Il rêvait de ça. C’est enfin arrivé, hier, à Addis-Abeba, en Ethiopie. Le « roi des rois traditionnels d’Afrique » accessoirement maintenant, président de la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste, Mouammar Kadhafi, l’ami de Nicolas Sarkozy, a pris lundi, 2 février 2009, la tête de l’UA (Union africaine). Il exercera cette présidence durant un an. Ceci lui permettra de mettre en exergue, sa vibrante volonté de mise sur pied des Etats-Unis d’Afrique qu’il appelle de tous ses vœux depuis belle lurette. Après des années d’isolement, le retour pétaradant du leader libyen -père du « livre vert » qui jeta les bases de sa gouvernance-, sur la scène internationale, choque, détonne, énerve, voir plus. Mais, le charisme indéniable de l’homme à la tente, bédouin respecté, semble courroucer ses homologues africains, prêts à bouffer dans tous les râteliers occidentaux, pourvu qu’ils gardent le pouvoir, malgré le mépris dont ils sont victimes de la part des anciens colons, de Paris à Bruxelles, en passant par Londres.
Les ennemis de Mouammar Kadhafi, se comptent étrangement beaucoup plus, du côté de l’Afrique, qui souffre visiblement d’un problème de leadership. Du moins, en ce qui concerne les dirigeants, contrairement aux peuples, aussi bien noirs qu’arabes, de toute l’Afrique, qui trouvent en lui, un héros. Les pseudo-leaders africains, estiment que le Colonel Kadhafi est un mauvais exemple pour leur continent. Pour eux, il n’y a pas de plus mauvais exemple que lui au moment où l’Afrique vit les derniers soubresauts des pouvoirs dictatoriaux, se réhabilite, prend conscience peu à peu de ses capacités et de ses valeurs morales, en entrant cahin-caha dans la démocratie. Mais, des exemples comme la Mauritanie ou la Guinée où deux coups d’états viennent d’avoir lieu ne sont pas vraiment là pour rassurer…
Arrivé au pouvoir dès 1969 à la suite d’un coup d’Etat « pacifique », le jeune militaire, officier de 27 ans, avait déposé le roi Idriss 1er, sans effusion de sang. Depuis, il dirige son pays d’une main de fer. La Libye est tellement riche en pétrole que, la cupidité occidentale a fait donc revenir le pestiféré d’hier, dans le concert des nations. Lui, qui fut longtemps considéré à tort ou à raison comme terroriste, notamment avec les attentats de Lockerbie, en Ecosse, où périrent 295 personnes du vol de la Pan Am, ajouté aux 11 personnes qui périrent au sol, ou celui du désert du Ténéré avec le vol 772 UTA d’un DC10, qui fit 170 tués, attribués à la Libye. Qu’à cela ne tienne, le « roi des rois traditionnels africains » est là, bel et bien là. Je vous fais grâce de l’épisode des infirmières bulgares et du médecin bulgare d’origine palestinienne.
Son arrivée à Addis-Abeba a créé l’émoi. Théâtralité, mise en scène sortie de derrière les fagots, tintamarre, ses belles amazones veillant au grain et tutti quanti, le décor était planté. Les regards narquois et d’hilarité se confondaient avec ceux teintés d’admiration. Les indignations n’étaient pas loin. Mouammar Kadhafi a débarqué en grande pompe, accompagné d’un groupe de chefs traditionnels africains, au nombre de 7, vêtus de leurs tenues folkloriques bigarrées. Le protocole a eu du mal à les installer, d’autant plus que les chefs d’Etats n’avaient droit qu’à 4 places, pour les personnes dans leur entourage.
Sachant que le leader libyen, allait probablement gagner cette présidence, aucun chef d’Etat d’Afrique du nord, n’a trouvé bon de se déplacer dans la capitale éthiopienne. Le Colonel Kadhafi n’a jamais été tendre avec ses homologues arabes africains, ceux du Maghreb et de l’Egypte entre autres, qu’il rend responsable de l’échec du panarabisme. C’est ainsi qu’il s’est tourné vers l’Afrique noire, en espérant qu’il pourra mettre à l’œuvre son fameux Gouvernement africain, décliné en un seul Etat, les Etats-Unis d’Afrique. Rêve, chimère, sans doute, quand on sait l’amour immodéré, l’attraction qu’exerce pouvoir, auprès des dirigeants africains.
Malgré les cris d’orfraie, Mouammar Kadhafi avance. Cette élection suscite tellement d’enthousiasme chez les africains que, les artistes qui chantaient déjà les louanges du leader libyen, vont redoubler d’effort. Mais, malgré sa bonne volonté d’unir l’Afrique sous influence perpétuelle et la couardise, peut-il en à peine un an de présidence de l’UA, réussir son pari ? C’est moins sûr, voir impossible, compte tenu de la gabegie galopante du berceau de l’humanité, mère de toutes les civilisations, qu’est l’Afrique... Après avoir accepté devant ses pairs cette « promotion », ironisant, le Colonel Kadhafi a déclaré : « Je pense que la prochaine fois, il sera temps de passer aux choses sérieuses, le temps de l’action véritable, loin des paroles vaines. »
En définitive, peut-être que si tous les dirigeants africains étaient fiers comme l’est le Guide libyen, l’Afrique n’allait pas être aussi méprisée qu’elle est aujourd’hui. Malgré le fait qu’elle est incontournable dans tout, sans exclusive, sur les matières premières notamment, il est assez paradoxal que ce soit toujours le continent le plus pauvre. En publiant en 1966, “l’Afrique noire est mal partie”, René Dumont, avait vu juste.