Certains d’entre eux ont quitté le Sénégal depuis 2004, d’autres l’année suivante. A l’assaut du Sahara, pour rallier l’Europe et les îles Canaries, ces Sénégalais, émigrants clandestins, ont subi les pires rigueurs du climat, de la maladie et de plusieurs autres difficultés du trajet. Depuis hier, 53 d’entre eux sont revenus au Sénégal, à bord d’un bus affrété par le ministère des Sénégalais de l’extérieur. Il les a pris à partir du Mali où ils ont échoué, après avoir été refoulés dans des pays comme la Libye, le Maroc et l’Algérie.
Hier, dans la matinée, le bus qui avait quitté Bamako la veille à 6 heures du matin a foulé, vers 8 heures, le sol dakarois, pour stationner devant les locaux du ministère des Sénégalais de l’Extérieur. Ici, ce sont des jeunes « plus que fatigués », supportant à peine le poids de leur sac, qui se sont empressés de débarquer, poussant certainement un ouf de soulagement d’avoir pu retrouver leur pays.
Cet acte des autorités sénégalaises renforce davantage leur volonté de stopper l’émigration clandestine en organisant le retour des candidats malheureux. « Le Sénégal est toujours prêt à combattre l’émigration clandestine, c’est pourquoi plusieurs actions comme le Plan Reva sont mises en place pour montrer aux jeunes qui tentent l’aventure qu’il y a toujours des solutions s’ils restent au Sénégal », a déclaré, hier, au nom de Mme le ministre des Sénégalais de l’Extérieur, son directeur de Cabinet, M. Mamadou Tine, qui s’adressait à ces jeunes.
Cette longue marche des jeunes dans le désert, en traversant plusieurs pays frontaliers, s’est soldée par un échec, avec à la clé des maladies, de la fatigue, de l’emprisonnement et plusieurs situations d’insécurité. Ibrahima Thiam, un jeune de 26 ans, habitant dans la ville de Diourbel, au centre du Sénégal, où il exerçait le métier de soudeur, confie avoir rassemblé une somme de 375.000 Cfa pour pouvoir partir chercher fortune en Europe. Il raconte son calvaire : « Il y a deux ans, je suis parti de ma ville de Diourbel avec 375.000 Cfa pour tenter d’aller aux îles Canaries. Je suis allé jusqu’à Agadez au Niger, à partir d’où j’ai rallié la Libye et l’Algérie. C’est dans ce pays que j’ai été arrêté et emprisonné. Après avoir subi la peine de prison, on m’a refoulé. Arrivé au Mali, j’y suis resté pendant 24 jours dans des conditions difficiles, avant de revenir au Sénégal ».
Âgé de 26 ans, Aliou Niamadio est originaire de Kolda, au Sud du Sénégal. Pendant longtemps, il a fait le travail de commerçant jusqu’à avoir un bénéfice de 200.000 Cfa. Il déclare : « c’est avec cette somme de 200.000 Cfa que j’ai décidé, en 2004, d’aller en Espagne par la route. Je suis d’abord allé à Abidjan avant d’aller au Mali. Jusqu’au Maroc, je payais de l’argent pour embarquer dans les gros camions et traverser le désert. Quand j’ai dépensé tout mon argent, j’ai alors essayé de sauter les barrières, à la frontière, mais en vain. J’ai été arrêté et refoulé. J’ai perdu mon passeport en cours de route ».
Certains de ces candidats à l’émigration clandestine via le désert finissent par attraper plusieurs maladies. Mamadou Saliou Diallo, 22 ans, habitant à Poste Thiaroye à Dakar, a quitté son domicile depuis 2004 pour aller en Espagne. « J’ai été arrêté en Libye et refoulé vers l’Algérie ou j’ai passé un mois et demi en prison. J’étais malade en prison, avec des maux de ventre insupportables », explique-t-il. Certains parents qui restent plus d’une année sans avoir les nouvelles de leurs fils décident d’aller les chercher la plupart du temps à Gao, au Mali. Moussa Ndongo, un Sénégalais qui était parti chercher son fils à Gao raconte que les conditions de vie sont difficiles. « J’ai vu les jeunes souffrir, très fatigués, emprisonnés, malades et sans papier. C’est pourquoi nous en avons parlé au ministre des Sénégalais de l’Extérieur quand elle est venue à Bamako », témoigne Moussa Ndongo dont le fils est revenu au bercail.
Auteur: SADIBOU MARONE
Source: Le Soleil