Bongo, Sassou Nguesso, Compaoré, Obiang Nguema, Dos Santos : la fin de l’impunité ?
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La justice française a ouvert une enquête contre eux pour "recel de détournement de biens publics"
Pour la première fois, des chefs d’Etats africains pourraient répondre de détournement de biens publics devant la justice alors qu’ils sont encore en exercice. Le parquet de Paris enquête sur les présidents congolais Sassou Nguesso, gabonais Omar Bongo Ondimba, burkinabé Blaise Compaoré, équato-guinéen Teodoro Obiang Nguema et angolais Eduardo Dos Santos.
Denis Sassou Nguesso et Omar Bongo Ondimba, les deux chefs d’Etats emblématiques de la « françafrique », inquiétés par la justice, en France ? Le parquet de Paris a annoncé en début de semaine l’ouverture d’une enquête préliminaire à l’encontre des présidents congolais et gabonais, suite à la plainte déposée contre eux, le 27 mars dernier, par l’association de juristes Sherpa, la Fédération des congolais de France (FCF) et l’association Survie, pour « recel de détournement de biens publics ». Les présidents burkinabé Blaise Compaoré, équato-guinéen Teodoro Obiang Nguema et angolais Eduardo Dos Santos sont également concernés, même si les plaignants disposent actuellement de « moins d’éléments les concernant », explique Yann Queinnec, juriste du réseau Sherpa spécialisé en droit des affaires.
« Pourquoi attendre qu’ils soient déchus ? »
Pour lancer leur attaque, les trois associations se sont appuyées sur une jurisprudence de la Cour de cassation qui présume l’existence d’une infraction « lorsqu’une personne ne peut pas justifier des ressources correspondant à son train de vie ». Or, le rapport du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD), « Biens mal acquis… profitent trop souvent », publié en mars dernier et sur lequel elles se basent, liste « un patrimoine considérable qu’aucun des revenus connus [de ces présidents] n’est susceptible de justifier », affirment-elles.
Si la partie est loin d’être gagnée, Sherpa, Survie et la FCF ont déjà fait savoir mardi qu’« une culture d’impunité tranquille est pour la première fois ébréchée ». La décision du parquet de Paris est importante dans la mesure où depuis toujours, au Mali (Moussa Traoré), au Nigeria (Sani Abacha), au Liberia (Charles Taylor), au Kenya (Arap Moi) et sur tous les continents, les actions entreprises contre des chefs d’Etats soupçonnés de détournement de fonds l’ont toujours été après leur chute. Le plus souvent, les procédures et demandes de restitution ont été enclenchées par leurs propres remplaçants, indique le rapport du CCFD. Or, « pourquoi faudrait-il attendre qu’ils soient déchus ? C’est précisément pour garantir leur impunité qu’ils se cramponnent au pouvoir », arguent les plaignants.
Après le bâtiment, les ressources naturelles ?
Faut-il voir un lien entre la réponse apportée à ce dossier et la promesse faite par Nicolas Sarkozy, durant sa campagne présidentielle, de rompre avec les pratiques du passé ? Le quotidien algérien El Watan, qui fait le rapprochement entre ce nouveau dossier et les récents développements dans l’affaire Borrel, titre mercredi sur « la fin d’une ère » : « celle de Chirac et plus loin encore de cette vision gaulliste qui avait contribué à l’édification de la France-Afrique ».
« Logiquement, non, explique pour sa part Yann Queinnec. Il ne peut pas y avoir de lien entre un changement à la tête de l’exécutif et la magistrature suprême. Mais cela peut dénoter d’une ère du " ne plus laisser faire". Peut-être les magistrats saisis se sentent-ils les coudés plus franches ? » Les trois associations plaignantes ont en tout cas indiqué mardi que cette « première en France (…) devra être déclinée, prochainement, dans d’autres pays ». Et qu’elles mêmes « demanderont l’élargissement de l’enquête en cours à d’autres dirigeants et leurs clans »
Cependant, leurs investigations ne porteront pas sur les gros dossiers, ceux du pétrole, des richesses naturelles pillées et des sociétés écrans. « Il n’est pas exclu que cela survienne à l’avenir. Mais nous sommes actuellement sur les wagons de queue, ceux qui concernent l’utilisation de l’argent qui s’est évaporé, explique Yann Queinnec. Le pétrole, c’est une autre histoire, c’est plus visqueux, plus complexe. Là, nous sommes sur des biens immobiliers, du dur et des faits plus faciles à prouver. »