Il a eu l’audace de se porter en faux contre les affirmations du président de la République, sur l’arrivée de l’argent espagnol au Sénégal. Frappé par les conséquences de sa «bourde», Abdou Khafor Touré a tout fait pour se rattraper.
Les 13 milliards de francs Cfa de la coopération espagnole, attendus dans le cadre de la lutte contre l’émigration clandestine, n’ont pas encore fini de soulever la controverse. La dernière en date a eu lieu hier, après que M. Abdou Khafor Touré, le directeur de l’Agence nationale pour l’emploi des jeunes (Anej) a déclaré, au cours d’une rencontre avec la presse que la ligne de financement des treize milliards de francs de l’Espagne était déjà reçue et servait déjà à financer un programme de mise en place de boulangeries modernes. Doté d’un financement de 608.000 euros, le programme vise à créer 15 boulangeries réparties entre Dakar et trois régions de l’intérieur du pays. Interpellé pour des précisions, M. Khafor Touré expliquera que les fonds espagnols, accordés dans le cadre de la lutte contre l’émigration clandestine, auront servi dans trois secteurs importants, que sont l’agriculture, l’emploi et la jeunesse. Précisant que les 34 Maisons à outils sortis de l’imagination fertile du président Wade, ont trouvé le financement de leur équipement grâce à cet argent : «Les maisons à outils ont été construites, mais ont avait des difficultés à trouver un financement pour leur équipement. Maintenant, nous avons pu résoudre ce problème.» Le responsable de l’Anej explique que la boulangerie, comme moyen de recasement d’une partie des jeunes demandeurs d’emploi, vient en second lieu dans le financement.
Une bonne partie de cet argent est consacré au plan Reva, et une autre aux pôles d’émergence agricole des jeunes, sous la houlette du Fonds national de promotion de la jeunesse (Fnpj), expliquera M. Touré. Sans doute conscientisé sur le caractère sensible de ce qu’il venait d’affirmer à la presse, le jeune directeur de l’Anej va consacrer son après-midi à faire le tour des organes qui ont couvert le point de presse, pour revenir sur sa déclaration.
Car, en fait, son affirmation contredisait du tout au tout l’une des plus importantes déclarations du candidat-président Abdoulaye Wade. On se rappelle qu’à Kayar et sur d’autres villages côtiers, le président Wade, en campagne pour sa réélection, avait été fortement chahuté par des jeunes, notamment des rapatriés d’Espagne. Ces derniers l’accusaient d’avoir échangé leur rapatriement au pays contre cette cagnotte de 13 milliards de francs Cfa.
Me Wade a été obligé de démentir cette croyance. Il avait alors dit : «C’est un mensonge de dire que j’ai reçu 13 milliards de francs du gouvernement espagnol contre le rapatriement des Sénégalais.» (Voir Le Quotidien n°1235 du vendredi 9 février 2007). Il avait seulement reconnu avoir signé une convention avec le pays du Premier ministre Zapatero, pour favoriser l’émigration de jeunes qui partiraient pour une embauche quelconque. Les propos de Abdou Khafor touré étaient donc des plus inopportuns, et il a voulu se rattraper avant qu’il ne fut trop tard. Vers 17 heures, cinq heures après sa conférence de presse, M. Touré explique que c’était une incompréhension. «J’ai été de ceux qui, pendant la campagne présidentielle, ont expliqué les tenants de cette histoire de 13 milliards. En fait, ce n’est pas de l’argent liquide que nous recevrons. Il s’agit d’une assistance qui se fera sous la forme de crédit équipement.» En fait, ajoute-t-il, ce fonds reviendra directement à des entreprises espagnoles, qui gagneront les appels d’offres pour l’équipement des maisons à outils ou des boulangeries, entre autres. Par ailleurs, et c’est l’un des points les plus importants, l’argent n’était pas encore arrivé au Sénégal, sous une quelconque forme. «Les projets sénégalais éligibles à ce financement sont déjà validés, et le principe de leur soutien acquis. Maintenant, on pense que ce financement va se faire dans un minimum de six mois.» Par ailleurs, bien que l’argent soit l’équivalent d’un fonds de 20 000 euros que l’Espagne a mis en réserve pour le Sénégal, nulle couleur n’en a été aperçue au pays.
Abdou Khafor Touré avait convié les journalistes à une rencontre pour présenter les services qu’offre son agence, ainsi que pour faire le bilan de ce que son équipe et lui ont pu réaliser depuis leur arrivée, il y a un semestre. M. Touré s’est désolé de ce que, en dépit de son rôle important en faveur des jeunes de ce pays, et des missions qu’elle accompli, l’Anej soit largement méconnue. Ayant expliqué ses missions de long en large, le directeur n’a pas eu la sagesse de se limiter au message qu’il voulait transmettre, et a déraillé dans le débat sur les milliards espagnols, qui ont tout noyé à la fin.
Posté le 17 Mar 2007 par biko