Racket sur la route de Nouakchott à Dakar

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Aller de Nouakchott à Dakar par la voie terrestre est loin d’être une sinécure. Bientôt 14 ans que les frontières ont été rouvertes entre le Sénégal et la Mauritanie et ce mal qu’est le racket des passagers continue de plus belle. Des pratiques loin des idéaux de la libre circulation des hommes et des biens entre pays voisins et amis.

Tout commence au niveau de la gare routière où l’on est assailli par une multitude de gens : des rabatteurs, des taxis, des courtiers. qui crient et s’agitent autour de soi. Aucun semblant d’organisation, c’est l’anarchie totale. La gare routière, elle-même, n’est qu’un terre-plein sur la route de PK sans aucune structure destinée aux véhicules de transport ou aux voyageurs. Cependant, le choix d’un taxi-brousse pour l’entame d’un voyage couvre un large éventail. Il y en a pour toutes les bourses ; entre 1.000 et 3.000 UM, du mini bus à la Mercedes 190, pour qui supporte la surcharge (permise officiellement) ou qui veut voyager à l’aise sans être coincé comme une sardine dans une boîte.Une fois en voiture, c’est le marathon de près de 600 kilomètres qui commence. Un voyage en deux étapes, mais qui se ressemblent comme des sourds jumelles tant les pratiques de ceux sensés appliquer les lois et règlements et faciliter la circulation des biens et de personnes entre les deux pays se rejoignent. Entre Nouakchott et Rosso, sur une distance de 198 kilomètres on ne compte plus le nombre de postes de contrôles de la police, de la gendarmerie ou de la douane. Au moins si le contrôle d’identité était effectué normalement, c’est-à-dire identifier tous ceux qui se trouvent dans le véhicule et vérifier qu’ils sont tous en règle.

Mais, malheureusement, ce n’est pas le cas ; les contrôles sont faits au faciès, c’est comme si la qualité d’être Mauritanien était inscrit sur les visages et non sur la pièce d’identité nationale. Ce qui ne manque pas de froisser certaines personnes et de créer des tensions, car si les uns l’acceptent stoïquement, les autres protestent vigoureusement contre cet état de fait, humiliant certainement. Le chauffeur n’est pas en reste, il doit la plupart du temps se délester de quelques billets s’il ne veut pas être retardé pour des raisons fallacieuses.

Une traversée pas de tout repos
Arrivé à Rosso, il faudra penser à l’épreuve de la traversée de la frontière pour celui qui veut se rendre du côté sénégalais. Quelques dizaines de mètres où tout est possible. Le voyageur peut se présenter avec tous les papiers demandés – 50 euros en devises échangés dans un bureau de change agréé, carnet de vaccination attestant la vaccination contre certaines pathologies notamment la fièvre jaune datant de moins de 6 mois délivré par une autorité sanitaire, carte d’identité – et se voir refouler à la porte : « Ce papier n’est pas valable », lui dira l’agent de sécurité.

Que peut le voyageur contre une telle mauvaise foi ? Payer, tout simplement. Pour un autre voyageur parce qu’il est Sénégalais, l’agent lui demande de payer 500 UM pour pouvoir rentrer chez lui. « Pourquoi ? », demande le malheureux. « C’est comme ça », lui répond-on le plus naturellement du monde tant ces pratiques sont devenues courantes. Et au racketté de s’exécuter.

Il ne faut pas croire que celles-ci se déroulent en cachette, pas du tout, cela se fait sous les yeux de tous, en plein jour. Les voyageurs sont sans recours, car quand ils font face à quelqu’un qui est sensé les protéger contre de tels abus alors qu’il se trouve en être l’auteur, ils ne peuvent qu’être désarmés. Le Sénégalais quand il va revenir aura à débourser 1500 UM s’il veut fouler le sol mauritanien : 1.000 UM pour la police et 500 UM pour la gendarmerie ou vice versa. Selon quels textes ? Dieu seul sait.

A chacun son tour

C’est au tour du Mauritanien maintenant, quand il posera le pied de l’autre côté de la frontière. D’abord 2.000 Fcfa qu’il aura à laisser au premier poste de la police frontière. S’il n’a pas trop de bagages neufs, il n’aura pas trop à s’inquiéter de la douane. Mais gare à lui si par malheur, il transporte des pièces de tissus, de l’huile ou quelque autre produit ? On ne le ratera pas. Il est automatiquement associé à un commerçant même si ces produits sont destinés à être offerts à des proches ou à des amis.

La différence entre les deux administrations se manifeste surtout au retour. Du côté sénégalais, on réclamera au voyageur mauritanien encore 1.000 Fcfa pour rentrer chez lui, alors que du côté mauritanien outre les 1.500 UM déjà mentionnés plus haut, le Sénégalais sera contrôlé à tous les postes et souvent on le fera descendre du véhicule pour également contrôler ses bagages ou l’inscrire sur les registres d’entrée, alors que tout ceci pouvait être faits au niveau d’un seul poste.

Des tracasseries qui n’ont vraiment plus lieu d’être. Personne ne peut refuser un contrôle. Mais il y a des règles à observer. A commencer par le respect des individus que les agents veulent contrôler, mettre tout le monde au même pied d’égalité, car voyager en fraude ou transporter des produits prohibés n’est l’exclusivité de personne ou d’un peuple. Une fois ce principe accepté, quand on s’adonne à un contrôle de personnes ou de bagages, c’est, je pense, tenter de voir si tout est en règle. Si c’est le cas, laisser le voyageur poursuivre sa route en toute quiétude. Si ce n’est pas le cas, enclencher les procédures prédéfinies pour telle ou telle infraction. On n’a ni besoin de le brutaliser, ou de lui manquer de respect ou de le racketter, sinon, c’est s’adonner à l’abus de pouvoir.

Nous entretenons des relations séculaires avec le Sénégal. Nous avons toujours vécu ensemble. Il est temps que nous changeons ces attitudes négatives qui ne sont pas faites pour raffermir des relations déjà excellentes entre deux pays et deux peuples qui sont condamnés à vivre la main dans la main. Si chacun fait un effort de son côté et applique simplement les règles définies par nos deux gouvernements concernant les déplacements et le séjour dans l’un ou l’autre sans chercher à y ajouter une touche personnelle, tout sera pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Nous sommes un peuple connu pour son hospitalité légendaire et son ouverture vers le monde, nous ne pouvons tolérer que certaines brebis galeuses viennent mettre à mal un tel rayonnement pour quelques billets d’ouguiya. Nous n’avons pas à monnayer notre hospitalité ou à l’offrir aux uns et la refuser aux autres.
Posté   le 14 Jan 2007   par   biko

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