Les manuscrits de Tombouctou largement sauvés

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Trésors

Le sel vient du nord, l’or du sud, mais la parole de Dieu et les trésors de sagesse proviennent de Tombouctou « , dit un proverbe malien. Quelques jours après la reprise de la ville aux jihadistes iconoclastes qui l’occupaient depuis le 1er avril 2012, l’heure est au bilan des destructions qu’a subi l’antique cité du savoir, classée au patrimoine mondial de l’humanité.

Les plus grandes craintes avaient été émises, en début de semaine, au sujet de ce que la ville compte de plus précieux : ses quelque 300 000 manuscrits anciens, certains préislamiques. Avant de fuir la ville, il y a une semaine, les jihadistes avaient bouté le feu à l’Institut Ahmed Baba, dépositaire d’une partie des textes. Depuis deux jours toutefois, les experts rassurent : seule une petite partie – « pas plus de 10 % » – des précieux documents de l’Institut a été détruite par les islamistes en fuite, qui auraient également volé certains des précieux ouvrages. En outre, nombre de manuscrits avaient été déplacés au début de l’offensive conquérante; d’autres encore avaient été cachés à l’arrivée des combattants dans la ville. Enfin, la majeure part de ce trésor se trouve dans un bâtiment plus ancien auquel les islamistes n’ont pas touché, ainsi que dans des coffres familiaux.

Le bâtiment vandalisé, inauguré en 2009, avait été construit par l’Afrique du Sud. Il offrait des conditions idéales de conservation des documents contre leurs ennemis traditionnels : le sable, la sécheresse, les termites, l’érosion des coffres de métal dans lesquels les familles les conservent.

Mais si une grande partie de ce trésor avait été détruite par l’expédition marocaine de 1591, qui a vaincu l’empire songhaï sous la tutelle duquel s’épanouissait Tombouctou, le principal ennemi des manuscrits de la ville serait, depuis lors, les trafiquants. Car ces trésors fascinent les collectionneurs.

Les manuscrits ont soit été acquis par l’université ou les savants de la ville, phare du savoir entre le XIV et le XVIes siècles; d’autres furent des commandes de riches familles à des copistes et relieurs locaux; d’autres encore y ont été amenés par des musulmans chassés d’Espagne par la Reconquista du XVe siècle.

Les textes sont copiés sur des écorces d’arbre, des parchemins, des omoplates de chameau, du papier importé d’Orient ou d’Italie La grande majorité sont rédigés en arabe, d’autres dans des transcriptions de langues locales – fulani (langue des Peuls), tamachek (celle des Touaregs), haoussa, songhaï, . Il s’agit de relevés des prix des nombreuses denrées vendues sur les importants marchés de Tombouctou (sel, or, épices, ivoire, tissus, cuirs et esclaves), de traités d’astronomie, de mathématique, de grammaire, de droit, de botanique Figurent aussi de nombreux textes religieux de l’islam modéré qu’on pratique dans la région. Cheikh Ousman Dan Fodio, homme d’Etat peul du XVIIIe siècle, écrivait dans ses mémoires qu’avant l’arrivée des Européens, « la pensée africaine cultivait l’amour d’un islam ouvert sur l’universel, qui se distinguait très nettement de celui qui était observé dans le monde arabo-musulman ».

Ces précieux manuscrits font l’objet d’un trafic pour collectionneurs essentiellement dans les pays arabes (Algérie, Arabie saoudite, Mauritanie, Libye, ) parce que nombre de textes ont trait à l’islam et retracent une partie de l’histoire de ces pays. Beaucoup de documents ont quitté la ville en échange de quelques dollars lors des grandes sécheresses de 1973 et 1984, qui avaient ruiné des familles.

Les jihadistes ont également détruit sept des seize principaux mausolées de saints de la ville. Dans l’islam soufi traditionnellement pratiqué au Mali, les saints sont, comme chez les catholiques, considérés comme des intercesseurs et des protecteurs. Les salafistes y voient de l’idolâtrie. Mais nombre de mausolées aux « 333 saints  » que compterait Tombouctou se trouveraient dans des propriétés privées et n’ont pas été signalés aux jihadistes.

L’Unesco enverra dès que possible une mission au Nord-Mali pour évaluer les dégâts subis et aidera « à la reconstruction des mausolées de Tombouctou et du Tombeau des Askia (empereurs des Songhaïs, NdlR) à Gao « .

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