Faux halal. Vouloir manger halal et refuser le faux halal nuit gravement au business florissant de nombre d’acteurs économiques. En Nouvelle-Zélande, un ancien sacrificateur fait l’objet d’une enquête des services secrets pour avoir… écrit un texte où il raconte comment on commercialise de la viande non halal à destination des pays musulmans.
Vendre du faux halal n’est plus une sinécurePendant des années en France, la communauté musulmane était essentiellement constituée d’immigrés pour la plupart illettrés ou analphabètes. Longtemps bercés par le mythe du retour, ces migrants faisaient tout pour ne pas faire de vagues, acceptant avec une certaine fatalité vexations et humiliations en courbant l’échine. Ils n’étaient pas “chez eux” et ne pouvaient, pensaient-ils, rien faire. Aujourd’hui, leurs enfants sont de bons petits Français qui sont chez eux et qui en bons petits Français tiennent farouchement à ce que leurs droits soient respectés. La France a en effet ceci de précieux que, même s’il peut arriver qu’on marche sur vos droits, il vous est toujours possible de les défendre d’une manière ou d’une autre. Ce qui n’est pas du goût de tout le monde. Ici comme ailleurs, on n’aime pas les voix discordantes. Ici comme ailleurs, on essaie de les faire taire. Notamment par l’intimidation, comme c’est le cas de Ahmed Ghanem, criminalisé parce qu’il a osé écrire un texte dénonçant le faux halal dans l’industrie néo-zélandaise. Le malheureux a désormais les services secrets sur le dos.
Vouloir manger halal dérangeLes services secrets de Nouvelle-Zélande enquêtent donc sur Ahmed Ghanem. Son crime : ancien sacrificateur dans l’industrie de la viande, il a écrit un texte dans lequel il témoigne et dénonce les méthodes d’abattage. Il n’a pas menacé de faire sauter tous les usines de volailles du pays, ni empoisonner toutes les bêtes destinées au marché musulman. Non, il a simplement écrit un texte dans lequel il explique que les méthodes d’abattage en pratique en Nouvelle-Zélande sont en totale contradiction avec ce qu’exige l’islam. Mais au royaume de la viande halal, toute vérité n’est pas bonne à dire.
Ahmed Ghanem raconte que, lorsqu’il était en poste, dans les chaînes d’abattage, il a vu de nombreuses bêtes lui arriver déjà mortes avant même qu’il ne puisse procéder au sacrifice. “La plupart des animaux avaient une odeur de chair brûlée et de laine brûlée”, précise-t-il. Et elles saignaient de la gueule et du nez. La raison : chaque animal est préalablement électronarcosé avant abattage. Pour endormir la bête et pour lui éviter la souffrance (sic), on l’électrocute en lui envoyant une décharge de courant électrique au niveau de la boîte crânienne. C’était donc des cadavres qui lui arrivaient, et évidemment de la viande impropre à la consommation (en islam, la charogne est illicite). Ahmed Ghanem, en défenseur du halal, a ainsi voulu mettre en garde les musulmans du monde entier contre ces pratiques en totale contradiction avec leurs principes.
Voilà donc ce qui vaut à ce pauvre homme d’avoir les services secrets sur le dos, qui enquêtent sur son cas… Extraordinaire n’est-ce pas ? Selon le site Stuff.co.nz, Michael Pran, haut responsable de l’industrie agro-alimentaire, craint qu’Ahmed Ghanem n’incite “les États musulmans comme la Malaisie et l’Indonésie à envoyer des inspecteurs pour examiner les pratiques néo-zélandaises”. Et d’ajouter que ce dernier “pourrait effrayer” les musulmans et nuire à l’industrie. En clair, si les musulmans venaient à découvrir qu’on leur vend de la viande non halal, les conséquences pour les marchands du faux halal seraient catastrophiques.
Intimider plus pour gagner plus : une stratégie suicidaire pour l’industrie agro-alimentaire
Que l’industrie agro-alimentaire veuille faire ses choux gras et occuper le marché du halal, c’est de bonne guerre. Le business-halal est florissant et prometteur. Ce qui est en revanche moins acceptable, c’est qu’elle veuille faire taire les voix discordantes. Disons-le clairement : il est aujourd’hui insupportable pour l’industrie agro-alimentaire que des musulmans exigent qu’on ne leur vende que du vrai halal et non du faux halal maquillé. Insupportable, car, le faux halal étant dans les faits la norme, une prise de conscience étendue à toute la communauté musulmane sonnerait comme un désastre pour l’industrie agro-alimentaire. Il lui faudrait se mettre aux normes et donc prendre en compte de nouvelles contraintes, et donc allonger les temps de productions, et donc investir plus d’argent, et donc perdre de l’argent. D’où l’impérieuse obligation de fermer le clapet aux détracteurs, fussent-ils dans leur droit.
C’est pourtant là une très mauvaise méthode. Vouloir museler un simple citoyen parce qu’il ose défendre un point de vue n’est pas des plus heureux. C’est même catastrophique pour l’image de l’industrie agro-alimentaire. La liberté d’expression est si chère à chacun que le pitoyable spectacle de Goliath voulant écrasant David est l’une des pire publicités que peuvent s’offrir les mastodontes engagés dans le marché du halal. A contrario, c’est un formidable coup de projecteur pour les défenseurs du vrai halal. Surtout à l’heure où l’information circule à une vitesse folle, où l’actualité du halal est riche et récurrente et dans un contexte qui veut qu’aujourd’hui les consommateurs musulmans sont de plus en plus nombreux à exiger qu’on les respecte. Sans parler de ce à quoi fait écho dans l’inconscient collectif ce genre d’intimidations : prison pour des blogueurs en Chine, en Egypte, en Birmanie. Messieurs de l’industrie agro-alimentaire, si vous voulez vous mettre une balle dans le pied, n’hésitez donc pas à vous en prendre à toute voix qui ose défendre le halal.
Non, décidément non. La Nouvelle-Zélande a eu une bien mauvaise idée en criminalisant Ahmed Ghanem (en France, on est à peine mieux logé. Croyez-moi
).
Pour lire son texte : First hand account if Slaughthouses in New Zealand
Soutenez Ahmed Ghanem en lui envoyant un mail à l’adresse suivante :
[email protected]http://www.al-kanz.org/2008/12/11/faux- ... imentaire/