Les "conditions" de Rama Yade qui priveraient Sarkozy de JOSi les mots ont un sens, Rama Yade a tout simplement annoncé samedi dans Le Monde que Nicolas Sarkozy a peu de chances d'être présent le 8 août à la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Pékin, comme il l'avait annoncé. Sauf qu'elle en a aussitôt atténué elle-même la portée en démentant avoir employé le mot "conditions" qui figure pourtant bien dans cette interview assurément relue soigneusement par son cabinet avant parution. Bernard Kouchner a été mobilisé ensuite pour recadrer le tout: "il n'y a pas de conditions".
C'était la première fois en tout cas qu'une position française aussi tranchée est annoncée par le gouvernement. Dans une courte interview au Monde de samedi, à deux jours de l'arrivée de la flamme olympique à Paris, la secrétaire d'état aux Droits de l'Homme posait ce qu'elle appellait elle-même des "conditions" pour que Nicolas Sarkozy puisse aller à Pékin représenter non seulement la France, mais l'Europe dont il exercera la présidence tournante. Or, sauf coup de théâtre, ces conditions parraissent difficiles à réaliser:
"La fin des violences contre la population et la libération des
prisonniers politiques, la lumière sur les événements tibétains et
l'ouverture du dialogue avec le dalaï lama".Sur le premier point, Rama Yade réclame spécifiquement la libération de Hu Jia, le dissident condamné cette semaine à trois ans et demi de prison pour avoir diffusé cinq textes sur un site internet basé aux Etats-Unis, et donné deux interviews à la presse étrangère:
"Nous demandons la remise en liberté immédiate de Hu Jia, qui vient tout juste d'être condamné à trois ans et demi de prison. C'est une vraie déception pour nous, alors que nous avions multiplié les démarches en sa faveur."
Concernant le Tibet, Rama Yade met également la barre très haut, en utilisant un vocabulaire qui risque de faire bondir les responsables chinois: "colonisation", "assimilation", "marginalisation" des Tibétains, "folklorisation" de leur culture... Et de citer le chiffre de 132 moines emprisonnés en 2007 "pour motifs politiques".
Un revirement de la position de l'Elysée en forme de pari risqué
Ces propos sonnaient comme un défi à la Chine, puisque la position de Pékin est restée inflexible depuis les événements, qui ont commencé le 10 mars par des manifestations de moines, ont culminé le 14 mars avec une éruption de violence anti-Han de la part de la population de Lhassa, et continuent par des incidents violents comme ceux du Sichuan il y a quelques jours -la police armée du peuple a de nouveau ouvert le feu, faisant plusieurs morts selon des sources tibétaines.
Pékin a sa version des faits, largement répandue dans la population, blamant un petit groupe de Tibétains instrumentalisés par la "clique du dalaï lama", et qui ont attaqué des personnes et des biens chinois à Lhassa. Pas vraiment la préparation à l'ouverture du dialogue "réellement constructif" que la secrétaire d'état appelle de ses voeux.
Rama Yade a-t-elle tenu ces propos parce que le gouvernement chinois a donné des indications qui permettent d'envisager un tel scénario? Ou le gouvernement a-t-il simplement pris la mesure des dégats politiques que représenterait pour Nicolas Sarkozy sa présence à des Jeux aussi controversés, comme le montre déjà l'agitation autour du passage de la flamme à Paris lundi?
On pouvait initialement imaginer, à la lecture du Monde, que, après s'être fait taper sur les doigts pour sa sortie sur la visite de Kadhafi, Rama Yade ait obtenu l'imprimatur de l'Elysée pour de telles déclarations. Les démentis et la confusion en cascade dans la journée montrent que c'est toujours plus compliqué et, seul Bernard Kouchner pouvait déclarer samedi soir sur France2: "tout ça est parfaitement clair"...
Vers des concessions de circonstance de la part de Pékin?
On ne peut pas exclure, toutefois, que Pékin, tout en maintenant une façade intraitable, ne soit prêt à quelques mesures spectaculaires pour désamorcer la "bombe" des JO, à commencer par la libération de Hu Jia, qui aurait ainsi été condamné... pour mieux le grâcier dans la foulée. Cet asouplissement passerait aussi par une amorce de dialogue avec des émissaires du dalaï lama, ce qui ne coûterait pas trop cher à la Chine, et lui permettrait de montrer sa bonne volonté.
Le premier ministre chinois Wen Jiabao a d'ailleurs lâché une petit phrase sybilline lors d'une visite au Laos, pour dire que les voies du dialogue n'étaient pas totalement rompues.
Mais ce scénario reste pour l'instant totalement spéculatif. L'heure reste à la fermeté, face au Tibet, face au Xinjiang, face aux dissidents, et face à ceux qui, dans la communauté internationale, envisageraient de boycotter ne serait-ce que la cérémonie d'ouverture. Pékin a récemment affirmé qu'ils le paieraient, sans doute en contrats commerciaux dont on sait qu'ils sont "chers" par les temps qui courent. A suivre donc...
► Mis à jour le 05/04/2008 à 17h45, après le communiqué de Rama Yade samedi après-midi:
"Je tiens à indiquer que, lors de l’entretien que j’ai donné à un journaliste du Monde, pour son édition du 6 avril 2008, le terme de "conditions" n’ a pas été employé. Comme depuis le début de la crise au Tibet, j'ai veillé à exprimer la position de la France en termes précis. Le président de la République a déclaré que toutes les options sont ouvertes, qu’il se prononcera, le moment venu, en fonction de l’évolution de la situation au Tibet quant à sa participation à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques."Premier recul? Des regrets face à un mot de trop?... A suivre...
http://www.rue89.com/chinatown/les-cond ... kozy-de-jo