« Comment s’expliquer que ce pays (Ndlr, le Sénégal) qui dispose de tant d’intelligence humaine se trouve au bord du désespoir avec des vagues de migrants prêts à risquer leur vie sur une pirogue ? ». C’est la réponse apportée à la question posée à Richard Bohringer sur son appréciation de l’action politique de Wade. « Les choses n’avancent pas rapidement », rétorque-t-il en fustigeant les dépenses de prestige du régime libéral. « Moi aussi, je veux une Afrique moderne. Mais cette stratégie n’est-elle pas trop brutale ? On doit s’interdire de construire de belles maisons avant de finir les villages ».
Et d’expliquer que « quand je dis que je ne crois pas aux projets gigantesques, c’est pour rappeler que la grandeur spirituelle de l’Afrique est telle qu’elle n’est pas besoin d’aller vers une modernité non maîtrisée, calquée sur un modèle qui vient d’ailleurs ». Richard Borhinger de poursuivre dans la même veine : « j’approuve qu’il veuille faire du Sénégal un pays émergent. Mais il sait qu’au-delà de Dakar ou de Thiès demeure l’Afrique millénaire dont il faut impérativement tenir compte. Qu’importe aux peuples du Fouta qu’il y ait dix building de plus à Dakar. Ils sont dans une autre réalité. On ne peut pas, pour améliorer l’avenir d’un pays, assassiner son passé. ».
Et tranchant : « voilà mon message : soyez modernes, mais n’oubliez pas les anciens ». Richard Borhinger ne cache cependant pas l’admiration qu’il éprouve à l’endroit du Président Wade : « lorsque j’ai acquis la nationalité sénégalaise en 2002, ses mots m’ont beaucoup touché. Il m’a dit avec une certaine malice qu’aucun Blanc n’avait fait ce geste auparavant. Je le respecte énormément et je reconnais que sa position n’est pas facile. Il est au cœur de nombreuses contradictions », confie-t-il à Jeune Afrique.