Un Guinéen rapatrié de Tel Aviv raconte « l’enfer des Africains dans l’Etat hébreu », l’ambassadeur d’Israël à Dakar dément
Alors qu’au niveau international, on ne cesse de parler des progrès accomplis par Israël, ce pays du Proche-Orient situé sur la côte orientale de la Méditerranée. « Terre promise », des Africains en quête d’eldorado, n’ont pas hésité à s’y retrouver pour changer de monde, à défaut de changer le monde. Mais en lieu et place du miracle attendu, ils ont eu droit à un mirage. Ferloo.com a recueilli pour vous, dans les couloirs de l’aéroport international de Addis Abéba, le témoignage d’un jeune guinéen aux poches trouées et rapatrié de Tel Aviv, après un séjour de 6 mois dont quatre en prison. Il est venu dans la capitale éthiopienne avec 4 Nigérians, 2 Ghanéens, 2 Maliens et 4 Thaïlandais (2 femmes et 2 hommes). Récit de Ousmane Fasso Honomou !
Le visage noir, les yeux rouges, ce jeune homme, vêtu d’un pantalon jean et d’un body blanc laissant découvrir ses muscles bourgeonnant et au commerce agréable, s’appelle Ousmane Fasso Honomou. « Je suis de Nzérékoré, une localité de la Guinée forestière. Jamais, je n’ai imaginé que les Israéliens pouvaient être aussi brutaux. Arrivé il y a 6 mois dans ce pays, je pensais y trouver fortune et développer mon terroir aujourd’hui en crise, mais erreur. Je n’ai été libre que 2 mois durant. Au cours de ce temps, j’étais technicien de surface, c’est-à-dire que je balayais les toilettes de certains services. Du 16 mars au 27 mai 2008, je suis en prison ». Il brandit une carte sur laquelle est inscrit un numéro et sa photo. Le reste est écrit en hébreu. « C’est ma carte de prison (voir photo), dit-il.
Par euphémisme, les Israéliens parlent de camp de réfugiés, à quelques kilomètres de Tel Aviv. C’est loin d’être un camp de réfugiés, car vous ne pouvez pas vous ouvrir la porte de l’intérieur où vous êtes enfermé. Il faut l’aide de quelqu’un de l’encadrement qui vous ouvre à partir du dehors. Et nos lits superposés finissent par convaincre les autres encore sceptiques de leur état de prisonniers ». Très énervé, Honomou dira : « Les policiers ne cessaient de nous brutaliser. Ils nous réveillaient le matin de bonheur pour nous frapper après nous avoir menotté les jambes et les mains. Je ne me suis libéré de mes menottes que quand on m’a annoncé mon rapatriement pour la Guinée. Sinon les moments où je m’affairais à la distribution des repas. Et ce qui est marrant est qua quand on travaille, on ne perçoit pas le fruit de son labeur, mais on vous demande de le consommer. Ainsi, après avoir travaillé, on vous propose des cigarettes, du savon ou des produits cosmétiques pour recouvrer votre argent ».
Entre deux bouffées de cigarettes, le Guinéen qui dit n’être revenu qu’avec un billet de 100 dollars ne finit pas de dire sa déception de l’Etat sioniste. A l’en croire : « Ils arrivent toujours à montrer qu’ils sont gentils et victimes des Arabes. C’est faux, c’est un peuple trompeur qui n’a aucun respect pour les Noirs en général et Ouest-africains en particulier. La rengaine que l’on y entend à tout moment, c’est celle-là : Nous n’avons besoin d’ouest-africains sur nos terres. Restez chez vous ». Toujours selon Honomou : « Nous sommes plus de 1360 répartis entre 6 camps, dont 2 pour les filles et 4 pour les garçons. Sans parler des 900 prisonniers africains de Ramla. Moi, j’étais Shewish (Chef de cuisine). Il y avait même un jeune sénégalais du nom de Saliou dans mon équipe.
Cependant, récemment, il a été sanctionné après avoir contesté et protesté contre le traitement dont il était victime. Pire, il arrive que des prisonniers sanctionnés soient envoyés dans les camps de réfugiés pour travailler, mais sans recevoir en échange le fruit de leur travail. Et cela, devant le Haut Commissariat aux réfugiés (Hcr) et les Nations unies, silencieux. Actuellement, il y a un Burkinabé qui a passé 1 an et 8 mois à la prison de Ramla, avant de venir faire 8 mois dans le camp des réfugiés. Un de mes compatriotes guinéens a été rapatrié sans son épouse et ses enfants. L’autre grand problème que nous avons dans les camps, c’est que nous ne pouvons pas appeler en dehors d’Israël. Et même là, c’est nous qui appelons. Mais personne ne peut nous appeler. On a mis un téléphone fixe à notre disposition et on nous demande d’appeler en Pcv (c’est l’appelé qui paie) nos parents et amis de Tel Aviv ou d’ailleurs, en Israël. Quand nous avons compris que c’était une manière de repérer les autres, nous ne téléphonions plus ».
Honomou dénonce la bouffe aussi. Selon lui : « On mange mal et peu. Mais le plus dur reste la maladie. On n’a pas le droit de tomber malade dans ces lieux. Les comprimés sont donnés en quotas de 2 par personne. Et comme si cela ne les suffisait pas, ils ont deux auxiliaires de justice qui vous disent deux choses : rentrez chez vous ou vous mourrez en prison ! C’est le conseil qu’il sert aux prisonniers. Notre chef de prison, même si eux préfèrent dire camp de réfugiés, s’appelle Odeth. Les horaires d’information à la télévision sont bien organisés. De 7 à 8 heures, c’est le français avec les francophones. De 8 à 10 heures, c’est le Soudanais. De 10 à 12 heures, c’est l’Erythréen ».
A Dakar, nous avons tenté de joindre l’ambassadeur d’Israël au Sénégal. On nous fera d’abord comprendre qu’il n’est pas sur place, avant que son chargé de communication, Paul Mendy, ne soit autorisé à nous donner la version officielle de cette représentation diplomatique. Selon notre confrère : « L’ambassadeur dit qu’il y a un véritable problème de gestion de l’émigration clandestine en Israël. Selon lui, chaque jour, plus de 10 000 personnes tentent de passer par la frontière avec l’Egypte. La majorité de ces gens sont des Africains de l’Est. Entre janvier et mai 2008, dit son Excellence, il y a eu plus de 10 000 Africains de l’Est en Israël contre 7000 en 2007. C’est vraiment un problème ».
Et Mendy de s’interroger avant de répondre à sa propre question : « Que fait Israël ? Il arrête les gens sans papiers et les met dans des centres d’accueil où des Ong les prennent en charge. Il y a également l’Onu parmi ceux qui les aident. Toutes ces personnes sont traitées avec dignité. Même si compte tenu de leur nombre, il peut y avoir des débordements, il n’y en a pas encore eu. On les interroge pour savoir à qui on a affaire, puisque parmi elles, il y en qui cherchent du travail et d’autres qui se veulent des demandeurs d’asile politique ».
A en croire Mendy : « L’ambassadeur dit aussi qu’il y a des gens, sachant qu’ils vont être rapatriées disent du n’importe quoi sur notre pays. Mais ce n’est que médisance. Ces personnes mal intentionnées véhiculent de fausses informations sur notre pays. Mais en vérité, il n’y a aucun policier dans les camps d’accueil. Encore moins dans les camps d’absorption qui sont destinés exclusivement à des juifs éthiopiens (les Fellachas : Ndlr) en train de subir la formation nécessaire pour intégrer la société hébraïque. Récemment, nous avons envoyé 6 journalistes sénégalais pour s’imprégner de la réalité. Ils sont revenus hier, vous pouvez les approcher, ils vous diront ».
AD/FC
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