Le professeur Nicolas Agbohou, auteur du livre « Le CFA et l’Euro contre l’Afrique », a déploré, samedi à Dakar, l’absence de »volonté politique » des Etats de la zone franc CFA pour battre leur propre monnaie et s’affranchir de la tutelle monétaire de la France. »La décision de battre monnaie revient aux gouvernements. Le vrai problème, c’est la décision politique. Et les dirigeants [de la zone franc CFA]ne la prennent pas », a dit M. Agbohou.
Il s’exprimait lors du panel sur »l’avenir du franc CFA » organisé par le Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (CODESRIA), l’Arcade et le Centre africain de complémentarité scolaire universitaire et de promotion (CACSUP). Dans son exposé, Nicolas Agbohou a revisité l’historique du franc CFA dont le création, selon lui, relève du »nazisme monétaire ». Il fait allusion au mécanisme similaire que les Allemands avaient mis en place en France, lors de l’Occupation, au début du 20ème siècle. »Le franc CFA n’est pas la monnaie des Africains. Il appartient à la France », a soutenu M. Agbohou qui s’est évertué à démontrer les mécanismes par lesquels le lien franc CFA-Euro et les accords de coopération monétaire maintiennent les pays de la zone CFA dans la dépendance.
Deux règles principales régissent cette union monétaire. D’abord la stabilité du taux de change entre le franc CFA et le franc français devenu euro. Ensuite, la garantie, par la Banque centrale de France, de la convertibilité illimitée du franc CFA. Cela permet aux pays concernés de payer leurs achats à l’international en euros. En échange, ils doivent déposer, sur les comptes du Trésor français, la moitié de leurs réserves de change.
Ce dispositif a permis d’assurer la stabilité monétaire de la zone franc, mais certains intellectuels, assez nombreux, considèrent que la force du franc CFA nuit à la compétitivité des exportations agricoles surtout des Comores, des pays de la CEMAC et de l’UEMOA. Plutôt que d’y voir un instrument de coopération, des voix considèrent le franc CFA comme un instrument de domination économique, avec notamment l’obligation du dépôt des réserves de change au Trésor public français. »Celui qui n’a pas sa monnaie ne peut pas maîtriser son destin », déclare le professeur Agbohou, soulignant que la solution au problème est de battre monnaie sous la coupe d’une banque communautaire qui, elle-même, coiffera les banques centrales.
Ces banques centrales vont, à leur tour, coiffer les banques commerciales qui vont faciliter l’accès des citoyens au crédit, selon M. Agbohou, qui a aussi plaidé pour la transformation en Afrique des matières premières du continent, en vue de favoriser la création de la »valeur ajoutée ». Le franc CFA est la dénomination de la monnaie commune de 15 pays africains membres de la zone économique du même nom. Pour l’Afrique de l’Ouest, il s’agit du Bénin, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée-Bissau, du Mali, du Niger, du Sénégal et du Togo, qui constituent l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), dont l’institut d’émission monétaire est la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO).
En Afrique centrale, il y a le Cameroun, la Centrafrique, le Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale et le Tchad, qui constituent la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), dont l’institut d’émission est la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC). Le 5 octobre, 15 pays de la zone franc CFA se sont réunis à Paris pour célébrer 40 ans de coopération monétaire avec la France.