par biko » Ven Mai 11, 2007 4:21 pm
Salam
Réparer les blessures des victimes fait partie de tout processus de guérison. Les Noirs méritent des réparations pour le double Holocauste (Traite négrière/esclavage et colonisation) qu’ils ont connu. Les Américains et les Européens ne veulent pas en entendre parler. A Durban, les Africains — hommes politiques et société civile soudés comme au bon vieux temps des luttes anticoloniales — ont tenu à en découdre avec eux. Jusqu’à la traîtrise des gouvernements africains, appâtés par un deal léonin des Occidentaux : coopération contre réparations. A la grande colère des réparationistes africains et surtout afro-américains. Qui, depuis Durban, affûtent leurs armes et mobilisent plus largement, galvanisés par l’esprit de Moshood Abiola, le pionnier nigérian de cette cause.
- L’Allemagne a été astreinte à payer 6 milliards de dollars de dédommagement à Israël pour le génocide des Juifs perpétré par les Nazis, alors que cet Etat n’existait pas à l’époque du génocide;
- Le Japon a présenté des excuses pour les atrocités de son armée pendant la seconde guerre mondiale en Asie et accepté de négocier le dédommagement des «épouses de réconfort», esclaves sexuels pour ses soldats;
- La reine Elisabeth II d’Angleterre a consenti des dédommagements aux Maoris de Nouvelle-Zélande dépossédés de leurs terres par les colons britanniques en 1863;
- Le gouvernement australien a accepté la demande de compensations financières pour les mauvais traitements subis par les Aborigènes et l’arrachement à leur famille de 100 000 enfants entre 1910 et 1970;
- Plusieurs Etats occidentaux, dont la Suisse récemment, ont versé des réparations financières pour des spoliations et pour les souffrances des Juifs victimes du nazisme;etc..
Et les Noirs ? Rien à ce jour n’a été effectué pour eux. Ils ont même été ignorés des réparations qui les visaient formellement. Ainsi, en 1847, l’Angleterre n’indemnisera que les propriétaires d’esclaves ayant perdu leurs «biens» lors de l’abolition, pour un montant total de 20 millions de livres sterling de l’époque. Aux USA, la promesse faite par le Congrès en 1865 d’indemniser chaque ancien esclave avec «une mule et 40 acres (16 hectares) de terre» n’a jamais été tenue, alors que, ici aussi, les propriétaires blancs seront largement indemnisés.
Mais un petit rappel quand meme qui sert à mettre de la beaume au coeur:Washington, 27 septembre 1990. Devant un groupe d’Africains américains réunis sous les auspices du Black Caucus, le groupe de pression des parlementaires noirs au Congrès, un millionnaire nigérian, Chief Bashorun Moshood KO. Abiola prononce un discours qui fera date. Avec une forte charge émotionnelle, il énonce les raisons historiques, légales et morales de la demande des réparations. Trois mois plus tard, le mouvement est lancé à Lagos, à la première «Conférence mondiale sur les réparations à l’Afrique et aux Africains de la Diaspora», devant un aréopage de personnalités politiques et scientifiques, dont le président Babangida, devenu un ardent partisan. En plus de poser les jalons des revendications ultérieures, cette conférence assimile pour la première fois la traite et l’esclavage des Noirs ainsi que la colonisation de l’Afrique à un double «Holocauste».
Tout s’emballe dès ce moment. Les réparations deviennent un sujet majeur dans les débats aussi bien intellectuels que politiques. Après avoir gagné à sa cause la classe politique nigériane, Abiola réussira à décider l’OUA à inscrire officiellement à l’ordre du jour du dialogue international la question des réparations, lors du sommet des chefs d’Etat de juin 1991 à Abuja (Nigeria).
A la tête d’un conglomérat de sociétés au Nigeria, dont le groupe de presse Concord et la compagnie aérienne privée de même nom, Abiola ne va pas seulement se contenter d’investir ses millions dans une cause peu rentable et que même les intellectuels du continent n’avaient pensé porter. II cherchera également à s’impliquer dans l’action politique. Arrivé largement en tête, lors des élections organisées par le général Babangida en 1993, il n’assumera jamais son mandat. Ecarté par le coup d’Etat immédiat du général Sani Abacha, Abiola va croupir en prison de 1994 jusqu’au décès d’Abacha en 1999, où le retour du pouvoir aux civils est à nouveau envisagé. Mais le jour de sa libération, il est étrangement foudroyé par une crise cardiaque.
Le ressentiment des Noirs est d’autant plus grand que leur lutte prend largement pour référence celle des Juifs, sans en faire un modèle qui les enfermeraient. Or, la perception des deux holocaustes (juif et noir) autant que de l’antisémitisme et du racisme anti-Noir est très différente dans le monde occidental, malgré plusieurs points communs. On peut même parler ici de deux poids, deux mesures.
La question des réparations est une illustration de l’asymétrie qui frappe le racisme anti-Noir face à l’antisémitisme. Lors de l’affaire des fonds juifs en déshérence, en Suisse, le gouvernement américain ira jusqu’à mettre à contribution sa haute administration. Stuart Eizenstat, spécialement détaché à cette tâche, plaide aujourd’hui contre la recevabilité des demandes des Noirs, comme l’ensemble du camp occidental, les USA en tête.
«La Suisse n ‘a pas à donner de leçons aux autres Etats», justifiera avec une soudaine humilité un membre de la délégation à Durban. Sourde à ses communautés noires qui, dans un Déclaration faite après des assises contre le racisme tenues le 23juin2001 à Berne, l’ont appe1é à jouer un rôle éminent de médiateur en tant que nation non négrière ni coloniale, la Suisse «neutre» préférera s’aligner sur les positions de l’Union européenne. Sans aucune réserve.
«Nous devons œuvrer à orienter la Conférence vers l’avenir ; plutôt que vers le passé». Telle est en substance la position américaine, qui cherche à privilégier les problèmes que posent aujourd’hui l’esclavage actuel ou les pratiques semblables. Lors d’un entretien en juin 2001 avec Mary Robinson, la Haute- Commissaire de l’ONU pour les droits de l’Homme et en charge de la Conférence, le secrétaire d’Etat Colin Powell n’a pas mâché ses mots : «Il est hors sujet que la question des réparations soit à l’ordre du jour à Durban». D’autres officiels renouvelleront les mêmes exigences. Surtout, des Noirs prendront le relais.
Car l’Africain américain Powell, suivi depuis par le Ghanéen Kofi Annan, qui semble n’avoir rien retenu de sa bourde rwandaise de 1994, n’est pas le seul Noir à ruer contre les positions des réparationnistes. Prisonniers de leur logique d’aide, les Etats africains vont se laisser appâter par les promesses de contributions plus importantes des Occidentaux, notamment pour le financement du NEPAD, sans succès du reste.
En conclusion nos chefs d'etats sont des piegeons,nul ne l'ignore d'ailleurs et c'est ça qui est marrant dans l'histoire de l'Afrique.
On se bat pour les droits de l'Homme mais on oublie de se battre pour faire respécter ces droits entre nous.