Ainsi s’enthousiasme Blaise Cendrars pour la femme africaine dans » les boubous « , poème extrait de » Au cœur du monde « , (Editions Gallimard). Et qui a pu croiser une seule de ces femmes dans sa vie ne peut que s’associer au poète. Au Sénégal et à Dakar en particulier l’élégance des femmes est légendaire. On dit même que les Sénégalaises sont les plus élégantes des Africaines. Mais comment font-elles ? Pour tenter d’en savoir un peu plus sur ce secret de l’élégance et de la séduction propre aux femmes sénégalaises, nous vous proposons de feuilleter avec nous le très bel ouvrage de Sokhna Fall, » Séduire, cinq leçons sénégalaises « , paru aux (Editions Alternatives).
Sokhna Fall y raconte l’aventure d’une jeune étudiante qui, à son arrivée au Sénégal, tombe sous le charme du jeune Samba. Mais ce dernier doit s’absenter pendant trois semaines et l’étudiante est prise d’une grande inquiétude. Elle, l’étrangère, ne sera-t-elle pas supplantée par une des femmes de ce pays ? C’est sans compter sur l’aide de Cumba, une volubile et très distinguée dirianké (grande dame) qui décide de lui apprendre ses secrets : comment porter les vêtements occidentaux, la taille-basse, le boubou, le pagne et le petit-pagne, selon son âge, sa position sociale, mais aussi comment se tenir, marcher, parler et… finalement conquérir. Et pour percer ce secret de la séduction, il suffit peut-être de suivre le conseil de Cumba : » Pour le connaître, tu as besoin de tes yeux, de tes oreilles, de ton nez, de ta peau, de ta bouche et du sang dans tes veines qui fait battre ton cœur » ! Tout un programme en images, en conseils et en anecdotes…
Du boubou
Le boubou est sans conteste le vêtement que l’on associe le plus à la beauté et à l’élégance des Sénégalaises. Il est d’ailleurs strictement limité à l’Afrique de l’Ouest et pratiquement inconnu ailleurs. Le mot boubou est une déformation du mot wolof » mbubb » qui signifie un vêtement large que l’on enfile par la tête. Il est porté par les hommes comme par les femmes. Pour les hommes, le » grand boubou complet » est composé d’un pantalon, d’une chemise et du boubou lui-même qui enveloppe les autres vêtements portés en dessous, le tout dans un même tissu de 9 à 12 mètres. Les femmes, elles, portent le boubou avec un pagne, un petit-pagne et un foulard appelé moussor. Le boubou peut être taillé dans des tissus différents : le wax, fabriqué par les Hollandais en Europe ; le legos, issu des ateliers de confection sénégalais ou ivoiriens où encore le plus beau des tissus, le bazin, un coton damassé. Les bouts de la tunique, de la chemise et du pantalon sont fait de broderies, ou damina en wolof.
» Ce qui fait le boubou, explique Cumba à la jeune étudiante, c’est le tissu et la broderie. Si le tissu est riche, le boubou est riche. Si le tissu est simple, le boubou est simple. Et quand on a payé un très beau boubou pour une cérémonie ou la tabaski (fête du mouton), on va se faire photographier avec, pour avoir un souvenir « .
Du moussor
Le moussor est un mouchoir de tête ou foulard que chaque femme porte selon une infinité de variante. Selon la manière dont on attache les bouts, le moussor change de forme. Si on pose le tissu derrière la tête, on peut faire un moussor » Marie-Claire « , les bouts se croisant simplement devant. La » signara » est un moussor porté haut et pointu comme un pain de sucre. Le moussor » éventail » se porte avec un plissé sur le côté ou devant. Quant au moussur » teleli » (l’oiseau ), il est constitué de deux bouts du tissu qui sortent à l’arrière. Il existe aussi le moussor » plume de Carpot « , du nom du premier député métis pendant la colonisation, ou le moussor » plume de Blaise Diagne », du nom du premier député noir. Les noms et les modes sont souvent tirés de l’actualité. Ainsi, en 1936, les femmes portaient un petit mouchoir de tête rouge qui s’appelait » front populaire «
Du pagne
Le pagne est un morceau de tissu qui peut devenir beaucoup de choses. Le tissu simple est appelé seur. Le pendal est le pagne que porte la femme. Le mbotu est le pagne qui entoure les bébés dans le dos de leur mère. Quant au ser-ou-mouraï, c’est le pagne que l’on utilise comme couverture. » Le pagne est notre origine, indique Cumba. C’est dessus qu’on est conçu, c’est dedans qu’on est porté bébé et c’est dessous qu’on est couché une fois mort « .
Du caractère lié au vêtement
On dit d’une femme qui se drape de la main gauche qu’elle est guignarde. Quelqu’un qui porte un boubou trop court est jugé pingre et avare. Par contre, si le boubou se balade dans la poussière, cela signifie que la femme est généreuse et que dans le mariage, elle apportera chance et réussite.
Au Sénégal le boubou est beaucoup porté, et de plus en plus de stylistes, telles Colle Sow Ardo ou Oumou Sy créent des boubous qu’elles exportent à l’étranger, pour le plus grand plaisir des grandes dames de ce monde. L’histoire ne dit pas si ces femmes les portent avec autant d’élégance que les Sénégalaises. Si les jeunes filles, surnommées les disquettes, adoptent plus volontiers la mode occidentale, elles finissent toujours, devenues femmes par adopter le boubou et tenter de devenir de vraies diaranké, » ces belles dames qui dictent les modes et piègent les hommes dans leur sillage parfumé « …