Les expulsions des sans-papiers grévistes de la faim lillois se sont poursuivies hier. Une partie d’entre eux en est à leur 69e jour de jeûne. Deux Marocains ont été ainsi embarqués dans un avion à destination de Casablanca, à l’aéroport Charles-de-Gaulle. Sans consultation médicale, malgré la demande du commandant de bord, ont signalé les soutiens présents.
Le retour, il y a une dizaine de jours, de deux sans-papiers en Guinée, avait donné lieu à une agression surprise qui a été rendue publique hier : les six agents de la Police aux frontières (PAF) qui encadraient les deux hommes ont été molestés à leur arrivée à l’aéroport de Conakry. Il semblerait que des policiers guinéens aient pris fait et cause pour leurs compatriotes. Ils auraient molesté leurs homologues français, qui ont obtenu des incapacités de travail de trois à huit jours. Ceux-ci se verront décerner la médaille «pour actes de courage et de dévouement» par la ministre de l’Intérieur, qui a qualifié les incidents de «parfaitement inadmissibles».
Hier soir, la Guinée a présenté ses excuses, et même le comité des sans-papiers lillois (CSP59) a trouvé l’affaire «déplorable». Le syndicat Unsa-Police appelle, lui, à l’ajournement des reconduites dans les pays «à risques», tandis que l’Elysée assurait qu’on n’arrêterait pas pour autant les expulsions des «étrangers en situation irrégulière». Dix autres Guinéens sont toujours en rétention au Mesnil-Amelot, près de Roissy, en attente de leur départ.
Pendant ce temps, au tribunal de Lille, la préfecture demandait une prolongation de rétention de quinze jours pour 25 sans-papiers. En effet, le délai légal de 48 heures ne suffit généralement pas pour obtenir un laissez-passer du consulat concerné et une place dans un avion en partance.
Mais les juges des libertés et détentions (JLD) ont refusé, en bloc. Ils ont estimé qu’il y avait un «détournement de procédure». En effet, les interpellations dans les campements sauvages devant les hôpitaux ont eu lieu à la suite d’une réquisition du procureur et auraient dû avoir des suites pénales. Or elles n’ont eu pour but que des reconduites à la frontière, un acte administratif. Les juges ont considéré qu’il y avait confusion entre deux pouvoirs, l’administratif et le judiciaire. Tous libérés, donc. Le parquet a fait appel : les 25 ont été reconduits en rétention.
«Il y a tout de même un entêtement étonnant, soit du préfet, soit du parquet», remarque M e Cardon, qui a plaidé la cause des sans-papiers. «Nous en sommes à la quatrième rafle depuis le début de l’été qui utilise la technique de la réquisition, et cela fait quatre fois qu’ils se font retoquer par les JLD.»
Les audiences ont été poignantes, témoigne-t-il. «Les policiers étaient obligés de soutenir les grévistes jusqu’à la barre. Ceux-ci étaient affaiblis, mais conscients.» Une avocate, qui passait dans les couloirs, est encore sous le coup de l’indignation. «Il y en a un, il ne marchait pas, il se traînait. J’ai entendu un policier dire à un autre : Il n’est pas question que je le porte jusqu’aux toilettes. »
Alors que la cause des sans-papiers grévistes semble désespérée, la mobilisation en leur faveur monte en puissance. La gauche du Nord (PS, Verts et PC) s’apprête à interpeller le gouvernement. Ils s’insurgent contre «l’épreuve de force» engagée, et rappellent qu’ils avaient demandé la nomination d’un médiateur, proposition acceptée par le collectif des sans-papiers, refusée par la préfecture.
Samedi, onzième anniversaire de l’expulsion de l’église Saint-Bernard, le 23 août à Paris, une manifestation est programmée à 15 heures place de la République, à Lille, et un concert de soutien devrait se tenir au même endroit mercredi prochain : sont pressentis les groupes Ministère des Affaires populaires, Marcel et son Orchestre et Zebda.
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On se bat pour les droits de l'Homme mais on oublie de se battre pour faire respécter ces droits entre nous.