Irak . La crainte de révélations sur les implications occidentales dans les crimes du dictateur explique la volonté de l’éliminer avant qu’il ne puisse livrer des témoignages embarrassant. Source : L’Humanité
Quand la Haute cour d’appel irakienne a confirmé le 26 décembre dernier la condamnation à mort de Saddam Hussein, spécifiant que la sentence devait être exécutée dans les trente jours, personne n’imaginait qu’elle aurait lieu trois jours après, presque en catimini. Saddam Hussein ne sera donc pas jugé pour la répression contre les Kurdes lors de l’opération « Anfal », au cours de laquelle eut lieu le gazage de la localité de Halabja qui fit 5 000 morts, alors que le procès avait été programmé par la justice irakienne. La précipitation avec laquelle Saddam a été exécuté prouve si besoin est qu’il fallait se débarrasser d’un homme devenu gênant et encombrant.
Pas de jugement devant une cour internationale
Dans cette parodie de justice, le plus grave réside dans le fait que, Saddam Hussein ayant été fait prisonnier par des forces étrangères au terme d’une guerre menée contre son régime, il ne devait pas être jugé par une juridiction mise en place par les occupants mais par un tribunal international indépendant. Pour mémoire, le Tribunal spécial irakien (TSI) avait été institué par Paul Bremer, l’ancien administrateur américain de l’Irak, pour juger les crimes commis par des Irakiens entre le 17 juillet 1968, date du coup d’État baassiste, et le 1er mai 2003 en Irak ou ailleurs, ainsi que les crimes commis lors de la guerre contre l’Iran (1980-1988) et l’invasion du Koweït (1990-1991).
Faisant fi des accusations de partialité d’un tribunal siégeant dans un pays sous occupation militaire et en proie à une guerre civile, Washington entendait ainsi éviter que le procès de Saddam ne soit également celui des responsabilités occidentales, quand l’Irak était courtisé par les grandes capitales européennes et américaines. Aussi lui importait-il de soustraire Saddam Hussein à une cour internationale qu’avaient demandée en vain ses avocats et la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH). Mort, il ne sera donc pas jugé pour le massacre des 180 000 Kurdes lors de l’opération « Anfal » durant la guerre Irak-Iran, ni d’ailleurs pour l’écrasement de la révolte chiite en 1991 au cours de laquelle périrent des milliers de personnes, et encore moins pour avoir envahi le Koweït.
Un allié des États-Unis jusqu’en 1989
Il faut savoir que, jusqu’en 1989, Saddam Hussein était un allié des États-Unis et des grandes puissances occidentales. Et lors de la guerre irako-iranienne, quand Washington et ses partenaires occidentaux eurent constaté que l’offensive irakienne tournait au désastre, ils entreprirent d’aider massivement le régime de Saddam, considéré comme laïque et pro-occidental, contre l’Iran de Khomeiny, perçu comme la principale menace contre les intérêts du « monde libre ». En 1982, William Casey, chef de la CIA, débarque à Bagdad, suivi une année plus tard par l’envoyé spécial de George Bush père, Donald Rumsfeld. But de ces visites : rassurer et soutenir Saddam contre Khomeiny. Les firmes, notamment françaises, arrachent des contrats faramineux. Outre les armes militaires classiques - hélicoptères, avions, missiles, armes lourdes... -, un document du Sénat américain révèle que 61 livraisons de cultures biologiques ont été expédiées en Irak par un laboratoire sous contrôle de l’armée américaine.
Des gaz de combat fournis par des sociétés occidentales
Bechtel, filiale de Halliburton, a réalisé une usine de fabrication de gaz de combat. Une autre entreprise franco-allemande, basée en Alsace, a quant à elle construit une usine de gaz de combat à Samara. Ce sont donc des armes chimiques fabriquées grâce aux aides américaine et occidentale qui ont été employées par l’armée de Saddam contre l’armée iranienne et les civils kurdes de Halabja. Ce sont des hélicoptères Bell, de fabrication américaine, qui ont déversé le gaz moutarde sur les civils kurdes. Ce sont des Mirage équipés de missiles Exocet fournis par la France qui ont permis de bombarder et d’écraser les insurrections kurdes et chiites. Et pendant que l’armée de Saddam, noyée d’armes occidentales de toutes sortes, bombardait et massacrait sans désemparer, Washington s’employait à bloquer au Conseil de sécurité toute résolution condamnant les crimes de guerre irakiens, allant jusqu’à accuser l’Iran d’avoir utilisé en premier des bombes chimiques. Exécuté, Saddam a emporté dans sa tombe des secrets gênants pour Washington et pour tous ceux qui avaient intérêt à le faire taire.
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