Entre Saint-Denis (Guidimakha djikké) et le Mali, une citoyenneté sur deux continents

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Premier article d’une série de 4

L’usage veut que les associations de quartier s’occupent des quartiers et que les ONG de développement aident les pays du Sud, ignorant le plus souvent les liens évidents qui soudent ces régions lointaines à nos proches banlieues. À contre-courant depuis près de dix ans, l’association malienne djikké et la mairie de Saint-Denis font un tout autre pari : celui de combiner les synergies entre actions de développement et politiques d’intégration. Une réflexion logique, et efficace.

Selon le recensement de 1999, 36 000 Maliens vivent en France, dont 9 000 sont naturalisés. Ils forment une des communautés de migrants parmi les plus structurées en associations de développement tournées vers les villages ou régions d’origine. Confrontées à de grandes difficultés de reconnaissance de la part des autorités publiques françaises, ces associations ont pu néanmoins établir des relations privilégiées avec certaines collectivités locales de la banlieue parisienne par le biais de la coopération décentralisée.

Il s’agit la plupart du temps de soutenir des actions à destination des villages d’origine. Mais elles peuvent être aussi l’occasion d’échanges novateurs, au sein d’une commune française, entre les résidents maliens, souvent stigmatisés du fait de leur rapport à leur pays, et les populations locales. L’exemple des relations entre la ville de Saint-Denis et l’une de ces associations, , illustre les opportunités multiples de ce type d’accords.

La migration malienne en France, amorcée dans les années soixante, est d’abord constituée d’hommes jeunes, d’origine rurale, qui après quelques années se font remplacer par des frères ou des fils. Elle implique alors le maintien de relations étroites entre le migrant et son village. Dans les années soixante-dix, le contexte migratoire s’est modifié. Les séjours se prolongent, et c’est le début de l’installation en France. Ces changements, provoqués en partie par les sécheresses répétitives au Mali, par les politiques françaises d’interruption des migrations de travail et d’incitation au regroupement familial, se font sous le signe d’une féminisation et d’un rajeunissement de la migration.

 Loin d’affaiblir les mécanismes de solidarité entre les migrants et leur pays d’origine, ces transformations contribuent à leur donner une nouvelle forme. D’abord préoccupées par les conditions d’installation et de vie dans le pays d’accueil, les premières organisations de solidarité, les caisses villageoises, orientent progressivement leurs actions vers le Mali et deviennent de véritables moyens d’intervention collective. Avec l’autorisation faite aux étrangers de se constituer en associations loi 1901, les migrants formalisent leurs actions en créant des associations de développement.

Ce statut permet de faire appel, en plus des cotisations des membres, à des financements extérieurs d’organismes de solidarité internationale ou d’institutions, et de s’ouvrir à de nouveaux réseaux de partenaires français, dont les collectivités territoriales par le biais de la coopération décentralisée. En effet, la loi de décentralisation de 1992 accorde aux communes de nouvelles compétences, et leur permet de développer des actions de coopération internationale. Ces initiatives mettent en lien les collectivités françaises, celles des pays du Sud, et les associations de développement des migrants. Pour la seule région de Kayes, une quarantaine d’accords ont été signés.

Plusieurs collectivités de la banlieue parisienne en ont initié, prenant ainsi contact avec les réseaux associatifs tissés par les communautés maliennes sur leur territoire. C’est le cas notamment d’Aubervilliers et de Montreuil, jumelées respectivement avec l’association des ressortissants de Boully en Mauritanie et avec le cercle de Yelimane au Mali. Mais les accords conclus entre la ville de Saint-Denis et Guidimakha djikké ont la particularité d’engendrer des pratiques originales de contact entre la population dionysienne, la municipalité et la communauté malienne.

Développer au Mali, et agir pour l’insertion en France

L’association Guidimakha djikké, qui signifie “espoir du Guidimakha” en , est créée en 1987 et participe de ce mouvement général. Elle regroupe vingt-quatre villages de l’ex-arrondissement d’Aourou dans la région de Kayes au Mali, et concerne près de 40 000 habitants. Elle compte en France autour de 3 000 personnes originaires de l’arrondissement, résidant principalement à Saint-Denis où elle a son siège social. Les migrants maliens se sont rassemblés dans l’optique d’intervenir plus efficacement à l’échelle régionale.

Par Céline Le Guay, doctorante à l’université de Paris-VII, Urmis

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