Pleure ô Mali bien aimé

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S’il est un pays d’Afrique de l’Ouest dont nous sommes proches, c’est bien ce beau et grand Mali aujourd’hui malmené par un coup d’état qui le plonge dans les affres de l’inconnu alors qu’une élection présidentielle devait se tenir fin avril. L’ancien Soudan Français partage avec notre République des millions de binationaux, une langue nourrie de joyeusetés vernaculaires et une reconnaissance humaniste enracinée dans les mémoires orales des uns et écrites des autres… Bien avant que Jean-Jacques Rousseau ne fixe les prémices d’une constitution, les guerriers Malinké se donnaient une charte, dite charte du Mandé, c’était au 13e siècle de notre ère sur une colline aujourd’hui encore balayée par le vent sous l’arche de kamandjan… Cette charte, trésor de l’humanité, véritable constitution pour une bonne gouvernance, disait déjà que toute vie est une vie, comme un prélude à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Plus encore, cette charte écrite après la victoire mandingue de Soundjata Keita, s’est toujours montrée respectueuse autant que craintive des vaincus de Soumarou Kanté dont l’esprit habite toujours la colline de Koulikoro. Gardez cette sagesse mes frères car c’est une leçon pour le monde : gardez la fierté des vainqueurs et sauvez la dignité des vaincus. On n’a pas trouvé mieux pour vivre ensemble !

Comme les pays neufs nés des Indépendances voici cinquante ans, le Mali a connu la dictature. Il ne faisait pas bon vivre sous le règne de Moussa Traoré. Un parachutiste l’a libéré de ses chaînes : Amadou Toumani Touré, dit ATT, a promu la démocratie en vingt ans de paix et d’alternance… Mais au ervice de qui en fin de compte ? La fameuse solidarité africaine se résume à « où est ma part ? » et la corruption enrichit une caste nouvelle et pas assez fraternelle. Le pêcheur , lui, n’a rien gagné de plus à jeter son filet sur les eaux noires du Niger, pas plus que l’éleveur peuhl avec ses chèvres… Le est certes devenu le champion de la débrouille à Paris et le Dogon a fait le tour du monde avec ses danses et ses masques… Mais les Touaregs sont devenus les mercenaires de Khadafi et le printemps arabe les a renvoyés à leur vie ancestrale de razzia. Libye, Niger, Algérie, Mauritanie ou Mali, leur pays c’est le Sahara et la première loi c’est de survivre. Ils règnent de fait aujourd’hui sur la moitié de sable du Mali. L’autre loi du moment est celle d’Al Quaeda, celle d’un islam vengeur et anti-occidental. Les putschistes ont ouvert un boulevard à ces donneurs d’ordres et dans le mali-mélo de Bamako cette semaine il était bien compliqué de savoir qui tirait vraiment les ficelles…

Pauvreté, corruption, poussées intégristes, menaces de sécession : pour répondre à ces enjeux, il faut que l’ordre constitutionnel revienne au Mali. Cher Mali, toi qui as mis l’Afrique sur le chemin de la démocratie. Toi le pays musulman qui fêtes Noël. Toi qui sais depuis toujours pratiquer l’harmonie entre les contraires, laisse une chance à la démocratie et aux libertés.

Hervé BERTHO. Ouest France.

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