« La Libye s’apprête à expulser 300 Maliens », a déclaré un migrant clandestin, depuis le Centre de rétention en Libye où il croupit. Son interlocuteur était Ousmane Diarra, le président de l’Association malienne des expulsés(AME).« En expulsant des Maliens, volant leurs biens et en les emprisonnant par le passé, la Libye a déjà violé la convention internationale sur le droit des travailleurs migrants et leur famille. Dans tout ça, l’État malien reste silencieux et abandonne ses fils. Nous demandons aux autorités maliennes de réagir avant qu’il ne soit trop tard. Cette fois-ci, les mêmes abus pourraient être commis par la Libye. Alors, si Kadhafi n’a pas encore signé et ratifié cette convention, nous lui demandons de le faire immédiatement », a imploré Ousmane Diarra.
Ces migrants irréguliers que défend M. Diarra ont été expulsés d’Espagne la semaine dernière, selon les responsables de l’AME. Mais la réaction critique de cette association à l’égard des autorités libyennes et maliennes, après avoir eu écho des conditions de vie de ces clandestins, sonne aussi comme un appel. «Les centres de rétention libyens sont de véritables prisons, puisque les migrants y sont maltraités. La plupart de ceux qui y sont actuellement préfèrent l’expulsion aux mauvaises conditions de leur transit. Nous demandons donc à la Libye et à la représentation diplomatique malienne dans ce pays de prendre leur responsabilité pour protéger les ressortissants maliens et leurs biens », a sollicité Ousmane Diarra.
D’origine malienne, le clandestin qui a pu se procurer un téléphone pour alerter l’AME sur l‘éventualité de l‘expulsion massive des trois cent Maliens est en transit avec d‘autres subsahariens dans un centre que nous n‘avons pu identifier.
Ces fameux centres nord africains ont une très mauvaise presse auprès des migrants. Comme un rideau de fer, ils s’échelonnent dans les pays du sud de la Méditerranée, à savoir la Mauritanie, l’Algérie, le Maroc, la Libye et la Tunisie. « Ces pays sont aujourd’hui le gendarme de l’Union européenne », précise Ousmane Diarra. Mais pour le président de l’AME, le plus dangereux dans la politique d’immigration de l’Union européenne (UE) pour le Mali concerne le territoire malien même. « L’Union européenne envisage de créer 17 centres d’observation au Mali pour lutter contre la migration clandestine. Déjà, 5 centres existent dont un à Gao », a dit un ancien expulsé.
Les expulsés d’Espagne dont il s’agit doivent se trouver dans l’un des 20 centres de rétention repartis sur le territoire libyen et financés par l‘Union européenne. « Celui de Koufra est le plus dangereux », témoigne un membre de l’AME. A en croire celui-ci, les 300 expulsés ne vivent que d’une ration alimentaire extrêmement pauvre, faite d’un petit pain rond par jour.
Ce n’est pas un hasard si l’Association malienne des expulsés a été contactée par un ces clandestins. En effet, avec les moyens du bord, l’AME peut accueillir chaque jour à l’aéroport de Bamako-Sénou 2 ou 3 Maliens expulsés d’Europe et d‘ailleurs. Ceux qui ont de la famille à Bamako sont accompagnés chez eux, les autres sont hébergés au siège de l‘association en attendant le départ pour leur lieu d‘origine. L’AME apporte également aux expulsés un suivi médical et psychologique, car les clandestins subissent un traumatisme grave lors de leur rapatriement. Enfin l’AME souhaite désormais aider d’éventuels clandestins à refaire leur vie au bercail, à travers des projets d’entreprise.
Soumaila T. Diarra
Source: LE REPUBLICAIN