Le dirigeant libyen a souhaité que la France connaisse « la stabilité et la paix » et qu’il n’y ait pas « de problèmes, ni d’émeutes », dans un entretien à la chaîne de télévision internationale France 24. « La France a accueilli beaucoup d’Africains et je la remercie pour cela. Je voudrais qu’ils soient de bons citoyens », a poursuivi M. Kadhafi. « J’ai parlé avec mon ami Sarkozy, je lui a dit de bien traiter la communauté africaine et de répondre à ses revendications », a-t-il dit. « Il m’a rassuré à ce sujet (en expliquant) qu’il ne fallait pas craindre la police française », a déclaré M. Kadhafi dont les propos en arabe étaient traduits en français. La France avait été secouée en 2005 par trois semaines d’émeutes dans les banlieues, où vivent de nombreux habitants originaires du Maghreb et d’Afrique noire. Il y a quelques jours, des violences dans une banlieue proche de Paris ont fait plusieurs dizaines de blessés dans les rangs de la police. Des jeunes vivant dans les banlieues déshéritées mettent souvent en cause l’attitude de la police et se plaignent de discriminations.
Mardi soir, M. Kadhafi, dans un discours au siège de l’Unesco avait déjà fait référence aux banlieues et mis en cause l’attitude des autorités françaises, et européennes, à l’égard des immigrés. « Avant de parler des droits de l’Homme, il faut vérifier que les immigrés bénéficient chez vous de ces droits », avait lancé le dirigeant libyen. Le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner a dénoncé mercredi des propos « assez pitoyables ». Dans son entretien à France 24, M. Kadhafi a aussi expliqué que la Libye était plus avancée que la France sur la voie de la démocratie. En France, depuis la Révolution, « les gens votent pour élire le roi, qui est le président de la République », a expliqué le « guide » libyen. « La troisième étape est celle du gouvernement des masses ou le peuple se gouverne par lui même et non par l’intermédiaire de représentants », a soutenu M. Kadhafi. Nous, en Libye, nous donnons l’occasion au peuple de siéger, c’est cela la démocratie ».
Mardi, sur la chaîne publique France 2, il a nié avoir abordé cette question avec son homologue français et affirmé qu’ »aujourd’hui, la question des droits de l’homme ne se pose pas » en Libye. La veille, après une entrevue avec le Guide de la révolution libyenne, Nicolas Sarkozy a pourtant affirmé devant la presse avoir « dit au président Kadhafi combien il fallait continuer à progresser sur le chemin des droits de l’homme, dans tous ses aspects ». Un entretien que ses collaborateurs ont confirmé.
Las, Mouammar Khadafi – qui ne se considère pas comme un président mais comme un Guide sans pouvoir, celui-ci étant dans la Jamahiriya (Etat des masses) théoriquement détenu par le peuple – ne s’est pas contenté de nier. Il a contre-attaqué mardi soir devant des représentants de la communauté africaine en France réunis à l’UNESCO. « Je m’intéresse aux Africains (…) et je remarque que l’intérêt des autres pour les Africains n’est pas le même, a-t-il expliqué, selon la traduction simultanée de l’arabe au français. Les Africains immigrés sont considérés comme des marginaux, des nécessiteux. Parfois, ils réagissent par des actes de violence, ils allument des incendies. Nous sommes contre la violence. Mais cela veut dire qu’ils vivent des situations difficiles, qu’ils souffrent. Cela mérite qu’on s’y intéresse. Pourquoi ces incendies qu’ils allument ? Et ce qu’il y a des droits qui ne sont pas respectés, qui sont violés ? », s’est-il interrogé.
« Quand nous parlons des droits de l’homme, nous devons aussi les appliquer aux étrangers »
Très applaudi par un public acquis, le chef de l’Etat libyen a poursuivi sa diatribe. « Nous sommes dans le pays des droits de l’homme (…) Le citoyen français, le citoyen belge, le citoyen anglais jouit de ces droits. Mais quand nous parlons des droits de l’Homme, nous devons aussi les appliquer aux étrangers (…) Qu’est ce qui fait que des jeunes brûlent des voitures, il y a des raisons, a-t-il insisté. Nous et le gouvernement français devrions le savoir. Nous avons besoin réciproquement les uns des autres. Il n’y en a pas un qui doit avoir la priorité sur l’autre. Cette question doit être étudiée en détail, a-t-il assuré, au contraire de son hôte, qui avait estimé le 29 novembre qu’ »expliquer » les violences serait les « excuser ».
Mouammar Khadafi en a rajouté une dernière couche en regrettant que les Africains aient été « colonisés, réduits à l’esclavage », « utilisés dans les guerres », exploités pour « travailler dans le bâtiment, construire les routes, dessécher les marécages », puis « balancés dans les banlieues ». « La situation est claire, si nous n’avons pas notre place en Europe, nous avons notre continent », a-t-il conclu, promettant de « prendre soin » des personnes intéressées par un retour.
Utilisant toujours la première personne du pluriel pour s’identifier à son auditoire, il a expliqué que ses services allaient organiser « des groupes d’étude afin de vous contacter, discuter avec vous et savoir si nous devons rester ou rentrer chez nous ». En grande forme, « le soldat de l’Afrique » a invité les Européens d’origine immigrée récente à s’organiser « dans le cadre de la loi » afin d’être plus représentés dans les instances politiques européennes et françaises. Il pourra de nouveau discuter de ces aspects avec le président Sarkozy, qui le reçoit une dernière fois ce mercredi.
Source: Afrik