Référence dans la littérature négro-africaine d’expression française, « Le Mandat » (Présence africaine, 2002) de l’écrivain et cinéaste Sembène Ousmane décédé en 2007 est certainement à relire, par les temps arrivés d’urgences des transferts financiers des migrants vers leurs familles restées au pays.
Les mouvements de diasporisation se sont accélérés et la fuite vers l’inconnu Occident est toujours plus à l’ordre du jour, non sans tragédies humaines, non sans cynismes politiques. La « démocratie bronzée au soleil », jeune ou naissante selon, semble impuissante devant l’horreur de ces errements crus et massivement mortels.Le corollaire de cette ruée hors d’Afrique qui s’intensifie avec la première décennie du XXIe siècle européen, véritable enfer continental pour les démunis, une nouvelle angoisse pour ceux qui restent : les partants pourront-ils faire parvenir les précieux mandats synonymes de salvatrices bouffées d’oxygène, de remboursements des emprunts octroyés par les proches pour financer l’investissement dans la traversée des mers séparant de l’Eldorado européen ?
? Périlleuse traversée s’il en est, à bord d’embarcations de circonstances et bravant maintes occasion de donner l’ultime coup de rame.
Mais à la lecture, relecture du roman de Sembène Ousmane, « Le Mandat », accroché au sommet de tellement d’attentes familiales, sociales enchevêtrées en devient un parcours du combattant, une odyssée. Et le dénommé Dieng qui doit récupérer le mandat envoyé par son frère parti travailler à l’étranger va goûter les aigreurs de ce chemin de croix. Ne doit-il pas fournir une carte d’identité, c’est-à-dire produire un acte de naissance, et donc passer par un dédale administratif pour espérer récupérer le sésame en temps et en heures ? Pour ce faire il doit se libérer de sommes d’argent qu’il n’a pas, c’est-à-dire s’en remettre … à d’autres. Pourtant il est aussi pressé de faire face, comme tout le monde, aux demandes de solidarités de ses proches et latéraux attirées par la perspective d’un surcroît d’argent, satané nerf de la guerre des entraides. Ruses, mesquineries, arnaques et escroqueries se pressent autour d’un mandat qui pourrait bien être dépensé avant d’être encaissé. Une façon d’être au monde des rationnements, de la disette.
Effets dissolvants et anomiques de l’argent sur des solidarités communautaires mises à mal par la misère et l’impératif de la débrouille ou peinture piquante de la dépendance des Africains dakarois aux subsides venus des migrants partis se débrouiller aux pays des blancs ? A revisiter, un air du temps est caché dedans !
Posté le 28 Aug 2007 par biko