Si j'étais Sarkozy, je me méfierais du fait qu'il s'imagine être arrivé à contrôler Mouammar Kadhafi. Personne n'a jamais réussi, ni d'un côté de la Méditerranée, ni de l'autre, encore moins outre atlantique, à le contrôler. C'est d'ailleurs ce qui fait son charme, à l'ère de la mondialisation où tout le monde doit penser et agir pareil. Il amène un air différent, souvent incompréhensible, mais authentiquement africain. Il l'a largement démontré lors de son court discours (qui d'ordinaire dure deux heures) où il s'est adressé auxnoirs et également aux jeunes des banlieues leur demandant de se rassembler, plutôt que de brûler des voitures.
Y aurait-il deux sensibilités dans l'aile pro-israëlienne de la classe dirigeante française : l'une moralisatrice et l'autre plus sensible aux intérêts des milieux d'affaire nationaux ? L'une serait incarnée par les dirigeants du Parti socialiste (dans l'opposition) et Bernard Kouchner (au gouvernement), l'autre, par l'UMP et Nicolas Sarkozy.C'est l'impression que donnent les réactions à la venue du président libyen Muammar Kadhafi en France. Alors que le président libyen devait rencontrer le président de l'Assemblée nationale, les députés socialistes ont refusé de l'accueillir.
Sur la radio
communautaire juive RCJ, le numéro un socialiste François Hollande s'est insurgé contre des propos de Nicolas Sarkozy se disant à Lisbonne "très heureux" d'accueillir son homologue libyen. Il "sera donc'est très heureux de recevoir un dictateur", un "dictateur qui s'est compromis dans des actes terroristes", a déploré M. Hollande, un "dictateur qui justifie encore aujourd'hui le terrorisme", "qui vient ici avec'est ses pétrodollars acheter des armes". Sur Canal +, l'ex-candidate Ségolène Royal a jugé "tout simplement odieux, très choquant, même inadmissible que la France aille cautionner un système de tortures en prison". "Faut-il se mettre à genoux devant les intérêts financiers?", a-t-elle demandé (AFP 9 décembre 2007).
Au sein du gouvernement, le ministre des affaires étrangères issu du PS Bernard Kouchner s'est dit "résigné" à la venue du dirigeant libyen (AP 10
décembre), et n'a pas désapprouvé les propos de Rama Yade, la secrétaire d'Etat aux droits de l'Homme UMP, qui avait déclaré à propos de la visite du chef d'Etat libyen: "
Notre pays n'est pas un paillasson, sur lequel un dirigeant, terroriste ou non, peut venir s'essuyer les pieds du sang de ses forfaits". (Ce qui n'est pas un signe d'une grande cohésion gouvernementale sur la question).
Toutefois s'agissant du PS et de Bernard Kouchner dont la sympathie pour Israël est connue (voir sur le long terme
http://pagesperso-orange.fr/shalom-salam/ps.htm, et pour la période récente divers articles de
http://atlasalternatif.over-blog.com/), il n'est sans doute pas anodin que leur position coïncide avec'est celle du
Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) - une institution qui défend les intérêts d'Israël en France. Celui-ci rappelle dans un communiqué du 10 décembre 2007 qu'il "n’oublie pas que la Libye :
- a organisé et encouragé de nombreux attentats meurtriers,:
- a déclaré, par la voix du Colonel Kadhafi, le 7 décembre 2007 à Lisbonne qu’il était "normal que les faibles aient recours au terrorisme »,
- a régulièrement utilisé la torture, y compris sur le personnel soignant bulgare, totalement innocent, qui a été incarcéré dans des conditions terrifiantes, pendant plusieurs années avant d’être libéré cet été, notamment grâce à l’action de la France.
- Il serait scandaleux que la Libye , étant donné son « palmarès » en la matière, soit chargée de préparer la conférence dite de Durban 2, dont le CRIF espère qu’elle ne sera pas une répétition de Durban 1 en 2001, qui s’est transformé en meeting anti sioniste. Le CRIF demande au Président de la République et au gouvernement de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour éviter qu’une telle situation ne puisse se reproduire.
- n’accepte pas de façon permanente l’existence de l’Etat d’Israël, une ligne de conduite encore confirmée par le propre fils du Colonel Kadhafi qui refuse l’entrée d’Israël dans l’Union méditerranéenne, ce projet de paix initié par la France. "www.desinfos.com/article.php.
La position de Sarkozy à gauche n'est soutenue que par le socialiste Hubert Védrine qui a déclaré sur LCI : "Je crois que les interdictions de principe sont absurdes sur le plan de nos intérêts et même de nos idées" (AP 10 décembre 2007 - on rappellera que le CRIF s'était opposé à la nomination de Védrine comme ministre de Sarkozy.
La Libye a renoncé à son programme nucléaire militaire en 2003 et recherche aujourd'hui des équipements nucléaires civils. Au menu de la visite du colonel Kadhafi sont prévus «des contrats de collaboration pour une usine de dessalement d’eau de mer avec'est un réacteur nucléaire», «une coopération en matière d’armement, et différents contrats économiques»