Salam
Raymond Barre a accédé brutalement, un jour d’août 1976, à la notoriété. A la télévision, le président de la République d’alors, Valéry Giscard d’Estaing, annonce qu’il vient de nommer Premier ministre «Raymond Barre , le meilleur économiste de France», en remplacement de Jacques Chirac, démissionnaire. Il avait 52 ans.
Un peu plus de trente ans plus tard, alors qu’il est retiré de la vie politique, c’est à un épisode moins glorieux que Raymond Barre doit de renouer avec la notoriété. Le 1er mars, sur France Culture, l’ancien Premier ministre affirme ne pas regretter d’avoir fait de Maurice Papon, secrétaire général de la préfecture de la Gironde de 1942 à 1944, condamné en 1997 pour «complicité de crime contre l’humanité», son ministre du Budget.
Interrogé également sur ses propos tenus en 1980 après un attentat contre la synagogue de la rue Copernic, à Paris («Un attentat odieux qui voulait frapper les juifs et qui a frappé des Français innocents.»), il dénonce «la campagne faite (alors) par le lobby juif le plus lié à la gauche». Avant de décréter que le numéro 2 du Front national, Bruno Gollnisch, condamné pour propos négationnistes en janvier, était un «homme bien».
L’agrégé d’économie et de droit
Raymond Barre, né le 12 avril 1924 à Saint-Denis-de-la-Réunion, est mort samedi matin à Paris. Il avait été hospitalisé en urgence à la veille de son 83e anniversaire à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce, après avoir été transporté depuis Monte-Carlo où il avait été admis pour un malaise. L’ancien Premier ministre souffrait depuis plusieurs années de problèmes rénaux, auxquels s’étaient ajoutées plus récemment des complications cardiaques.
Agrégé de droit et de sciences économiques, Raymond Barre, fils de négociant, entame d’abord une carrière universitaire, mais prend langue assez tôt avec le monde politique. Il devient, de 1959 à 1962, directeur de cabinet du ministre de l’Industrie et du Commerce, Jean-Marcel Jeanneney. Il sera aussi responsable des affaires économiques à la Commission européenne (1967-1973) et membre du Conseil général de la banque de France (1973-1976).
Le Premier ministre de Giscard
En 1976, donc, Chirac rompt avec Giscard, et s’en va fonder le RPR. VGE cherche un Premier ministre au profil moins politique, moins partisan, plus technicien. Ce sera Raymond Barre. Mais le chef de l’Etat a mangé son pain blanc. Les réformes les plus populaires – le droit de vote à 18 ans, la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse – conduites par Chirac, sont derrière lui.
A Raymond Barre reviendra la part la plus difficile du septennat: gérer les conséquences du premier choc pétrolier, le démarrage de l’inflation à deux chiffres, la montée vers le chômage de masse. La page des Trente Glorieuses se referme, Raymond Barre est aux manettes d’une politique d’austérité. C’est en grande partie pour avoir échoué sur le front de l’emploi que Giscard perdra la présidentielle face à François Mitterrand, le 10 mai 1981.
Sur le plan politique, le Premier ministre devra sans cesse affronter l’hostilité de Jacques Chirac auquel, jusqu’au bout, il vouera une rancune tenace au point d’applaudir parfois avec la gauche, à l’Assemblée nationale.
Le candidat à l’Elysée
Car entre-temps, le virus de la politique a saisi Raymond Barre. En 1978, à l’approche des législatives, il annonce avec un air gourmand, lui qui n’a jamais été élu ni membre d’un parti, qu'il va «aller au charbon». Il se présente à Lyon, dans une circonscription acquise à la droite. Il est élu député, le sera de nouveau en 1981 et sans discontinuer jusqu’en 2002. En 1988, le voilà candidat à la présidentielle, soutenu par l’UDF et les centristes – au premier rang desquels François Bayrou. Il est devancé par Jacques Chirac au premier tour (16,5% des voix, contre 19,9% à son rival).
En 1995, à l’approche de la présidentielle, il fait une nouvelle fois mine d’hésiter: y aller, ou pas? «Je n’exclus rien», assure-t-il. Il n’en fera rien, et préfère se présenter aux élections municipales à Lyon. Il sera élu, avant de laisser, un mandat plus tard, les clefs de la mairie au socialiste Gérard Collomb.
Atypique, indépendant, Raymond Barre fut aussi le pourfendeur d’un «microcosme» – il affectionnait l’expression – auquel il a appartenu avec une forme de délectation pendant un quart de siècle. Il bénéficiait d’une indéfectible image centriste, même quand ses propos étaient un mélange de libéralisme et de conservatisme.
François Mitterrand avait salué en lui un «véritable homme d’Etat». Plus récemment, ses propos sur Maurice Papon, le «lobby juif» et Bruno Gollnisch lui ont surtout valu l’opprobre, y compris de ses anciens proches.
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On se bat pour les droits de l'Homme mais on oublie de se battre pour faire respécter ces droits entre nous.