagos sont démodés. En plus c'est inconfortable». Par contre, pour cette jeune dame, comptable dans une société, si elle privilégie les tailleurs aux pagnes, c'est plutôt une affaire de complexe : «Le pagne laisse entrevoir tes formes, le moindre de tes déhanchements. Les hommes en profitent pour te reluquer. J'en sais quelque chose : quand je suis à la maison, je porte des pagnes. Quand je passe et repasse devant mon mari, il s'en donne à cœur joie».
Est-ce à dire que les pagnes auraient des vertus séductrices? Et avec une petite pincée d'encens, qui sait ce que cela donnera…
Source: L'observateur
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