Le président sénégalais Abdoulaye Wade s’est opposé lundi à un projet de loi français introduisant la possibilité de recourir à des tests ADN pour les candidats au regroupement familial, devenant le premier chef d’Etat étranger à prendre officiellement une telle position.
Cette réaction de la part d’un pays ayant une très ancienne tradition de migration vers la France intervient la veille de l’examen en séance par les sénateurs français du projet de loi, et de son article très contesté en France comme en Afrique.
« Nous sommes contre ces tests ADN. Vous savez, ce n’est pas contester la science mais avec toutes les incertitudes que posent les appréciations scientifiques… Puis, franchement, je ne vois pas ce que le test ADN vient faire », a indiqué M. Wade lors d’une conférence de presse à Dakar.
« Quelqu’un dit: +ça, c’est mes enfants+ et il faut qu’on analyse si c’est vraiment son enfant. Ce n’est pas respecter la liberté de l’Homme que de vouloir faire des pratiques pareilles », a-t-il ajouté.
« Il vaut mieux dire: +vous ne rentrez pas chez nous, nous sommes souverains et on n’en parle plus », a poursuivi le chef de l’Etat, âgé de 81 ans, qui a fait ses études supérieures en France, ancienne puissance coloniale, et est marié à une Française.
« Maintenant, c’est l’ADN et puis après on va nous soumettre à quel test encore pour savoir si les chromosomes de nos arrières grand-pères ne comportaient pas +je ne sais pas quoi+? », s’est-il demandé.
« C’est une grave erreur. D’ailleurs, le Sénat français a rejeté la loi sur les tests ADN. Donc nous ne sommes pas les seuls à être contre ce système », a-t-il conclu.
Le 26 septembre, la commission des Lois du Sénat avait supprimé du projet de loi sur l’immigration cet article controversé introduisant la possibilité de recourir à des tests ADN pour les candidats au regroupement familial.
Cette décision doit toutefois être confirmée par un vote des sénateurs en séance publique lors de l’examen du texte en première lecture, qui doit commencer le 2 octobre. Un tel type de dispositif existe déjà dans onze pays d’Europe.
Le président du groupe UMP (droite) majoritaire à l’Assemblée nationale comme au Sénat, Jean-François Copé, avait auparavant souligné que les députés ne renonceraient pas à cette disposition sur les tests ADN, même si le Sénat la supprimait.
Selon lui, ils en défendraient alors le maintien au sein d’une commission mixte paritaire, qui regroupe députés et sénateurs.
Cet article est combattu par l’opposition de gauche et a été vivement critiqué par des ONG, dont Amnesty international, des scientifiques et de nombreux journaux et représentants de la société civile au Maghreb comme en Afrique sub-saharienne.
Pour le Sénégal, pays pauvre de 11 millions d’habitants, l’émigration dans les pays occidentaux constitue souvent un « investissement » pour l’entourage du migrant, qui l’aide à financer son voyage en espérant obtenir en retour des transferts d’argent.
En septembre 2006, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur et partisan d’une ligne dure sur l’immigration, avait signé à Dakar un accord qualifié d' »historique » avec le Sénégal sur « la gestion concertée des flux migratoires ».
En juillet 2006, le concept d' »immigration choisie », mis en avant par M. Sarkozy, avait provoqué une levée de boucliers en Afrique car pouvant favoriser un « exode des cerveaux » vers les pays du Nord.
Il avait été vivement critiqué par M. Wade avant que les deux hommes ne se mettent d’accord sur le qualificatif beaucoup plus consensuel d' »immigration concertée ».
Source: Le Point