« La plupart des Africains sont incultes et ignorants »
Mercredi 04/06/2008 | Posté par Adrien Chauvin
L'association « Mieux Vivre là-bas », financée entre autres par la mairie de Chauvy, s’est donné pour mission discutable de civiliser l’Afrique et de la guérir de ses « maux ». Adrien s'est procuré son rapport.
«
Si tu dois aider quelqu’un à se nourrir, montre lui comment fabriquer une canne à pêche, mais ne lui donne pas le poisson, […] tu viens de le tuer en le rendant dépendant. Du stade de la pauvreté, il est devenu misérable. » Tel est le précepte de Jean-Louis, président d’une association humanitaire « œuvrant » au Sénégal. En 2003, une équipe de philanthropes éclairés fonde « Mieux Vivre là-bas », qui a son siège en Poitou-Charentes. L’année suivante, son président et trois membres entreprennent une expédition « ethnographique à but civilisateur » bien qu’il préfère le terme de « pédagogique ».
Lors de ce séjour, ou plutôt cette « mission », qui sera consignée dans un rapport d’une trentaine de pages, l’équipe a parcouru de nombreux villages. Au programme : sensibilisation des populations à leurs problèmes et présentation des solutions. Dans un premier temps il a fallu à l’équipe réaffirmer le principe fondateur de l’association : « aider sans assister ». « Nous ne devons pas être des toubabs-cadeaux », un toubab étant «
un Blanc européen, riche, patron, jamais malade, qui donne sans compter son argent et plus, pour se donner bonne conscience ».
Tous les matins, l’équipe réunissait les habitants autour du chef du village, de l’instituteur et du guide-traducteur qui les accompagnait. Le président a rapidement fait un rappel à l’ordre pour obtenir l’attention de tous : «
Comme jusque-là, les rendez-vous n’étaient pas trop précis, j’ai expliqué que nous sommes là pour les aider, pour travailler, évoluer, alors il faut commencer à être à l’heure. » Ces réunions pédagogiques sous 35°C avec tous les villageois ont pour but premier de « r
ompre avec l’ignorance et ses très mauvaises traditions qui empêchent toute évolution de l’esprit, tout développement de la conscience humaine… » Toute relation avec l’anthropologie et les sciences positives du XIXe siècle serait fortuite, rassurez-vous nous sommes en 2008.
Le mariage précoce est un exemple de ces « mauvaises traditions qui engendrent l’ignorance ». Certes. Mais Jean-Louis affirme que les relations hommes-femmes sont difficiles, souvent « haineuses », car la femme peut faire de la résistance au mari. «
Par exemple, il lui arrive comme à beaucoup d’hommes "normaux" de ne pas être en bonne disposition pour accomplir sa pénétration quotidienne. Là, son épouse du soir profite de cette occasion pour obtenir une petite gratification, un peu d’argent pour acheter du tissu ou autre chose […] pour que son épouse ne raconte à personne sa panne d’érection… » Mais elle va encore plus loin pour avoir de l’argent : « Comment croyez-vous qu’elle fait ? Elle se prostitue ! » Qu’importe puisque de toute façon, affirme le président de Mieux vivre là-bas, «
le terme de plaisir [sexuel] ne les concerne pas ».
À grand renforts d’analyses d’ONG (lesquelles ?), Jean-Louis et sa fine équipe expliquent dans chaque village le pourquoi de leur pauvreté. Celle-ci trouve sa raison dans la tradition comme il ne cesse de l’expliquer, l’excision, la non-scolarisation des enfants, l’éducation…et encore, il ne veut pas parler de la religion car il juge la chose plus délicate. «
La plupart de ces Africains sont incultes, ignorants, un peu sauvages encore sans doute, mais ils sont heureusement pacifiques, respectueux. On peut penser que la tradition, la religion a du bon car il me semble avoir compris que "c’est ce qui les retient de ne pas se révolter contre les Blancs riches qui les exploitent toujours, qui les humilient en permanence, obligés qu’ils sont d’accepter toutes ces brimades quotidiennes pour gagner ‘3 francs, 6 sous’. Il ne peut pas y avoir une conversation, une relation sereine, désintéressée entre un Noir et un Blanc". »
L’équipe de Mieux Vivre là-bas n’a pas seulement débarqué au Sénégal avec une ignorance (pour rester poli) sans bornes mais ils ont aussi apporté des solutions en adéquation. « Ne pas être un Toubab-cadeau », oui mais alors comment faire ? Il suffit pour cela d’encourager les projets et, dans ce cas, l’association généreusement consent à un prêt financier. Mais pour cette œuvre de bienfaisance « le taux d’intérêt est de 5 % ». Il faut aussi mettre en place un budget prévisionnel « qui vous servira à juger de vos capacités de remboursement et donc de la réussite de votre projet ». Ce microcrédit sert donc à financer des projets que l’association juge viable. Par exemple, en pleine région musulmane ils n’ont rien trouvé de mieux que d’encourager deux cousins à élever des poules « et pourquoi pas 1 ou 2 cochons », parce « qu’il y a des catholiques dans la région ».
À la fin du rapport – quand on parvient à le finir –, le président, pris peut être de fatigue, part dans des considérations « ethno-géographiques » tout aussi pertinentes les unes que les autres. Nous apprenons ainsi que «
les Sérères [vivant au Sud de Dakar] sont des gens sérieux, on peut compter sur eux à la différence des Wolofs. Les Wolofs sont des malins rusés. Les Mandingues, dans la région de Tambacounda sont fainéants. Les Peuls, historiquement des nomades, tricheurs, voleurs… Attention, c’est ce que l’on entend dire, c’est certainement faux [Ouf !], mais c’est comme chez nous, on peut faire une différence de comportement entre le parisien, le corse, le breton, le basque, etc. »
L’association, depuis la date de ce rapport, a effectué de nouveaux séjours en Afrique. Après tout, elle est reconnue dans son statut comme « d’intérêt général », financée par des cotisations d’adhérents, des microcrédits et des fonds publics, ceux de la maire de Chauray, où l'association a son domicile. Jointe par téléphone, la comptable de la maire affirme que Mieux Vivre là-bas reçoit une subvention publique au même titre que les autres associations de la commune. Combien d'argent exactement ? L'employée communale n'a pas souhaité répondre à cette question.
Les colonies ont toujours constitué un formidable terrain de jeu pour les philanthropes de tout poil : «
La colonisation est un phénomène qui s’impose car il est dans la nature des choses que les peuples arrivés à son niveau supérieur d’évolution se penchent vers ceux qui sont à son niveau inférieur pour les élever jusqu’à eux » (Paul Reynaud, ministre des Colonies en 1931).
Adrien Chauvinhttp://20minutes.bondyblog.fr/news/la-p ... -ignorants