Il y’a une vingtaine d’années, le professeur Joseph Tchundjang Pouemi donnait au monde entier et à l’Afrique une œuvre historique de haute portée : monnaie, servitude et liberté. L’auteur notait que, l´indépendance des pays africains devait passer par une totale indépendance économique et que celle-ci était impossible sans le contrôle intégral des instruments de la souveraineté étatique dont la Monnaie constitue l´élément central qui permet tout épanouissement. Aujourd’hui, la monnaie est au coeur même des économies modernes dont elle commande les mouvements. Au moment où le débat inutile et désuet a lieu sur l’identité du gouverneur de la BCEAO et un ajustement des institutions de la BEAC et surtout où quelques experts de la monnaie se penchent sur une probable dévaluation du Fcfa, il nous semble opportun de revenir sur le bien fondé de la zone CFA. Née de la grande crise et de la construction d’une zone protégée de repli et officiellement créée en 1948 entre la France et ses colonies et protectorats, elle compte aujourd’hui quinze États africains. D’une intégration monétaire contrainte, elle a migré vers une coopération monétaire unique au monde de par les mécanismes monétaires unissant ses membres.
La coopération monétaire entre pays membres de la zone franc repose sur quatre principes : Un institut d’émission commun à chaque sous-zone ((Les banques centrales de chaque sous-zone (Banque des États de l’Afrique centrale – BEAC, Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest – BCEAO, et Banque centrale des Comores – BCC) conduisent la politique monétaire de la sous-zone et centralisent la totalité des avoirs extérieurs des États membres)), Une parité fixe avec le franc français, Une garantie de convertibilité illimitée (La libre convertibilité de la monnaie de chaque sous-zone est garantie par le compte d’opération ouvert auprès du Trésor français et sur lequel les banques centrales ont un droit de tirage illimité en cas d’épuisement de leurs réserves en devises.
En contrepartie de ce droit de tirage, les banques centrales doivent déposer sur le compte d’opération au moins 65 % (aujourd’hui 50%) de leurs avoirs extérieurs nets (réserves de change).), La libre transférabilité interne (À l’intérieur de chaque sous-zone, et entre chaque sous-zone et la France, les transferts de capitaux sont en principe libres). Dans le souci de garantir la monnaie CFA, liée par une parité fixe au franc Français (actuellement l’Euro), une conventions dite de « compte d’opérations » a été mise en place. En effet, en contrepartie de la garantie d’un taux de change fixe entre l’Euro et le franc CFA, les pays de la zone franc sont tenus de déposer une partie de leurs devises auprès du Trésor Français, à hauteur de 20% de couverture de l’émission monétaire.
A l’heure actuelle, le taux de couverture de l’émission monétaire dépasse 110%, soit plus de 3000 Milliards de franc CFA pour la seule union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA). Si la France veut « aider » ces anciennes colonies, pourquoi vouloir gérer leur monnaie ? Elle peut bien la garantir le Fcfa sans détenir nos réserves ; L’Argentine et les Etats-Unis illustrent parfaitement cette seconde situation. Les autorités monétaires argentines ont depuis plus de dix ans arrimé leur monnaie au dollar US en maintenant une parité fixe, sans que la responsabilité des américains ne soit engagée dans la gestion de celle-ci.
L’importance des phénomènes monétaires
Si l’on admet que le pouvoir économique confère le pouvoir politique, alors, on doit admettre que le pouvoir monétaire confère le pouvoir politique. Pourtant, la monnaie est une expression de la souveraineté : elle tire ses capacités régulatrices de son aptitude à représenter les valeurs qui sont au fondement de la communauté d’échanges. La monnaie est envisagée comme un attribut de la puissance publique et un instrument de propagande au service de cette dernière. Le principe de la souveraineté mis en lumière par Jean Bodin a permis de dégager une souveraineté de l’Etat dont la souveraineté monétaire semblait être partie intégrante. Réussissant à exclure suzeraineté et vassalité, il finalisait ce qui était alors pensé comme l’indissociable couple puissance–attribut : l’Etat et la monnaie, l’Etat et sa monnaie.
Comme l’écrivait Charles Loyseau, « la souveraineté est la forme qui donne l’être à l’Etat ».Exclusive de toute subordination et de toute concurrence, la souveraineté est la pierre angulaire de la structure étatique, c’est l’âme de l’Etat, et pour s’affirmer comme telle, elle s’est faite ostentatoire et proclamatoire. Outre, sa capacité à donner à l’Etat sa souveraineté, la monnaie et surtout la création monétaire sert à fournir les moyens d’échange aux entrepreneurs. La monnaie est une créance à vue sur le système bancaire à cause du caractère vide dont elle revêt à sa création. La création de la monnaie se fait donc dans le but d´investir et non uniquement en fonction du métal ou des réserves extérieures (devises) qu´une banque (centrale ou commerciale) peut avoir à son actif (en stock). La prédominance de l’endettement dans les économies modernes montre bien que la monnaie est une créance à vue sur le système bancaire, c´est à dire, « un droit de remboursement sur le système bancaire. » En d´autres termes, dans une économie monétaire de production, le crédit bancaire crée ex-nihilo permet de fournir les avances bancaires nécessaires au financement de l’investissement.
Sans monnaie, pas d’investissement
La plupart des monnaies africaines ne sont pas au service de leur économie nationale ou régionale. Les investissements locaux sont quasi inexistants pour la simple raison que leur monnaie sont « colonisées ». Les réserves excédentaires des pays de l’UEMOA logées au trésor français, pourraient être utilisées pour financer la croissance et le développement en Afrique de l’Ouest. Au lieu de mettre en place une politique capable de garantir le financement du développement, la BCEAO, la BEAC ne poursuivent qu’un objectif de taux de change.
En réalité, le franc CFA fait partie d’un bouquet constituant le pacte colonial ; en maintenant les pays africains comme réservoirs de matières premières et déversoirs de produits finis, les pays occidentaux et surtout la France, par le relais de ses nombreuses banques facilitent le sous-développement des pays de la zone franc. Avec les réserves excédentaires excessives que détiennent la BCEAO, une surliquidité bancaire de 400 Milliards de franc CFA et la prédominance des crédits de court terme finissent par convaincre que le FCFA n’est pas fait pour le développement des pays membres.
Mieux les importations sont d’autant plus facilitées que les économies de la zone CFA disposent d’une monnaie CFA rattachée de manière fixe à l’Euro. Ainsi se referme le piège de la dépendance des pays dit pauvres, car le régime monétaire actuel ne sert pas à impulser un processus de développement, mais à entretenir le cycle de la dépendance vis-à-vis de l’ancienne métropole. Le Fcfa est l’un des instruments du plan savamment préparé par la France pour mettre sous perfusion nos économies aux fabuleuses richesses. Le Franc CFA est l’instrument de convertibilité en suisse et dans les paradis fiscaux, d’un certain nombre de richesses africaines. Pour s’en convaincre, examinez par vous-même, le système financier des pays de la zone franc, vous en conviendrez avec nous que la surliquidité bancaire contraste avec un secteur industriel en mal de financement.
Quand il fait mieux, ce système bancaire se contente de privilégier les crédits à court terme, injecter en priorité dans l’économie juste pour absorber les produits déversés par les occidentaux, un crédit destiné aux transactions courantes, écartant idéologiquement les crédits à moyen et long terme (c’est-à-dire à accroître les investissements : donc la production). les pays africains de la zone Franc ne sont pas vraiment maîtres du jeu en la matière (car par le biais des règles de gestion de la parité fixe et de la convertibilité illimitée, le Trésor National français a virtuellement plus de poids qu’un chef d’Etat africain de la zone franc). Aujourd’hui, avec l’Euro fort, les exportations des pays membres sont fortement pénalisées. Il s’ensuit que, du fait d’un euro très fort, notamment par rapport au dollar, la compétitivité des produits de la zone a subi une chute notable. Le cas burkinabé et malien illustrent cette déconvenue car, l’arrimage du franc CFA à l’euro met la filière coton au bord de l’asphyxie, alors que « l’or blanc », principale ressource d’exportation du Burkina, lui procure 60% des recettes publiques.
Les banques centrales de la zone franc (BCEAO, BEAC, BC) ancrées dans une attitude bureaucratique ont oublié la mission fondamentale qui est la leurs : celle de participer au développement des pays membres. Or, certes, une banque centrale a le périlleux devoir s’assurer l’unité et la pérennité du système de paiements, mais elle doit jouer son rôle de prêteur en dernier ressort. Elle est la garante de la monnaie nationale et assure la confiance en elle : en somme, elle assure la stabilité du système monétaire.
Que disent les autres ?
Que reste du franc CFA, rien , car, son ancrage au franc français et à la zone euro, devait apporter pour l’essentiel la stabilité des prix. Cela est attribuable à plusieurs facteurs, dont la discipline monétaire imposée par un taux de change fixe, l’existence d’une banque supranationale relativement indépendante et la garantie française de la convertibilité du franc CFA. En contrepartie de cette cession de souveraineté monétaire, les membres bénéficieront de politiques monétaires stables, non inflationnistes et à l’abri des considérations politiques. Les risques et le coût des opérations en seront pour autant réduits, ce qui stimulera l’investissement et la croissance et encouragera l’intégration économique des États membres. Devarajan et de Melo (1987) ont comparé la croissance du PNB dans la zone franc à celle de onze groupes de pays jugés comparables par un ensemble de critères pour la période 1960–1982. A l’aide d’un modèle de décomposition de la variance, ils constatent que la croissance a été plus élevée dans les pays de la zone CFA que dans les autres pays subsahariens, mais inférieure ou presque identique à celle des autres groupes pendant toute la durée de cette période.
Cependant, des résultats plus marquants ont été obtenus par le groupe CFA par rapport aux autres groupes en segmentant la période d’étude en deux tranches, soit 1960–1973 et 1973–1982. Constatant une amélioration de la performance des pays de la zone franc d’une période à l’autre, les auteurs concluent que la discipline imposée par l’adhésion à l’union monétaire a favorisé l’ajustement durant la période de chocs entre 1973 et 1982 (Devarajan et de Melo, , 1987 : 493). Les travaux de Elbadawi et Majd (1992) sur la base de données plus récentes jettent une lumière moins favorable sur l’Union. Ces auteurs mesurent l’effet à la marge de l’adhésion à la zone CFA à court et à long terme, en utilisant un test par groupe-témoin, corrigé pour tenir compte à la fois des conditions initiales qui différencient l’environnement économique et politique des pays de la zone CFA des pays hors zone (subsahariens et autres), et de l’évolution de cet environnement. Les résultats obtenus démontrent que l’adhésion à la zone durant les années 1970 a eu un effet significativement positif sur tous les indicateurs économiques à l’exception près de la croissance du PIB comparée à celle des pays en développement à faible revenu. Cependant, pendant les années 1980, l’adhésion à l’Union a eu des répercussions négatives sur les taux de croissance du PIB, des exportations, de l’investissement et de l’épargne par rapport aux deux groupes de comparaison.
Que faire face à cette colonisation monétaire ?
Le Mouvement de Libération de l’Afrique Noire (MLAN) en appelle à la conscience collective africaine afin qu’elle se prononce sur son indépendance car l’indépendance politique est subordonnée à l’indépendance monétaire.
L’obstination des pays de la zone franc à utiliser une monnaie colonisée aux mécanismes impérialistes laisse la jeunesse pantois, stupéfaite et les populations désœuvrées. Cette situation de viscosité décisionnelle qui ne profite pas au citoyen africain semble incompréhensible. Un certain nombre de reformes doivent être entreprises afin d’harmonisation, faciliter la convergence, améliorer de la compétitivité des entreprises africaines, adopter la bonne gouvernance des affaires publiques et entretenir un commerce intra-régional important.
La monnaie est tellement essentielle qu’il ne faut pas la laisser au main d’un tiers. La souveraineté émane d’un peuple ou d’une nation (au sens juridique de ces termes) qui la délègue à un souverain par contrat, souverain qui devient le symbole de l’acceptation d’un certain ordre politique et économique dans le cadre d’un territoire donné. Le contrat social, fondement de la souveraineté, revêt ainsi une multiplicité d’expressions dont le contrat « monétaire » est l’une des plus importantes. Ainsi la monnaie, loin d’être simplement un « numéraire » statique ou une unité de compte comme nombre d’économistes ont eu tendance à le considérer, est en réalité un symbole fort des croyances et des représentations collectives liés à la valeur en tant que concept philosophique et anthropologique. Dans ce contrat, la souveraineté nationale implique pourtant un système représentatif, le cas de la banque centrale qui a mandat de battre monnaie au nom du peuple. Cette délégation constitue le pendant économique et monétaire au régime représentatif. Vu que la zone franc porte en elle , les germes du sous-développement des pays membres et que la France trouve en elle, un instrument de colonisation, le MLAN demande aux pays membres de rompre sans délai avec ce système. Les pays membres pourront créer le Franc Ouest Africain (FOA) (pour les pays de l’uemoa) et le Franc de l’Afrique Centrale (FAC), (pour les pays de la CEMAC) et le Franc Comorien, pour le comores. Ainsi, nous rentrerons dans une phase de transition, où les critères nécessaires à l’optimalité d’une zone monétaire devront être atteints, pour enfin créer une monnaie commune appelée l’AFRIKARA.
Le franc CFA (Colonies Françaises d’Afrique) a été créé pour réinstaller la suprématie de la France en Afrique après la seconde Guerre Mondiale car les rapports économiques et monétaires avec les territoires d’Outre-mer étaient en voie de rupture. Non seulement, les entreprises françaises bénéficiaient d’un marché quasi-protégé, mais la France devenait aussi le partenaire incontournable.
Regarder le Nigeria, le Ghana, l’Afrique du Sud, l’île Maurice, le Maroc, la Tunisie, l’Algérie, la Libye, la Chine, l’Inde, le Brésil, etc. ; ces pays qui ont leurs monnaie, qu’ont-ils de moins que les pays de la zone franc ? Maîtriser sa monnaie, c’est maîtriser sa banque centrale et avoir des banques commerciales qui participent au développement économique. Avec ce contrôle et maîtrise de tous les circuits financiers, on peut accorder des crédits à des chefs d’entreprises africains de toutes tailles.
Lorsqu’on parle de monnaie, on parle de Banque centrale. Maîtriser sa monnaie, c’est maîtriser sa Banque centrale qui commande toutes les autres banques commerciales où vous et moi avons nos différents comptes. La politique de développement d’un pays est définie et menée par la Banque centrale. Par exemple, si le gouvernement veut faciliter l’accès à des crédits bancaires pour les emprunteurs, la Banque centrale baissera son taux d’intérêt (appelé taux directeur) sur lequel se calquent tous les autres taux d’intérêts des banques commerciales où nous allons faire nos opérations financières. Si I’Etat ne veut pas favoriser les crédits aux agents économiques, la Banque centrale élève son taux directeur et l’argent devient trop cher au point que personne ne veut s’endetter ni pour consommer, ni pour entreprendre une affaire. Dans le cas particulier des pays de la zone FCFA, toutes les Banques centrales sont inféodées (soumises) à la Banque de France. Celle-ci définit pour les Africains utilisateurs du Franc CFA le niveau du crédit à allouer à leurs économies. Cela veut dire que c’est la France qui, à travers sa Banque centrale (appelée Banque de France), décide et impose à ses sujets africains un certain niveau de développement socio-économique. Le rejet de la souveraineté monétaire au profit de l’ancien esclavagiste est synonyme d’une revendication du statut d’esclave et de colonisé. Pour l’heure les pays de l’UEMOA se battent pour un poste de gouverneur qui naturellement revient à la Côte d’Ivoire vu sa position dans l’union. Nonobstant l’essentiel n’est pas de se battre pour entrer dans une « cage », c’est de chercher à être libre et amorcer son développement : cela passera par une nouvelle zone avec une monnaie décolonisée.
Que Dieu te protège AFRIQUE !
Que Dieu ouvre les yeux des dirigeants africains !
Prao Yao Séraphin Président du MLAN
Prao Yao Séraphin est également Doctorant au Centre d’Etude de la Pensée et des Systèmes Economiques (CEPSE) de Grenoble.