“La Fédération du Mali éclata le 20 août 1960. Le Mali ne voulait pas de cette rupture.Une délégation malienne composée de Ousmane Bah, Me Demba Diallo, Mamadou Aw et moi-même est partie à l’ONU pour sauver la Fédération mais le Sénégal avait d’autres soutiens. Aussi, lors du congrès extraordinaire de l’US-RDA tenu le 22 septembre 1960 à l’ENI, l’indépendance du Mali fut proclamée. La rupture avec le Sénégal était consommée. De Gaulle invita Modibo à Paris. Au cours d’une réunion houleuse du bureau politique, on lui a dit de dénoncer le rôle néfaste que certains agents français, en particulier le colonel de gendarmerie Pierre, ont joué dans l’éclatement de la Fédération du Mali. C’est moi qui ai apporté la réponse de Modibo à De Gaulle”.
“Le régime de Senghor a avancé que nous voulions faire un coup d’Etat. Modibo a été arrêté ainsi que certains de ses compagnons. Pratiquement c’était la rupture avec la France. La base était le soutien que le Mali accordait au Front national de libération de l’Algérie (FLN). “Il faut naître d’abord pour nouer certaines amitiés surtout quand elles nous portent préjudice”, m’avait dit un jour André Malraux. Au contraire nous avons intensifié notre soutien au FLN. Le peuple sénégalais voulait de nous mais certains pensaient que nous étions des communistes et que nous sommes venus pour étatiser”.
Ce témoignage vivant sur les causes de l’éclatement de la Fédération du Mali est du docteur Seydou Badian Kouyaté, écrivain, ancien ministre du plan et de l’économie rurale du régime socialiste de Modibo Kéïta. Il constitue avec Gabou Diawara, Mamadou Gologo et Amadou Djicoroni, les derniers survivants du régime de l’US-RDA. Son témoignage prouve à suffisance que la Fédération du Mali était morte née. La raison en est que l’ancienne puissance coloniale, la France, n’a jamais vu d’un bon oeil un tel regroupement. Aussi s’est-elle, dès le départ employé à torpiller tout le processus à travers le maillon faible de la chaîne, le Sénégal. En tant que panafricanistes convaincus, pour Modibo et ses compagnons, la Fédération du Mali constituait un premier jalon sur le long chemin de l’unité africaine. C’est aussi sous la pression française que des pays qui ont participé au forum de Bamako sur la Fédération comme la Haute Volta, le Dahomey, la Mauritanie, se rétractèrent par la suite. On a aussi beaucoup parlé de l’Union Guinée-Ghana-Mali, qui ne vit jamais le jour. Leur rêve panafricaniste brisé, les nouveaux dirigeants maliens prirent acte de la dissolution de la Fédération que la France avait déjà plus ou moins entérinée. Les événements de Dakar et l’attitude de la France ont sans doute beaucoup pesé dans le choix de l’option socialiste par la jeune République.
Mamadou Lamine Doumbia
Source: LE REPUBLICAIN