29/11/2006
Consultant en développement durable pour A2D Consulting (
http://www.a2dconsulting.net), Thierry Téné Mangoua s'interroge cette semaine sur le développement du continent africain.
Par Thierry Téné Mangoua
Qui n’a pas encore été frappé par le spectacle désolant qu’offrent certaines métropoles africaines où des tas d’immondices partagent le quotidien de la population. Elles sont rares ces villes africaines qui possèdent une seule usine d’incinération des déchets ménagers. Comment ne pas avoir froid dans le dos lorsque les déchets industriels ou de soins de santé qui sont parfois riches en métaux lourds et dangereux comme le Mercure ou le Plomb finissent dans le milieu naturel sans aucun traitement. Le monde d’entier a été ému par le déversement des déchets toxiques en provenance d’Occident en Côte-d’Ivoire.
La question est aujourd’hui de savoir si cette affaire n’est pas la partie émergée de l’iceberg et que le continent malgré le manque de filière de traitement adéquat de déchets continuent de recevoir à coup de Pot de Vin et en débit de la réglementation internationale des résidus d’autres continents qui coûteraient beaucoup plus chers à éliminer dans le pays d’origine. Les Africains sont très demandeurs en vêtements usagés provenant d’Occident qu’on appelle communément « friperie » qui sont collectés gratuitement chez le particulier occidental mais revendu chez le consommateur africain. A ceci il faut rajouter les véhicules d’occasions qui inondent les villes africaines. L’élimination de ces véhicules et vêtements coûtent très chers en Occident et l’Afrique devient ainsi une filière de recyclage à moindre coût malgré les problèmes de pollution importante causée par exemple par les véhicules usagés.
On pourrait également parler du matériel électronique, électroménager et informatique qui parfois sous couvert d’ « aide humanitaire » permettent ainsi de se débarrasser des déchets à moindre coût en Afrique. Cette perception africaine d’être un marché important d’objets de deuxième main est également une forme non avoué de domination culturelle puisque les déchets des autres sont dans certains cas un « luxe » pour nous. Le refus de recevoir les matériaux d’occasions est déjà un pas vers le développement dans la mesure où il oblige à se poser les bonnes questions :
1) Pourquoi ne pas consommer ce qu’on a produit ?
2) Comment transformer les matières premières en produits à forte valeur ajoutée ?
3) Pourquoi c’est nous qui devons recevoir les déchets des autres et pas l’inverse ?
4) Que deviendra l’Afrique lorsque le dernier arbre aura été coupé, la dernière goutte de pétrole exploitée et le dernier minerai extrait ?
Un début de réponse à ces questions permettra à défaut de trouver les ressources nécessaires à la réalisation de projet, à la promotion d’une Afrique qui bouge, innove dans les idées et surtout un espoir à ces milliers de jeunes qui continuent à tort de penser que l’Occident est un El Dorado. Pourtant les Européens, avec la percée asiatique et sud américaine, ont du mal à réagir efficacement et préserver leurs emplois.
Le deuxième argument est concrètement le contenu de nos poubelles. En effet, les 2/3 d’une poubelle africaine sont constitués de déchets verts biodégradables. Ces derniers présentent l’avantage et l’inconvénient de dégager le méthane lorsqu’ils se dégradent.
L’inconvénient c’est que le méthane est un puissant gaz à effet de serre qui contribue au réchauffement climatique. Le sommet de Nairobi sur les négociations climatiques qui s’achève a encore une fois confirmer que malgré sa très faible contribue au changement climatique l’Afrique subira le plus ses conséquences et qu’une révolution écologique africaine est plus jamais nécessaire. L’apparition de nouvelles maladies, la sécheresse, l’élévation du niveau des eaux avec les inondations, l’immigration lié à l’insécurité alimentaire, etc. risquent d’être le quotidien de milliers d’africains déjà confrontés à des conditions de vie difficile.
L’avantage c’est que le méthane qui émane tous les jours des décharges à ciel ouvert en Afrique peut être récupéré pour servir comme carburant, de gaz domestique etc. Pour cela le Mécanisme de Développement Propre (MDP) peut permettre aux investisseurs publics ou privés étrangers de financer de tel projet et en retour obtenir des certificats de pollution conformément à leur engagement dans le cadre du protocole de Kyoto. Mais la lenteur des gouvernements africains dans la mise en place des Autorités Nationales Désignés (condition préalable) empêche les initiatives de développement propre sur le continent. Le constat est tout simplement honteux pour l’Afrique : Seul l’Afrique du Sud, le Maroc, la Tunisie et l’Egypte ont mis en place respectivement 4, 3 et 1 projets MDP sur près de 1 000 projets. On notera tout même que les pays de l’Afrique Subsaharienne sont les grands absents pourtant ils devraient être en première ligne.
La troisième piste est de faire des déchets une ressource dans le cadre de l’économie sociale et solidaire. L’idée ici est de considérer le déchet comme une ressource qu’on devrait exploiter. Pour exemple concret, je parlerai de l’initiative de Triselec que j’ai présenté aux autorités camerounaises lors du colloque sur la promotion de l’économie sociale et solidaire. Triselec est une société d’économie mixte locale basée à Lille dans le Nord de la France qui a réussi à faire du tri sélectif et de la valorisation des déchets un instrument d’insertion sociale pour les personnes en difficulté.
En effet, l’entreprise recrute, forme et reclassement dans d’autres entreprises ses salariés dont certains ne savent parfois ni lire ni écrire. Pour remédier à l’illettrisme, l’entreprise a mis en place un système de formation à distance. La stratégie d’emploi-formation-insertion-reclassement a déjà permis à quelques milliers de personnes de retrouver le chemin de l’emploi. La mise en place d’un tel système en Afrique permettra de répondre au double objectif de la lutte contre l’analphabétisme et de la réduction de la pauvreté. Sans oublier la protection de l’environnement permise par la gestion durable des déchets.
Le dernier avantage et non des moindre est la salubrité urbaine. L’opération de propreté (Journée Citoyenne de Propreté) qui a eu lieu récemment dans la ville de Douala (capitale économique du Cameroun) avec une forte participation des habitants démontre la volonté de la population de vivre dans un environnement sain débarrassé de toute pollution visuelle ou odorante. Les immondices abandonnés dans les grandes métropoles africaines sont également des foyers de développement des parasitent qui contribuent à la prospection des maladies comme la paludisme qui déciment chaque année des millions d’africains. Les déchets mal gérés polluent également les eaux qui à leur tour provoquent des maladies comme le choléra.
Avec la mutation informationnelle, c’est aujourd’hui la substance grise qui est la matière première. Pour preuve le continent est riche en ressources naturelles dont le monde ne pourrait pas s’en passer pourtant nous sommes les plus pauvres. Tout simplement parce que les entreprises qui exploitent nos matières premières détiennent la substance grise (technologie) qui procure la forte valeur ajoutée et dont créer la richesse.
Il est donc urgent aujourd’hui pour les africains de se mettre en mouvement chacun à son niveau et selon son degré de responsabilité pour remuer les méninges et prendre les initiatives. De nombreuses associations de jeunes africains me contactent pour avoir les coordonnés des organismes ou structures européennes qui pourraient les aider dans leur projet de développement durable. N’est pas là le problème ? Dans les messages reçus mes interlocuteurs me comblent d’éloges et se présentent comme des « petits africains » qui souhaitent bénéficier de mes conseils. Juste pour rappeler qu’en tant qu’africain comme eux s’est à force de travailler et de sacrifices que j’ai réussi à avoir quelques arguments solides sur le développement durable. Il faut donc arrêter de penser que « l’autre » détient l’expertise et les moyens nécessaires à la solution aux problèmes africains.
Quand certains citoyens américains ne rêvent que de gouverner le monde et à l’opposé, certains africains sont façonnés pour attendre qu’on vienne les aider. N’y a-t-il pas là un véritable problème culturel que les africains doivent surpasser ? Tout être humain possède en lui un génie, il suffit juste de réveiller cette « rage d’agir » qui sommeille en nous. Pourquoi ce sont les autres qui doivent nous aider et pas l’inverse ?
La solution au développement de l’Afrique est dans nos poubelles, quelques pistes de réflexion ont été proposées ici mais je suis convaincu que les lecteurs possèdent beaucoup d’autres.
Alors pourquoi ne pas faire profiter les autres africains de vos idées de génie?
Thierry Téné : Consultant développement durable
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