La plupart des dirigeants africains feignent de déplorer la fuite des cerveaux. Pour le quotidien burkinabé Le Pays, ce sont pourtant eux qui en portent la responsabilité, à l’exception notable du Bénin qui tente d’enrayer la tendance. Que ne fait-on pas pour écarter, neutraliser, puis chasser comme des pestiférés tous ceux qui osent venir apporter une expertise dont le continent a tant besoin pour son réel décollage ?
Traques policières, répressions ouvertes, menaces et intimidations sur fond de règlements de comptes politiques ou personnels, salaires de misère sans aucun rapport avec les compétences requises, abus de toutes sortes, y compris en fiscaux, tout est bon pour éconduire l’intellectuel ou le technocrate impertinent. « Surtout pas lui ! », vocifèrent les princes et leurs larbins qui gèrent l’Afrique.
Dehors, la diaspora africaine vit un véritable calvaire : les expatriés, en raison de leur expertise élevée, figurent souvent parmi les bien payés du pays où ils résident. Bien logés aussi, le plus souvent. Ces parents d’outre-mer ne sont pourtant pas toujours heureux de vivre si loin du pays. Malheureusement, les responsables politiques, dont certains ont des niveaux douteux, ont la phobie de cette caste d’individus dont ils ne cherchent même pas à se rapprocher. Perçu comme un épouvantail car assimilé à un éveilleur de conscience qui dérange, l’intellectuel africain a donc rarement du succès en politique. L’animal politique africain ne s’accommode guère de sa présence.
On chasse ceux qui veulent s’installer, on prend possession de leurs idées et on profite du clientélisme pour s’imposer dans le milieu. L’arrivisme et l »‘à-plat-ventrisme » contribuent ainsi pour beaucoup à l’exil des plus compétents. C’est un manque de vision que de mépriser toutes ces compétences qui dorment « sur la natte des autres« . L’Afrique ne peut se développer avec des mentalités aussi rétrogrades au centre des décisions.
On constate que les autorités gouvernementales se réfugient derrières les exigences salariales, arguant le plus souvent que le budget national pourrait difficilement les honorer. Pourtant, les faits démontrent qu’il n’en est rien. A preuve : le train de vie scandaleux des Etats, les avantages mirobolants que les dignitaires s’octroient impunément, les salaires faramineux qu’ils accordent bien souvent à des coopérants étrangers sur ce même budget national.
Aussi faut-il se féliciter de la détermination des actuels dirigeants béninois pour encourager la diaspora à rentrer au bercail. Le Bénin, naguère considéré comme le Quartier latin de l’Afrique francophone à cause du grand nombre de ses intellectuels, a perdu beaucoup de ces plus grands esprits pour n’avoir pas su les gérer. Le gouvernement béninois voudrait bien tirer profit de ce capital de compétences et de ses riches carnets d’adresses.
Le Bénin s’inspire sans doute de l’expérience heureuse du Ghana, qui a su encourager et intégrer sa diaspora, faisant ainsi de son développement économique et de son ascension des quasi-certitudes. En bon banquier, le chef de l’Etat béninois sait qu’il n’y a rien sans risque, et que, s’il veut sortir son pays du trou, il va falloir mettre le prix.
Tous les Africains doivent se sentir interpellés par de telles initiatives. Il y va de l’avenir du continent, qui doit cesser de jouer les complexés alors qu’il dispose de tout pour réussir. Il y a de l’espace, des ressources naturelles à revendre et des ressources humaines qualifiées, convoitées ici et là.
Si, de nos jours, avec Sarkozy, on parle d’immigration choisie, par le passé c’était plutôt l’immigration « auto-choisie« . Pourquoi ne pas s’organiser au-delà des frontières, au-delà des professions, pour sauver nos pays en proie à tant de convoitises et d’injustices ?
Face aux défis du troisième millénaire, les Africains doivent s’efforcer de créer de véritables structures de dialogue et de concertation. Avec l’aide de la vraie société civile et des organisations de la diaspora. Là où il n’en existe pas, il faudrait créer des ministères spécifiquement chargés de la question de la diaspora.
Soutce: Le Pays (Burkina Faso)