L’utilisation des langues européennes comme vecteur d’enseignement freine le progrès de l’Education en Afrique. La position du consultant britannique John Clegg, exprimée mercredi, à Addis-Abeba, au cour de la septième Conférence internationale sur les Langues et le Développement est un plaidoyer pour la promotion du bilinguisme dans l’éducation.
M. Clegg, spécialiste de l’enseignement pédagogique et de l’élaboration des politiques dans le domaine de l’Education par le biais de l’anglais en tant que langue secondaire dans les écoles primaires et secondaires, a insisté sur la nécessité de mesures susceptibles de promouvoir le bilinguisme dans le secteur éducatif.
S’exprimant à l’occasion de la septième Conférence internationale sur les Langues et le Développement, M. Clegg a reconnu qu’il faudra du temps pour instaurer le bilinguisme dans l’Education et a lancé un appel aux organismes de développement pour leur demander d’oeuvrer activement à sa promotion. "Il faut que les gouvernements lancent des expériences hautement visibles dans le domaine de l’éducation bilingue et envisagent de l’étendre plus largement", a-t-il suggéré.
Une conférence inédite en Afrique
Cette conférence, qui se tient pour la première fois en Afrique, regroupe une large gamme de participants issus de toutes les parties du monde. Elle a pour but d’offrir un cadre pour l’examen des importantes questions touchant à la politique linguistique, aux apprentissages et à l’enseignement des langues dans le contexte du monde en développement ; Elle se fonde sur le point de vue des décideurs, des éducateurs spécialisés en langues et en alphabétisation, des experts des questions de développement et des donateurs.
Pendant cette rencontre de trois jours, les participants se pencheront essentiellement sur les relations conjuguées des langues dans l’identité interpersonnelle et institutionnelle, l’éducation et la politique linguistique de certaines sociétés multiculturelles.
M. Clegg a déclaré au cours de la conférence, que l’utilisation des langues européennes comme vecteur d’enseignement a eu un effet négatif sur les résultats scolaires en Afrique subsaharienne. "L’éducation dispensée par le biais d’une seconde langue réussit dans certaines conditions qui ne sont malheureusement pas réunies en Afrique subsaharienne (...) En revanche, l’Education dispensée par le biais des langues européennes réduit les niveaux de réussite individuelle et scolaire", a-t-il encore noté.
Impact positif des langues maternellesTout dernièrement, M. Clegg s’est occupé de la formation des enseignants d’Afrique du Sud, d’Ethiopie et de Tanzanie utilisant l’anglais comme langue étrangère. Il collabore actuellement avec l’Université de Bristol et l’Institut de l’Education de Londres. De son point de vue, les gouvernements et les organismes d’assistance ne disposent pas de connaissances suffisantes sur la question des vecteurs d’enseignement en Afrique.
"Le débat sur les vecteurs d’instruction est limité et dispose de peu d’éléments (...) Le débat sur l’élaboration des politiques évite de s’arrêter sur les effets limitants, sur les résultats de l’enseignement dispensé par le biais des langues européennes (...) Les populations sont informées des choix linguistiques au niveau de l’école, [tandis que] l’enseignement pédagogique passe sous silence les questions touchant au vecteur d’instruction", a-t-il ajouté.
L’exemple de l’EthiopieEn ce qui concerne l’impact de la langue maternelle sur les résultats académiques, l’universitaire éthiopien, Teshome Nekatibeb, a indiqué que les apprenants ayant fait leurs études dans leur langue maternelle enregistraient de meilleurs résultats que ceux ayant fait leurs études en anglais. Selon M. Nekatibeb, il ressort d’une enquête réalisée dans 372 écoles primaires d’Ethiopie que la correspondance entre la langue maternelle et la langue d’enseignement est le facteur de réussite le plus déterminant pour les apprenants. "C’est à la suite de cette constatation qu’il avait été recommandé l’usage de la langue maternelle comme vecteur d’instruction en Ethiopie", a-t-il encore mentionné.
La majeure partie des pays d’Afrique subsaharienne renferme une variété d’ethnies et de langues et les questions linguistiques jouent un rôle crucial dans la construction nationale. La Conférence sur les Langues et le Développement se tient tous les deux ans dans des pays différents. Elle est organisée à titre volontaire par des institutions ou des organisations ayant un intérêt direct pour les questions touchant aux langues et au développement. Cette série de rencontres avait démarré à Bangkok, en 1993, et elle s’était ensuite tenue à Bali (1995), à Langkawi (1997), à Hanoï (1999), à Phnom Penh (2001) et à Tachkent (2003).
Les pays africains suivants sont représentés à cette rencontre : Botswana, Cameroun, Ethiopie, Egypte, Soudan, Nigeria, Tanzanie, Sierra Leone, Afrique du Sud, Kenya, Namibie, Sénégal, Malawi, Ouganda et Zambie.
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