Le torchon brûle encore entre 5 grands villages du département de Bakel et les pêcheurs maliens

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Ce jeudi 23 octobre 2014, restera dans la mémoire collective un jour de tous les dangers, à la suite d’un conflit qui a pour point focal la surveillance des mares sous la tutelle du village de Manaël. En effet, les habitants des cinq localités concernées par l’exploitation directe de ces mares (Maani Waali, Maani Diéri, Maani Soubé,…), à savoir , Manaël, , et , se sont donnés rendez-vous à , au sein de la mairie, à la suite d’une convocation du sous-préfet  de Moudéry, assisté de son adjoint, du  commandant de gendarmerie (natif de Bakel), de l’agent commis pour la gestion des forêts et le représentant départemental  du service de la pêche.

Ce jour-là, la cour de la mairie de  Diawara était noire de monde, malgré une chaleur ardente. Car quelques jours avant, le comité villageois en charge de la surveillance des mares avait surpris un pêcheur illégal dans les eaux, ce dernier appartient à la communauté des pêcheurs appelés les « Macinankés » (ressortissant de la région du , au Mali), domicilié à Diawara. Lorsque les éléments du groupe de surveillance l’avaient pris sur le fait, une rixe a éclaté, et au final un surveillant dudit comité a été grièvement blessé à la main, à l’arme blanch, avec plusieurs jours d’ITT. Lorsque la nouvelle arrive aux oreilles des responsables du village de Manaël, ce fut le branle-bas de combat. Dans un mouvement spontané de colère, la commune de Diawara est envahie par un groupe formé de manayélinkés, déterminés, armés jusqu’aux dents, pour en découdre avec les pêcheurs Macinankés résidant à Diawara. Un conflit majeur a été évité de justesse, grâce à l’apaisement dont ont fait preuve les habitants de Diawara.

Moins d’une semaine plus tard, une réunion a été convoquée dans chacune des localités et la décision unanime a été que tous les Macinankés soient expulsés des maisons où ils sont en location, une manière de les écarter purement et simplement de leur village. L’autorité ayant été saisie de l’affaire, le sous-préfet a pris le soin de convoquer ladite réunion, à la mairie de Diawara. Tour à tour, les orateurs choisis pour présenter les doléances de chaque village, l’historique des mares est rappelée par l’illustre , représentant du village de Manaël pour éclairer l’assistance. La passivité des autorités (préfets, sous-préfets, justice) a été pointée du doigt, certains les accusant même de duplicité et de connivence dès qu’on arrête des contrevenants en train de pêcher illégalement dans les mares. Les populations ont fait état de nombreux arrêtés préfectoraux non appliquées sur le terrain. Certains intervenants ont même fait, à juste titre d’ailleurs, le parallèle avec la Casamance, à l’aube de la rébellion, en démontrant avec minutie le mépris et le manque de considération de la part des autorités à l’endroit des populations de cette partie du Sénégal dont d’autres n’ont pas manqué de se demander si l’Etat du Sénégal les considérait réellement comme des sénégalais à part entière. Les applaudissements retentissaient de toute part dans la cour remplie de monde, où sévit une chaleur ardente.

Un ressortissant de Tuabou, ancien commissaire de police à la retraite, a pointé du doigt les carences et le manque de volonté de la part de la gendarmerie et de la justice pour mettre fin à cette situation qui perdure depuis des années maintenant, avec comme passif la mort d’une personne, en 2009, assassinée froidement  par les mêmes pêcheurs dans les mares, et jusqu’à présent, il n’y a eu ni arrestation, ni quoi que ce soit : c’est l’impunité totale dans le département. Devant tant de défaillance ou de mauvaise volonté de la part des autorités du département de Bakel, l’ensemble des populations ont menacé de se faire justice eux-mêmes si l’Etat n’arrive plus à assurer leur sécurité ; la menace est réelle, car elle découle d’une frustration profonde et légitime. Il y avait là  les prémices d’un soulèvement pour défendre  la dignité et la sécurité de dizaines de milliers de personnes de ces villages.

Voyant la compétence des autorités mise en cause, le sous-préfet a promis de prendre un nouvel arrêté encore plus répressif et qui fera l’objet d’une véritable attention de la part de ses services, tout en implorant la mansuétude des villageois à ne pas chasser les Macinankés de leurs maisons, et leur promettant de s’occuper,  conformément à la loi, de cette situation qui risque de dégénérer en un conflit majeure tôt ou tard.  Il a exhorté l’assistance de faire preuve de patience et de lui laisser reprendre les choses en main, afin qu’une solution idoine et pérenne puisse être trouvée dans les meilleurs délais. Les porte-paroles de chaque village ont pris successivement la parole, rappelant que leur volonté de chasser les Macinankés de leurs maisons  n’a pas changé, rappelant que ces derniers ont quelques semaines pour quitter les maisons qu’ils occupent, en prenant les autorités à témoin, sans omettre de souligner que ces maisons sont leurs biens et qu’ils peuvent en disposer à leur guise, puisqu’aucun de ces occupants n’a signé de bail locatif, et de ce fait ils sont considérés comme squatteurs dès lors qu’un propriétaire souhaite disposer de son bien et que l’occupant refuse.

Après quatre heures de réunion, aucun consensus réel n’a été dégagé, si ce n’est de refaire un nouvel arrêté, par ailleurs les représentants de chaque Chef de village sont restés campés sur leur position. Cependant, d’autres rencontres de ce type, mais restreinte, sont envisagées dans les semaines à venir.

Ce fut une réunion pour pas grand-chose de la part des autorités, on se croirait dans une sorte de thérapie de groupe. On est vraiment en droit de se demander si le salut du département de Bakel n’est pas dans l’autodétermination, tant les frustrations gagnent les âmes de plus en plus.

Omar Sakho diawara.org

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